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lundi 26 août 2024

Sur la Playlist de l'été : Bach reconstructed


Les six concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach font partie des grands tubes de la musique classique.  Immensément connus et entendus souvent ici ou là, et il n'est pas de formation musicale un peu connue qui n'ait pas enregistré sa version.

Vérifions et posons la question suivante à ChatGPT, juste pour voir : A combien d'enregistrements peut-on estimer des concertos brandebourgeois de JS Bach à ce jour ?

Réponse :

Les concertos brandebourgeois de Johann Sebastian Bach, composés au début du 18ème siècle, figurent parmi les œuvres les plus célèbres du répertoire baroque, et ils ont été enregistrés de nombreuses fois. À ce jour, on estime qu'il existe plus de **200** enregistrements différents des concertos brandebourgeois.

### Pourquoi tant d'enregistrements ?

Plusieurs facteurs expliquent ce nombre élevé d'enregistrements :

1. **Popularité** : Les concertos brandebourgeois sont très populaires, tant parmi les musiciens que les auditeurs. Leur virtuosité, leur diversité instrumentale, et leur richesse musicale en font des œuvres régulièrement interprétées.

2. **Variété d'interprétations** : Ces œuvres offrent une grande liberté d'interprétation, notamment en ce qui concerne les choix d'instruments, de tempi, et de style (moderne ou historiquement informé).

3. **Évolution de la pratique musicale** : Au fil du temps, les interprétations ont évolué, passant des versions orchestrales massives du début du 20ème siècle à des versions plus légères et historiquement informées, ce qui a encouragé de nombreux ensembles et chefs d'orchestre à proposer leur propre lecture de ces œuvres.

### Conclusion :

Avec plus de 200 enregistrements, les concertos brandebourgeois continuent d'inspirer les interprètes du monde entier, chaque nouvelle version apportant sa propre nuance et son propre éclairage sur ces chefs-d'œuvre intemporels de la musique baroque.

Pas mal, non ? (à condition de faire confiance à ChatGPT, qui ne cite jamais ses sources...)

Mais on trouve dans les nouveautés 2024 cet album Bach reconstructed proposant - et oui ! - trois nouveaux concertos brandebourgeois, écoutés et réécoutés cent fois cet été. 

Christoph Harer, violoncelliste allemand, musicologue, s'est en effet amusé - si on peut dire - à recomposer ces trois nouveaux concertos brandebourgeois à partir de motifs musicaux trouvés ailleurs dans la musique de Bach et réarrangés en forme de concertos.

L'ensemble est étonnant : familier à l'oreille de l'amateur de la musique de JS Bach, mais quand même inouï.

Bref, cette musique n'existe pas, mais pourtant elle existe puisqu'on l'entend. 

Et évidemment, on ne peut que penser aux surprises que l'intelligence artificielle nous offrira bientôt en matière de musique, concoctées par un Christoph Harer informatique : une dixième symphonie de Beethoven ? une cinquième saison de Vivaldi ? un autre boléro de Ravel ?

Et en matière d'opéra, le champ est immense : le divorce de Figaro ? Une suite à Don Juan, ayant échappé finalement des flammes de l'enfer ? Et tuttti quanti.

En attendant, on peut d'ores et déjà écouter facilement ci-dessous les Nouveaux Concertos brandebourgeois.


lundi 5 août 2024

Séries de l'été : The Hour, Shogun, Baby Reindeer et quelques autres

Trois séries marquent la première partie de 2024, trois classiques, déjà.

D'abord The Hour, Arte relayant l'excellence de la BBC mais après plus de dix ans, hélas. La série a été diffusée dans les années 2011-2012 et propose deux saisons seulement, soit douze épisodes d'une heure.

The Hour relate la mise en place en 1956, puis le développement de la principale émission politique de l'époque. Et on observe, comme in vivo, le laborieux travail d'indépendance du média télévisuel vis à vis du pouvoir politique, à l'époque où, en France, un Ministre de l'Information exerçait une tutelle directe et totale sur l'ORTF. 

Deux modèles différents, deux niveaux de tolérance différents, mais dans les deux cas, rien n'était facile, ni acquis, ni évident : chaque mot était pesé quand il s'agissait d'actualité sensible pour le Royaume.

Comme souvent à la BBC, tout est excellent : décors, intrigues, acteurs (Dominic West et Ben Whishaw).

Ensuite, l'énorme Shogun, produit par Disney, inspiré du best-seller éponyme de James Clavel, publié il y a déjà...50 ans. Et la série des années 80 bien connue l'avait popularisé déjà.

Le Shogun de 2024 est somptueux en matière de décors et costumes. Au point même d'oublier tout le reste : l'intrigue, le jeu des acteurs, le contexte historique... Bref, il faudra revoir l'ensemble de la mini-série tant il reste à voir, même si l'ensemble peut paraître un peu lent. Mais nous sommes au Japon au XVII° siècle !

Aux premiers temps du XVII° siècle, le Japon développe une société particulièrement raffinée, mais aussi isolée et minée par les guerres intestines. Aller au Japon à l'époque, c'était comme aller sur la planète Mars aujourd'hui. Seuls les Jésuites ont droit de cité grâce à leur habileté diplomatique, culturelle et linguistique : les Jésuites étaient capables d'apprendre d'importe quelle langue si c'est nécessaire.

L'arrivée d'un navigateur écossais perturbe le tableau et constitue l'essentiel du ressort narratif. 

Une mention tout particulière pour l'acteur Hiroyuki Sanada, qui joue le personnage du futur Shogun, hiératique et marmoréen : less is more, peut-on dire de son jeu. Cet acteur a une filmographie énorme, et dans tous les genres : donc, forcément, vous l'avez déjà vu quelque part.


Enfin, la mini-série Baby Reindeer : encore une bonne pioche pour HBO, mais c'est presque toujours le cas. Elle s'inspire directement d'un fait divers : le harcèlement  cauchemardesque de Richard Gadd, humoriste écossais par une groupie entre 2015 et 2017. 

C'est Richard Gadd qui joue d'ailleurs son propre personnage dans la série, ce qui lui donne une dimension supplémentaire, que Netflix a d'ailleurs bien aperçue en la produisant.

La vraie harceleuse est maintenant devant les tribunaux, mais cette fois comme plaignante, s'estimant diffamée par son personnage dans la série.

Mais le grand intérêt de la mini-série est d'abord de parfaitement décrire les ressorts du harcèlement tout au long des sept épisodes. L'écriture du récit est juste, précise, parfaitement crédible... 

Si le harcèlement n'est pas vraiment nouveau, les nouveaux moyens de communication ont permis d'en décupler les effets sans pouvoir être équilibrés par d'autres outils, restant à inventer. Mais Baby Reindeer nous donne déjà un bon diagnostic sur cette perversion contemporaine devenue si fréquente.


Comme la dernière publication sur les séries avait souligné les portraits de trois personnages féminins, les séries de l'été nous apportent cette fois quatre portraits de personnages masculins intéressants.

Lawmen Bass Reeves (en français : Lawmen : L'Histoire de Bass Reeves), série de l'univers Yellowstone/Paramount. Il s'agit d'un sherif noir ayant réellement existé, Bass Reeves. On s'attache rapidement à ce personnage intègre.. et on imagine sans peine quelle force de caractère il devait avoir pour exercer son métier à la fin du XIX° siècle. 

Dans la réalité, il a arrêté quelques 3 000 malfrats - quand même. On notera qu'il a dû en tuer 14 pour protéger sa propre vie.

Becoming Karl : il est étonnant que Disney ait pu produire ce biopic et on était très sceptique, flairant l'hagiographie pasteurisée.  La soupçon fut vite balayé, car la mini-série n'épargne pas les aspects les plus sombres de la période choisie, pas plus que les aspects les plus matériels - voire triviaux - de la vie de Karl Lagerfeld. Et on est même intéressé aussi par les débats internes à la La Fédération de la Haute Couture et de la Mode.

La série nous offre un casting percutant :  Daniel Brühl (on l'avait repéré déjà dans Good Bye, Lenin il y a... vingt ans, Théodore Pellerin (que la série permet de mieux repérer, lui, canadien bien francophone qu'il faudra suivre), Alex Lutz (souvent excellent dans ses rôles sérieux), Arnaud Valois (composition intéressante, car les comparaisons sont faciles en matière de clones cinématographiques d'Yves Saint Laurent) et...Agnès Jaoui - quand même.

HBO, encore, propose la mini-série The Sympathizer, construite aussi autour d'un personnage masculin, métis vietnamien-américain, maîtrisant les codes des deux cultures. L'acteur, Hoa Xuande, est australien dans les faits, et il faudra aussi le suivre. 

Les passionnés de l'interculturel trouveront beaucoup de stimulation intellectuelle dans le récit : ainsi, par exemple, les grossières erreurs relevées dans un film US sur la guerre du Vietnam sont-elles hilarantes...

La mini-série est inspirée d'un roman de Viet Thanh Nguyen, qui a collectionné les prix :  prix Edgar-Allan-Poe du meilleur premier roman, prix Pulitzer de la fiction et prix du Meilleur Livre étranger en 2017 en France. 

On attendrait vivement la deuxième saison, hélas totalement hypothétique. 

Enfin,, la série Willy Trent propose un personnage de policier atypique dans la série du même nom sur Disney, complexe et très attachant.

Pour mémoire, il est aussi possible de mentionner les productions suivantes :

- Citoyens clandestins, sur Arte, mini-série d'espionnage quasi-complotiste avec le meilleur des acteurs français : Raphaël Quenard, Pierre Arditi, Nicolas Devauchelle, Frédéric Pierrot... Quatre épisodes seulement à ce jour : on espère qu'elle aura une suite. Le ton rappelle celui à certains moments du Bureau des Légendes : cynique, réaliste, ambivalent

Elsbeth : la série est un spin-off fantaisiste de The Good Fight, lui même issu de la grande série juridique The Good Wife l'ensemble étant produit par CBS.

Quand on aime l'univers de The Good Fight - un des meilleures séries actuelles sur les Etats Unis - on aimera Elsbeth : nous sommes à New-York et non plus à Chicago, et sur le terrain direct du crime, et non pas dans les hautes stratégies d'avocat de la défense. 

A la fin des fins, l'immense déception par le dernier péplum d'Amazon, Those about to die doit être mentionnée. 

Que de moyens ! Et on convoque Anthony Hopkins pour faire venir le bon peuple...

Pitié, donnez ces moyens à HBO pour que cette chaîne nous donne enfin une suite à Rome, série indépassable sur l'antiquité romaine, plutôt que de les gâcher dans des effets spéciaux complètement à côté de la plaque, des séquences racoleuses et des acteurs bien mal utilisés.

dimanche 21 juillet 2024

400 000

On surveillait le compteur. Il vient de passer la 400 000° visite ! 

Le blog a été ouvert le  juillet 2007, il y a donc 17 ans, quasi jour pour jour. Cela donne un peu le tournis, et l'on attendra 500 000 avant de faire un bilan de l'ensemble de ces nombreuses années de vie numérique. Bonnes visites d'ici !

mardi 2 juillet 2024

Lieux singuliers (17) : la Villa Laurens à Agde : l'Art nouveau, au Sud




1871 : après la défaite de Sedan, l'Alsace et une bonne partie du Nord de la Lorraine deviennent allemandes, dont Metz. Du coup, Nancy devient une ville quasi frontalière : elle est à 30 km de la nouvelle frontière et toute la géographie politique, administrative et humaine de la région en est bouleversée, avec son cortège de réfugiés fuyant les bouleversements induits.

Et parmi eux, de nombreux artistes et artisans de haute volée qui trouvent dans la bonne ville de Stanislas un abri propice. Cette concentration inattendue de talents, confrontée directement à une esthétique prussienne - plutôt rigoriste - mise en œuvre à Metz ou à Strasbourg,  explique la naissance et l'essor de l'Art nouveau, fondant l'Ecole de Nancy. 

Architecture, verrerie, cristallerie, vitrail, ferronnerie, ébénisterie, papier peint, typographie, imprimerie, reliure d'art, orfèvrerie, dessin, estampe, affiche publicitaire, photographie (notamment) sont mis à contribution dans une approche esthétique globale, opposant ses courbes, ses éléments végétaux, sa légèreté à une approche plus teutonne.

De ce fait, l'Art Nouveau s'est développé à partir du Nord-Est de la France et de la Belgique.

Or, à Agde, la Villa Laurens fait exception, comme lieu singulier. On l'appelle aussi Château Laurens, mais on préfèrerait garder le vocable de Villa, tout comme on parle de la Villa Majorelle à Nancy, ou la Villa Demoiselle à Reims, de la même époque.

L'architecture extérieure elle-même de la Villa est plutôt de style Palladien, assez éloigné des canons de l'Art nouveau. Mais l'essentiel des intérieurs est purement Art nouveau, comme les images le montrent.

L'histoire mouvementée du domaine de Belle Isle, où se trouve la Villa, peut se lire ici. On distinguera surtout le personnage d'Emmanuel Laurens, héritier par hasard d'une fortune colossale, initiateur des travaux effectués pour donner à la Villa sa forme actuelle. Ici aussi, et encore une fois, l'argent n'achète pas le bon goût et l'aptitude à réunir les compétences nécessaires. Cet héritier a manifestement bien utilisé sa fortune !

Après moultes vicissitudes, le domaine et la villa très dégradés sont enfin achetés par la Commune d'Agde en 1994 et le public y est accueilli depuis 2023, comme élément magnifique du présent et du futur de son rayonnement. Vive l'argent public, non ?

Les images sont ici

lundi 3 juin 2024

Sélection des images 2023

 





C'est bien tard, mais il a fallu trier, trier et encore trier pour enfin arriver à ces 459 clichés, instantanés d'une année complète très bien remplie, comme on verra.

Que de lieux enfin visités, appréciés, admirés, après les avoir laissés si longtemps sur la liste d'attente : le Musée de Picardie tout rénové, les grands Mémoriaux du Commonwealth du Nord de la France, la si belle et si agréable ville flamande d'Arras, les grandes et riches Abbayes nichées dans les boucles de la Seine, en Normandie, le séculaire et munificent Monastère royal de Brou - qui vaut une visite à lui-même -, le flamboyant parc du Château du Champ de Bataille, l'antique Trésor de Vix et le Musée qui le présente magnifiquement, l'extraordinaire ville baroque qu'est Dresde, et Leipzig, en plein festival Bach, et enfin l'Abbaye royale de Fontevraud... que l'on rêvait d'arpenter depuis si longtemps, au milieu des tombes si prestigieuses qui l'inspirent encore.

Et puis de belles surprises, bien plus agréables que l'on aurait pensé : les Eglises fortifiées de Thiérache, les passages couverts de Paris, les Invalides, les Musées parisiens moins connus (Cernuschi, Nissim de Camondon), le nouveau quartier des Batignolles et de la nouvelle cité judiciaire de Paris, Tours et ses trésors ligériens, sans oublier la toute neuve Cité internationale de la langue française à Villers Cotterêts.

Ajoutons encore le beau Musée des Beaux Arts de Dijon, digne enfin des Ducs, les somptueux vitraux de Grüber dans l'Abbatiale St Yved de Braine et les beaux endroits du Royans, aux portes du Vercors...mais il en reste encore à voir dans cette sélection !

"Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ?" (Marguerite Yourcenar, l'Œuvre au Noir)

Et 2024, bien entamée, sera également bien riche, soyez en sûrs !

Les images sont ici

dimanche 14 avril 2024

Sur la Playlist de la fin de l'hiver : JS Bach, Actus tragicus

Eglise de Mühlhausen au 18e siècle

Quel chef d'œuvre que cette cantate de Jean-Sébastien Bach, numérotée BWV 106 dans le répertoire général de ses œuvres !

C'est une œuvre de jeunesse de Bach : il l'a écrite à 22 ans, comme organiste de Église Saint-Blaise de Mühlhausen dans les années 1707-1708.

