Blog perso pour se faire plaisir et communiquer avec les amis qui sont loin, et tous les autres : visites, impressions, découvertes...
Les humeurs quotidiennes ont été reléguées sur Facebook. J'ai dû désactiver les commentaires à cause des spams, désolé.


samedi 20 août 2011

Mémoires d'Europe (2) : lettre à mes amis russes/Письмо моим русским друзьям



Bien chers amis russes,

Deuxièmes sur la liste après les amis finlandais, j'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir fait passer leur liliputien territoire avant l'immense vôtre. Car tout est immense chez vous, à l'image des distances : l'échelle des temps qui fit passer le pays de la situation la plus rétrograde à l'absurdité du système qui s'est effondré à la fin du XX° siècle, le nombre des morts de la II° guerre mondiale - 21 Millions, rien que ça - un tiers du total des victimes du conflit - mais aussi votre courage, votre intelligence et... votre capacité d'autodérision.

Car je me suis longtemps demandé comment un peuple en moyenne et à l'évidence aussi éduqué que le vôtre avait  pu supporter ses dirigeants et ce système politique aussi longtemps. Et comment aurait-il pu sans ce détachement absolu et ce regard acéré qui permet d'analyser au vitriol sa propre société et, au final, de rationaliser l'absurde ?

Je vous ai connus à un moment bien déterminé de votre histoire : quand le système soviétique venait de s'effondrer et que le pays - loin de sombrer dans la stupeur ou la violence - était en train, en quelques semaines à peine, et à toute vitesse, de s'auto-organiser pour continuer de vivre ou au moins de survivre. Stupéfiant, pour l'européen occidental habitué à ses institutions séculaires, lourdes et protectrices à vous en étouffer. Chez vous, d'un seul coup, tout était ouvert, tout était possible.

Alors, pourvu que ce soit en dollars US, tout se négociait, à même la rue, sans formalités ni protocole...  Le repas gastronomique au restaurant pour 10$ à verser directement au serveur, avec vodka à volonté, la course de voiture pour rentrer dormir  - plus de taxis : il fallait arrêter un automobiliste lambda et le convaincre de faire la course - la boite de caviar de la Caspienne aux portes dérobées des grands hôtels, et, hélas, hélas, les icônes anciennes, sur tous les marchés aux puces improvisés ça et là dans la ville qui n'était plus qu'un vaste supermarché à ciel ouvert.

Vous étiez aussi des urbains : de Moscou ou de Saint-Petersbourg, qui venait à peine de retrouver son nom, et vous appreniez vite, très vite, les rudiments de l'économie de marché, alors que les hiérarques poutiniens n'avaient pas encore, eux, eu le temps de verrouiller le système à leur profit.

Certains d'entre vous étaient encore, envers et contre tout, gorbatchéviens, car vous aviez bien vu dans quelle douloureuse aventure Eltsine entraînait les plus faibles d'entre vous, et quelles inégalités abyssales pouvaient se prédire déjà dans le jeu politico-économique où les ambitieux de tout poil - et de tout passé - cherchaient à tout prix à se placer, de préférence en écrasant tous leurs concurrents.

De nos contacts si chaleureux et de nos discussions, j'ai gardé une admiration sans borne pour ce courage et cette intelligence, qui vous permettaient en permanence, et encore et encore, de pallier la déficience des institutions politiques et les aléas d'une économie sauvage. L'humilité en plus : placés dans de telles situations, sans doute aurions nous, occidentaux douillets, baissé les bras et abandonné la partie.

Amis russes, vous me manquez, vingt ans après. Mais la vie est longue, et nous disposons de tous les moyens pour nous retrouver un jour.


Création photographique d'Epsilon Delta, photographe de St Petersbourg
artiste découverte par ce blog intéressant sur le quotidien russe
Le blog y reviendra forcément...

Publicité pour une radio Rock russe

Le très extraordinaire Métro de Moscou, station Kievskaïa


Produit typiquement russe, dans une présentation...
sobre et de bon goût. C'est authentique.

Enfin, on renverra sur ce message du blog concernant l'hymne national de Russie et qui est sans doute le plus bel hymne national qui ait jamais existé. La preuve : il fut aussi celui de l'URSS, mais les russes l'ont gardé après avoir retouché quelques paroles, évidemment.


Le blog  a souvent parlé de la Russie, voir ici

Et, pour conclure, ce raccourci historique saisissant et plutôt cruel...

lundi 15 août 2011

Non lieux

Remarquable, cette longue promenade qui vous offre, de manière totalement non préméditée quatre non-lieux, comme autant de contre-utopies réelles vouées à l'éphémère de l'histoire humaine.

Tout d'abord un village disparu, totalement, effacé de la carte par lors de l'immense boucherie de 1914-1918.


Quelques centaines de mètres plus loin, cette abbaye fantôme : mon Dieu, pourquoi l'avez vous abandonnée ?


Encore quelques pas plus loin : la cabane dans les bois... sitôt construite, sitôt oubliée.


Et, pour finir, ce non-lieu superbe en son genre : le village vacances plaqué là, entouré de grillages, totalement isolé de son environnement et à l'urbanisme composite et sans style, où s'entassent les citadins pressés de décompresser pour quelques jours, dans une ambiance digne de la série culte Le Prisonnier, où un numéro 6 tente de s'enfuir par tous les moyens sans y parvenir, et sans jamais arriver à rencontrer le numéro 1 pour avoir l'explication de sa situation. Que les photos ne trompent pas : l'endroit est bel et bien bondé.


mercredi 10 août 2011

réalité > fiction



Elles en auront fait couler de l'encre, ces pages ! Elles sont extraites du Manuscrit de Voinych, du nom du bibliophile qui a acheté ce manuscrit au début du XX° siècle.

Un drôle de personnage, une drôle d'histoire, dont on fera sûrement un film ou une série un jour, tant la réalité dépasse la fiction. Jugez plutôt : Voinych est polonais à l'origine, né en 1865 en terre russe maintenant biélorusse. Il est membre du Mouvement prolétaire polonais, filiale polonaise de la Première internationale des travailleurs. Il fallait le faire, à l'époque, puisqu'il est vite déporté en Sibérie à l'âge de 21 ans pour s'évader quatre ans plus tard vers Londres, puis émigrer enfin à New York en 1915.

Peu avant son départ définitif pour les Etats-Unis, devenu négociant en livres anciens, il achète aux Jésuites un lot de livres anciens à Frascati, près de Rome, dans une villa mythique et lourdement chargée d'histoire, la Villa Mondragone, dont George Sand écrit 50 ans plus tôt :  Imaginez-vous un château qui a trois cent soixante et quatorze fenêtres, un château compliqué comme ceux d'Ann Radcliffe, un monde d'énigmes à débrouiller, un enchaînement de surprises, un rêve de Piranèse.

Puis vient le clou de l'affaire : dans ce lot de livres anciens achetés aux Jésuites, on trouve un grand manuscrit illustré de 234 pages en vélin, dont les recherches récentes ont démontré avec certitude qu'il avait été écrit dans le premier tiers du XV° siècle.

Et c'est bien la seule certitude qu'on peut avoir sur cet ouvrage car tout le reste est un épais mystère sur lequel des générations de chercheurs se cassent les dents : le texte en est écrit dans un alphabet totalement inconnu, et dans une langue parfaitement indéchiffrable, mais cohérente du point de vue de la graphie, de la fréquence et de l'ordonnancement des caractères.

Quant aux illustrations, elles représentent dans la partie botanique de l'ouvrage des plantes parfaitement inconnues elles-aussi, même si elles ont un air de famille avec la flore terrestre. Et les parties qui semblent traiter de la cosmologie, de la biologie sont tout aussi obscures... Une partie anatomique représente des femmes au bain : mais pourquoi diable !?

Ce manuscrit est conservé à l'université de Yale, aux Etats-Unis, et on peut consulter les fac simile de ses pages ici et ici. Alors qui s'y colle ?