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samedi 16 avril 2022

Sur la Playlist du printemps : Airs de cour, par le Poème harmonique

 

C'est album-univers que cette production de 35 airs, qui remonte à 2015. Mais il n'aura jamais de rides tant il est inséré dans l'époque des Airs de cour.

Ce genre est très reconnaissable et sa période d'existence est relativement courte : fin XVI° siècle/début XVII° siècle. A ce titre, il appartient à la grande ère baroque, mais à son début, juste avant le grand siècle que fut le règne de Louis XIV.

Les Airs de cour sont de petites pièces vocales accompagnées de quelques musiciens, comme des petites scènes de genre musicales, décrivant une ambiance, une historiette, une anecdote... On y trouve aussi des influences italiennes ou espagnoles : la légèreté profane des mélodies se marient mieux avec les cultures du sud de l'Europe, même si les nombreux souverains allemands, de même que la cour anglaise utilisent aussi le genre.

En fait, les Airs de cour étaient la TSF des rois et reines, de leur famille et de leur entourage, à une époque, et pour longtemps encore, on ne pouvait écouter que de la musique live par la force des chosesEt les journées - et encore plus les soirées - pouvaient être si longues au temps où les divertissements étaient si rares - et, pourvu d'avoir une domesticité nombreuse, on avait du temps...

L'album réalisé par le Poème harmonique, formation fondée et animée par le luthiste et guitariste baroque Vincent Dumestre, est de toute beauté, à écouter encore et encore. 

Cette musique nous fait enjamber ces 400 ans, nous rapprochant miraculeusement de ces aïeux, pourtant si éloignés de nous. Une espèce de machine à remonter le temps, en somme.

L'ouvrage repose évidemment sur un énorme travail dans les archives musicales, car les principaux compositeurs sont très peu connus : Pierre GuédronÉtienne MouliniéGuillaume CosteleyAntoine BoëssetAdrian Le RoyCharles Tessier... parmi tant d'autres. 

Autre fondement : l'excellence des interprètes. Les amateurs pourront notamment repérer les belles voix de Marc Mauillon (Baryton), de Serge Goubioud (Ténor) et de Bruno Le Levreur (Contre-ténor)

L'ensemble de l'album se trouve gratuitement sur YouTube ici... Un vrai cadeau du label Alpha Classics.

Voici quelques morceaux au passage parmi les préférés.






samedi 2 avril 2022

Lieux singuliers (9) : le Palais de la Porte Dorée



 Le Palais de la Porte Dorée - c'est son nom officiel - est à la marge : marge de Paris, au bord du Bois de Vincennes et comme en marge de la République, comme on le verra. Comme s'il n'était pas si facile d'assumer sa construction et, ensuite, sa non-démolition.

Il a été construit entre 1928 et 1931 à l'occasion de l'exposition coloniale internationale qui s'est tenue du  6 mai au 15 novembre 1931. C'est tout ce qui reste d'ailleurs de cette exposition, qui fut la dernière du genre. Les premières en France s'étaient tenues à Lyon et à Rouen en 1894 et 1896 respectivement, soit presque 40 ans plus tôt. 

Le Palais de la Porte Dorée ouvrait l'exposition coloniale qui occupait une partie du bois de Vincennes avec de multiples "pavillons" mettant en valeur l'héritage colonial et le folklore des "colonies". On sait ce qu'il en fut  quelques décennies après.

L'exposition fut un grand succès populaire : 8 millions de visiteurs. Mais on mentionnera les quelques opposants courageux : le parti communiste d'abord - qui ne s'est pas trompé sur tout historiquement - et les surréalistes, Breton en tête. On ajoutera Eluard, Char et Léon Blum, alors que son parti y était favorable.

Et dans la même période, de l'autre côté de Paris, au jardin d'acclimatation du Bois de Boulogne, on organisait le dernier zoo humain - pardon, le "jardin ethnologique" - juste à côté du jardin zoologique. On n'a pas osé continuer plus longtemps cette ignominie - au moins en France.

Manifestement, en 1931, on était au début de la fin du bon temps des colonies.

Ironie du sort, parmi les grands sponsors de l'exposition coloniale, on trouve la Brasserie alsacienne Chez Jenny, qui fut une des cantines du Front National. Chez Jenny a disparu en 2020. Sic transit.

Quant au Palais de la Porte Dorée, la République a eu du mal à lui assigner une dénomination claire et fixe : il fut «musée des Colonies», puis «musée des colonies et de la France extérieure», puis «musée de la France d’outre-mer», puis «musée des Arts africains et océaniens», et enfin «musée national des Arts d'Afrique et d'Océanie » avant de déménager ses collections au Musée du quai Branly en 2003.

Enfin, en 2007, il est devenu Musée de l'Histoire de l'immigration. On peut comprendre pourquoi. Mais ses collections ne seront visibles à nouveau en 2023 après une nouvelle organisation. Entre temps, le musée propose des expositions de grande qualité, dont la dernière porte sur Picasso, mais comme étranger. Beau travail. 

L'aquarium tropical du sous-sol, qui vaut une visite, existe depuis le début.

Il reste ce bijou architectural de l'Art déco qu'est le Palais de la Porte Dorée.

Juste en face, on trouve le Monument à la Mission Marchand, érigé quelques années après, dans le même style. Expédition avortée en 1898, elle cherchait les sources du Nil.