Est-ce de l'ambiance noire de cette ville, qui a connut deux siècles plus tôt une théocratie radicale et violemment égalitaire instaurée par un disciple de Luther, Thomas Müntzer, qui a inspiré l'Actus tragicus, nom donné à cette cantate et on verra pourquoi.

Mystique, spiritualiste, apocalyptique, révolutionnaire, Thomas Müntzer fut célébré à l'époque de la RDA - nous sommes en Thuringe, ex-RDA - comme précurseur du communisme.

Le jeune Bach

Les paroles de la troisième partie de l'Actus tragicus résument très bien l'argument : 

Ah Seigneur, apprends-nous à penser
que nous devons mourir
pour que nous devenions sage.

Ach, Herr, lehre uns bedenken, (Psaume 90:12)
daß wir sterben müssen,
auf daß wir klug werden.

Nous sommes donc dans les pages les plus sombres de la théologie protestante, célébrée par cette musique savante et sobre.

L'instrumentation de la cantate correspond au dénuement de son thème : deux flutes à bec,  deux violes de gambe et un orgue, en ajoutant bien sûr les solistes et un chœur. Par contraste, les douces mélodies de l'œuvre donnent un sentiment d'humilité devant la mort, ordonnée par l'autorité divine à l'heure qu'elle choisit (En lui nous mourrons au bon moment, quand il le veut/In ihm sterben wir zur rechten Zeit, wenn er will dit le chœur initial)

Du coup, nous pensons tout de suite aux paroles que Jean-Sébastien Bach aurait prononcées sur son lit de mort quarante-deux années plus tard : Ne pleurez pas pour moi, je vais là où la musique est née

Pas mal.

Voici quelques interprétations de référence de l'Actus tragicus, mais l'internet en publie beaucoup d'autres.


vendredi 1 mars 2024

Séries de l'hiver : Yellowstone, This is England, The Durrells, The Restaurant et autres

 Que de grands monuments vidéos cet hiver. On s'est régalé !

Yellowstone, la grande saga US de Paramount est enfin visionnée...à l'exception bien sûr du dernier épisode de sa dernière saison (épisode 9, saison 5) que personne n'a encore vu. Il n'est peut-être pas sûr qu'il existe encore d'ailleurs, car il devait être tourné alors que la grève des scénaristes, en mai 2023 faisait rage, laissant en plan pas mal de séries qui ont eu du mal à continuer ou à se terminer.

La grève est finie, mais on ne voit rien arriver. Une brouille professionnelle serait en cause entre Kevin Coster, acteur principal et producteur et le reste de la production. Nous aurions donc ici une série inachevée, comme c'était le cas de certaines symphonies... Pourquoi pas. Et on se rappelle au passage que le divertissement vidéo aux Etat Unis est une vraie industrie, comme toutes les autres.

Entre temps, Yellowstone est devenue une vraie "marque" Paramount avec ses séries dérivées, dont on a parlé ici et son esthétique bien reconnaissable, à base de grands espaces naturels vides filmés en panoramique.

Nous sommes dans le Montana, et de nos jours : il faut le préciser car nous avons affaire à une activité déjà ancienne, dont les derniers représentants occupent la série : l'élevage extensif bovin. Bref, nous sommes dans l'autre pays des cow-boys, le premier étant le Texas. 

Mais un pays extra-ordinaire : l'Etat du Montana compte un million d'habitants sur une superficie de deux tiers de la France. La densité de population y est de moins de 2,5 habitant par km². Mais on y compte 2,5 millions de bovins... Oups, c'est l'Etat le moins dense des Etats Unis après le Wyoming, son voisin, avec lequel il partage le grand parc national du même nom, Yellowstone.

Autrement dit, le Montana est une espèce de conservatoire naturel et humain, tout juste sorti du XIX° siècle, donc du Far West. Voici pour le cadre, survolé d'ailleurs par un hélicoptère siglé du ranch Dutton.

Le récit s'organise autour de la vie d'un ranch XXXL. On parle de 3 200 km² par recoupement, car cette superficie n'est pas mentionnée directement dans la série, soit l'équivalent d'une demie Corse quand même. De quoi aiguiser les envies et les convoitises, et à l'échelle de ce domaine hors du commun.

Tout au long des 47 épisodes (autour de 45 mn, avec des variations jusque 92 mn), on a son compte de fusillades, de meurtres, de vol de bétail, d'intrigues, de règlements de compte... avec quelquefois l'impression de répétition, soulignant les déficiences scénaristiques. Dommage.

La famille Dullon, celle du patriarche incarné par Kevin Costner n'en finit pas non plus de s'entredéchirer - quelquefois même au sens propre... L'hôpital est souvent visité, quoique situé assez loin si on a bien compris. Pas question ici de détailler l'ensemble bien sûr.

On est renseigné aussi avec intérêt le fonctionnement institutionnel de l'Etat, entre Gouverneur, Procureur général et Comté dominé par les éleveurs bovins.

On est aussi intrigué par le fonctionnement de la communauté amérindienne : nous sommes sur territoire Crows. Là aussi, l'histoire de ce peuple n'a pas été vraiment paisible après l'arrivée des européens, comme on s'imagine. 

Mais elle dispose des terres, des prérogatives reconnues par les lois américaines et sa propre gouvernance, que montre de manière détaillée la série. Comme un peu partout aux Etats Unis, les privilèges fiscaux accordés aux premiers habitants leur permettent un certain développement, notamment autour des énormes casinos situés dans les réserves indiennes qui sont de géantes machines à cash. Malheureusement, l'argent ne rachète pas une culture dévastée, avec leurs séquelles sociales et sanitaires. 

Au moins Yellowstone permet il aux spectateur européen de mieux comprendre ce qui se joue là. 

A ce titre, Yellowstone reste une série exceptionnelle malgré ses défauts. On attendra donc son dernier épisode.



Quelle bonne initiative d'Arte de nous proposer This is England, espèce de monument télévisuel de Channel 4, chaîne anglaise publique mais ne bénéficiant d'aucun argent public, et qui s'est distinguée pour des programmes exceptionnels. On citera notamment Black Mirror (quand même !), Humans ou Queer as Folk.

La série This is England est directement issue d'un film de 2006 dont le récit se passe en 1983. Pour les trois saisons de la série, on note le décalage temporel comme suit :

This is England 1986 est diffusé en 2010 (4 épisodes)
This is England 1988  est diffusé en 2011 (3 épisodes)
This is England 1990 est diffusé en 2015 (4 épisodes)

Cela a son importance, car les acteurs suivent la série, et notamment Shaun, le premier personnage, qui a 14 ans dans le film initial. On observe ensuite son parcours tout au long de la série, ce qui donne une vraie force d'attachement à ce personnage, mais aussi à toute la bande qui l'entoure. Parti-pris narratif fort astucieux.

Nous sommes dans le Nord de l'Angleterre. Autant dire dans le cul de fosse de l'économie anglaise, chaque personnage tentant de survivre selon ses propres valeurs, talents, contacts... et sans reconnaissance sociale, sans argent, sans vrai boulot, sans relations dans ce bout du monde dont personne ne peut sortir facilement, forcément.

Et pourtant, ces personnages tiennent debout, Shaun le premier, qui sait se mettre en position d'observateur d'une situation qui devrait le broyer ou le rendre parfaitement imbuvable.

Le tableau d'ensemble est à charge pour les politiques économiques et sociales conduites dans les années 1980 au Royaume Uni... et qui continuent. Vu de France, on ne peut pas vraiment comprendre comment il est possible qu'une minorité de nantis inflige de telles situations à une immense majorité via le parti conservateur.

This is England démontre au final que les hommes et les femmes sont les vraies richesses du pays, mais personne ne s'en rend compte : quel immense gâchis !

Comme série anglaise, la mise en scène et le jeu des acteurs est impeccable, malgré l'immense difficulté à jouer correctement hors de sa classe sociale, les accents étant si discriminants dans l'anglais d'Angleterre.


Au fait, qu'est ce qu'une série anglaise ? Bonne question, car la langue ne suffit pas, puisque tant de pays utilisent l'anglais pour tourner leurs séries, Etats Unis en tête évidemment.

La série The Durrells pourrait peut-être répondre à la question. 

Essayons. D'abord sans doute l'excellence des acteurs - l'Angleterre est le pays natal du théâtre occidental. On retrouve notamment dans The Durrels avec un grand plaisir Josh O'Connor - et pas seulement à cause de son rôle dans The Crown (celui de Charles jeune) et aussi Keeley Hawes, actrice que l'on voit très souvent dans toutes les productions anglaises.

Ensuite, les personnages et les situations sont toujours un peu décalées voire saugrenues : la famille Durrells, bien fauchée, s'est établie dans l'île de Corfou dans années 1930, qui n'est vraiment pas terre bénie pour les anglais, mais elle s'en sort malgré.

Enfin, ces séries exploitent beaucoup le fait tous les Anglais transportent avec eux leur culture nationale : culture hégémoniste, qui s'est greffée sur tant de territoires mondialement, mais qui ne s'est jamais imposée dans les mêmes termes que le colonialisme français, dont le but ultime est toujours l'assimilation des populations dominées, alors que la culture anglaise accepte facilement la coexistence des cultures. D'où un modèle de société interculturelle bien différent, et qui persiste encore de nos jours.

Il reste qu'Arte a eu aussi l'excellente idée aussi de proposer les quatre saisons de la série en même temps. On se régale donc de regarder comment les deux grandes cultures - anglaise et grecque - se frottent, souvent rugueusement, quelquefois de manière conflictuelle, mais toujours intéressante.

Mais, au final, les bruits de bottes de la fin des années 30 finiront par rattraper les Durrells, qui repartiront dans les brumes de leur île : quand la guerre est là, personne ne peut y échapper.


Une autre pépite de l'hiver offerte par Arte : Vår tid är nu (Notre heure est arrivée), retranscrit sous le titre The Restaurant, bien plus plat, et produit par la SVT, télévision publique de Suède, dont les produits sont synonymes de grande qualité.

Trois grandes saisons nous font suivre les hauts et les bas d'un grand restaurant fictif de Stockholm, tout au long de 28 épisodes. La série commence précisément à la fin de la deuxième guerre mondiale, en mai 1945 et se termine en 1968. Autant dire que beaucoup d'eau a coulé sur les nombreuses ponts de la capitale suédoise tout au long de cette fresque familiale, qui épouse bien sûr la petite et la grande histoire.

Une quatrième saison de 4 épisodes revient sur l'histoire du couple principal, en 1951 et conclut la série.

On peut, comme toujours, beaucoup apprécier le souci d'exactitude de ses concepteurs : exactitude des décors intérieurs et extérieurs et des costumes. Mais on peut y ajouter le souci d'exactitude des mentalités et de l'évolution sociale de la société suédoise, alors que s'y construit la social-démocratie, notamment par l'évolution des conditions de travail au Restaurant.

Les personnages et le récit sont également très bien soignés, et les acteurs, dont les principaux sont tous suédois, et on attend de les revoir dans des films ou dans des séries de même acabit.

Une mention particulière sur l'arrivée des Italiens en Suède au cours de la période, et sur leur place dans la société suédoise. Peut être pas forcément un détail, à l'heure où l'Europe se construit, du Sud au Nord.






Pour conclure, mentionnons ces cinq portraits de femme - personnage et actrice - pouvant susciter pas mal d'intérêt :

- Lessons in Chemistry (Apple Video), qui interroge sur le statut de la femme scientifique dans les années 50. Comme toutes les séries par Apple Video, la réalisation est parfaite et les décors bien léchés. L'actrice principale est la Californienne Brie Larson, qui multiplie les apparitions surtout au cinéma, notamment dans l'univers Marvel. Elle est aussi réalisatrice et chanteuse... beau personnage.

- Candy (Hulu/Disney) mini-série inspirée de faits réels, propose le portrait d'une femme au foyer insipide, mais... criminelle, et incarnée par Jessica Biel (épouse Timberlake) : le contre-rôle parfait. La performance d'acteur est à saluer évidemment. Jessica Biel est aussi réalisatrice et productrice. 

- The Dropout (Hulu/Disney) raconte l'étonnante histoire d'Elisabeth Holmes qui a pu lever 700 millions de dollars à 19 ans sur la promesse de pouvoir effectuer rapidement et économiquement des analyses sanguines à partir d'une seul goutte de sang... Rien ne marchait, et tout s'est effondré en 2018. L'actrice principale est Amanda Seyfried, actrice endurcie, qui cumule déjà 23 ans de carrière à 38 ans. Elle est aussi  mannequin et chanteuse.

- Fleabag (Amazon Video) série de deux saisons (12 épisodes) déjà un peu ancienne - elle a été diffusée entre 2016 et 2019 et qui avait eu un certain succès. La série a été produite à l'origine par la BBC, et notamment par la troisième chaîne, qui s'adresse traditionnellement aux adolescents et aux jeunes adultes, et ce n'est pas par hasard. Le principal personnage met en scène une jeune citadine qui rencontre les problèmes de sa génération : travail, famille, vie sentimentale et amicale, mais sur un rythme bien animé, laissant place aussi à des apartés hilarants créant rapidement une complicité avec le spectateur. 

Phoebe Waller-Bridge, la principale actrice, a écrite aussi la série, dont les prix l'ont consacrée comme une des meilleures actrices comiques britanniques.

- Life and Beth (Disney) est comme un pendant américain de Fleabag : on devine un sacré caractère derrière son principal personnage, interprété par Amy Schumer, qui est d'abord humoriste de stand-up aux Etats Unis (ce qui n'est pas rien, dans un pays où le public est impitoyable), puis actrice et scénariste. Une belle palette de talents : Life and Beth témoigne d'une belle vitalité, qui, au passage, montre aussi ce qu'est vraiment le métier d'acteur/actrice, exercice quasi-inédit dans les productions françaises actuelles.

mardi 30 janvier 2024

Lieux singuliers (16) : le Cimetière des Oubliés à Cadillac




 Lieu poignant que le Cimetière des Oubliés de Cadillac. Riverain du cimetière municipal, près de 4 000 malades mentaux y sont inhumés entre 1922 et 2000. Parmi eux se trouvent notamment 201 poilus, mutilés du cerveau comme on disait, rendus littéralement fous par la boucherie de 1914-1918.

Cadillac sur Garonne (c'est le nom complet de la commune) dispose d'une longue tradition d'accueil d'aliénés. Elle remonte au début du XVII° siècle, moment où le Duc de Gascogne y a fait construire un hospice moderne, selon les critères de l'époque. Il en était voisin, puisque le Château de Cadillac - magnifiquement rénové et confié au centre national des monuments historiques - était une de de ses résidences principales.

Mais c'est la Révolution qui a fondé ici en 1790 un véritable asile d'aliénés, devenu entre temps établissement public de santé, spécialisé dans la prise en charge de la maladie mentale et l'accompagnement des souffrances psychiques, tel que le projet d'établissement le désigne.

Il accueille aussi une des dix Unités pour malades difficiles (UMD) en France, désignation claire et simple, qui - par miracle - n'a pas été remplacée par un vocable abscons, euphémisant ou technocratique.

Ironie du sort ou signe du destin, un de ses murs extérieurs, vieux de plus de 200 ans, s'est écroulé dans la nuit du dimanche 22 janvier à lundi 23 janvier 2023, heureusement sans faire de victime.

Le Cimetière des Oubliés, tout près de l'hôpital, représente un grand morceau de l'histoire de la ville, et, partant, de l'histoire du pays. Il est réconfortant malgré tout qu'il ait été réhabilité il y a peu, compte tenu de l'immensité des  souffrances humaines qu'il a recueillies.

lundi 1 janvier 2024

Vœux personnels officiels pour l'année 2024

 Et voici les vœux personnels officiels pour l'année 2024


Et pour ceux qui les auraient ratés, voici les vœux pour les années précédentes