Vers les images

dimanche 27 mars 2022

Les séries de l'hiver (2) : Succession, El Cid, Dopesick, Smother, The Tourist, Ridley Road


 L'événement-série de cet hiver fut les trois saisons de Succession libellée HBO, souvent synonyme de qualité et de gros moyens. C'est manifestement le cas. Mais évidemment, on ne traite pas des hyper-riches avec trois bouchons de liège et deux bouts de ficelle.

Nous sommes promenés de bureau à bureau, mais aussi et surtout transportés (en jet privé) vers les prestigieuses propriétés un peu partout dans le monde appartenant au groupe de médias dont il s'agit.

Mais cela se corse quand on sait que ce groupe est semi-familial, entre le patriarche, ses trois enfants et son épouse, qui n'est pas leur mère. 

Chacune des individualités constituant ce noyau de personnages est particulièrement bien soigné du point de vue du scénario et du fil narratif. C'est du beau et du grand travail. Idem, la performance des acteurs concernés est magnifique.

Pour le reste, on retrouve au fil des épisodes la trahison, l'impossibilité de faire confiance, la permanente contradiction entre la logique des affaires et les affres de la famille. Mais nous sommes bien au delà de la simple cupidité. Intéressant.

On attend avec impatience la quatrième saison, annoncée cette année.


El Cid faisait partie de ces séries pas trop remarquées par le public, et faute d'actualité, elle avait été laissée de côté. On se méfie toujours un peu en matière de série historique : on trouve le meilleur et le pire, et souvent le pire.

Par ailleurs, l'acteur principal (Jaime Lorente López) était juste sorti de la Casa del Papel.

Au final, c'est une bonne surprise : pas anachronismes repérés, paysages et décors recherchés, comportements des personnages crédibles, fil historique à peu près respecté, bel espagnol en prime pour ceux qui préfèrent la VOSTF (Version originale avec sous-titres français, en langue de série).

Avec, en sus, une belle tranche de l'histoire de l'Espagne du X° siècle à explorer : antagonismes entre les royaumes et forte présence musulmane jusque dans le Nord de la péninsule. Le récit a lieu en Castille et Leon principalement.

 El Cid peut faire penser à Game of Thrones : guerres incessantes, jeux familiaux de pouvoir, tournage dans des extérieurs historiques bien valorisés.

Hélas, on ne trouve que deux saisons, chacune de 5 épisodes.


Dopesick, mini-série de huit épisodes produite par Hulu - filiale adulte de Disney - dénonce les stratégies de l'entreprise pharmaceutique produisant à grande échelle un antidouleur opiacé (L'oxycodone) en sous-estimant gravement ses effets addictifs pour évidemment en vendre autant que possible. Il s'agit donc d'une série à messagen voire militante.

La crise des opioïdes est encore récente dans l'histoire sanitaire des Etats Unis : ses effets sont encore largement ressentis, et ses enjeux restent énormes en terme de santé publique. 

Cette crise met en lumière un système sanitaire dominé par les hyper-profits financiers, rendus possibles par une éthique ultralibérale : chacun est responsable totalement et irrémédiablement de sa propre santé, ce qui rend illégitime et inutile toute politique de santé publique, par définition collective.

C'est ce même mécanisme qui explique cette obésité omniprésente aux Etats Unis : chacun est totalement responsable de son alimentation, même si on va la chercher au fast food tous les jours.

Dopesick montre que cette mentalité ultralibérale ne résiste pas dès que l'on trompe le public et les professionnels de la santé. Un bel exercice d'autoflagellation, comme les américains savent administrer à eux-mêmes.

On pense aussi aux combats énormes et retentissants contre l'industrie du tabac dans les années 1990, toujours aux Etats Unis.

Comme souvent sur Hulu, les moyens et les compétences sont là et la série présente une grande qualité, tant dans sa narration que dans ses acteurs. 

Le récit est situé en Virginie du Sud, pays minier, mais on y trouve les accents ouvriers des séries récentes situées non loin, en Pennsylvanie, comme Mare of Easttown et Rusted America dont il a été déjà question ici. 


Trois autres séries méritent une attention particulière.

- Smother, série irlandaise de deux saisons de 5 épisodes chacune, produite par la BBC et diffusée par la télévision irlandaise. Ce thriller familial est remarquable tant par la complexité des personnages que par la grande qualité des acteurs. Et nous sommes, totalement, dans la magnifique et sauvage campagne irlandaise.


- The Tourist, mini-série de 6 épisodes, notamment produite par l'Australie. Nous sommes toujours sur un thriller, mais il s'agit cette fois d'un road-trip au milieu des immensités d'Australie méridionale (South-Australia). On trouve aussi dans les producteurs de la série la BBC, HBO et la ZDF (la deuxième chaîne allemande, toujours exigeante). Aucune d'entre eux n'aurait mis de l'argent dans un navet : on peut faire confiance à ces trois parrains, surtout quand ils agissent ensemble.



- Enfin, Ridley Road,  mini-série de quatre épisodes produite par la première chaîne de la BBC, dont l'argument est saisissant. Il relate les activités du parti néo-nazi britannique dans les années 1960. On avait oublié à quel point le fascisme et le nazisme avaient suscité au Royaume Uni tant de mouvements politiques, souvent violents, et jusque maintenant. Petite piqure de rappel : Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde.