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dimanche 2 juillet 2023

Solide et baroque Saxe



A l'instar de nombreux territoires allemands, la Saxe a connu de plusieurs régimes, désignations et rattachements au fil de l'histoire. Pour autant, sa permanence au fil des siècles est malgré tout remarquable, depuis le moyen-âge jusqu'à notre époque.

Ainsi les Ducs sont-ils devenus Rois par la grâce de Napoléon Ier, dont ils étaient parmi les rares alliés du premier Empereur français en Europe. Signe déjà d'un tempérament solide et affermi de ses Ducs, et, partant, de sa population, alors que tout le monde haïssait le tyran français...

Et ces Ducs ont laissé pour la postérité des réalisations de première qualité en matière architecturale et culturelle, comme l'indique la physionomie des deux grandes villes quasi jumelles que sont Dresde et Leipzig.

Voici pourquoi il faut visiter la Saxe, et notamment pour ceux qui ont le goût baroque, comme on verra pourquoi.

Il faut visiter aussi la Saxe comme partie de la défunte "RDA"... Les guillemets permettent de ne pas trop offusquer les amis allemands, qui ne voulaient pas que l'on parle de "DDR", dénomination qui pointait immédiatement la spoliation communiste de la "Zone" - sous entendre "la Zone occupée par l'URSS"... Mais c'est une autre époque.

Comme souvent à l'Est de l'Europe, le communisme soviétique a au moins épargné les centres villes anciens tels quels, notamment non défigurés par les hideux immeubles acier-verre des années 70 qu'on trouve partout dans les villes de l'Ouest. Hélas.



Ville martyr après les lourds bombardement de la fin de la deuxième guerre mondiale, le centre ville de Dresde a été reconstruit à l'identique, y compris la Frauenkirche - Eglise Notre Dame, de culte luthérien - réinaugurée le 30 octobre 2005. Symbole de la réunification pour beaucoup, il fallait attendre le fin du régime communiste pour la reconstruire. On le voit, la Frauenkirche est très loin de l'austérité des lieux habituels du culte protestant. En Saxe, même le protestantisme est baroque !

La Frauenkirche est au final la dernière pièce d'un des plus beaux paysages urbains d'Europe, vu de l'Elbe, façonné pour l'essentiel au cours du XVIII°.

Quant à Leipzig, nous sommes dans la ville où a exercé de Jean-Sébastien Bach pendant 23 ans, comme Cantor de l'église Saint Thomas. A cette période de début juin se tiennent les Journées Bach : raison de plus d'y passer un peu de temps.

La visite de Leipzig nous immerge partout dans la musique entre Eglises, Gewandhaus et Opéra. Mention particulière pour le Gewandhaus, dont le chef permanent de l'orchestre s'appelait notamment Félix Mendelssohn, puis Wilhelm Furtwängler, Bruno Walter, Kurt Masur... Et c'est là où l'on a créé des œuvres de Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms et Bruckner. Quand même.

Un tour au Musée des Beaux Arts de la ville nous replonge aussi dans les années du régime soviétique : les collections contemporaines en sont directement marquées, comme les images permettront de s'en rendre compte. 

Très intrigants, très intéressants que ces tableaux qui peignent ce grand ciel bleu, vu par tous, partagé avec le monde entier mais inaccessible à la population de l'époque.

Pour finir, un tableau de Canaletto - qui a été invité ici par les Ducs, quelle bonne idée, non ?  - a donné envie d'aller voir le centre ville de Pirna de nos jours. On s'y retrouve. Comme on s'y est retrouvé à Dresde, quand il s'est agi de reconstruire la ville : les tableaux de Canaletto ont été si précieux, deux siècles après... L'art plus fort que la guerre, en somme.

Mais en plus du Pirna du XVIII° siècle, on y croise facilement les traces de l'ancienne Allemagne de l'Est.

Toutes les images sont ici

samedi 19 novembre 2016

Mémoires d'Europe : Pays Bas


A l'occasion de ces quelques vrais clichés, on peut ajouter (c'est du vécu !)

- quand tu partiras quelques jours, le voisin arrosera tes plantes sans rien lui demander... tout le monde a la clef de tout le monde :-)
- ton voisin te donnera l'adresse d'un garage ou d'une casse automobile s'il s'aperçoit que tu n'as pas touché ta voiture pendant plus d'une semaine...
- la police t'appellera à 7 h 00 du matin pour t'informer que qu'un véhicule a percuté le tien à 4 h 00 du matin dans ta rue, mais qu'on sait qui a fait le coup...
- le même policier te demandera pourquoi tu n'as pas changé ton numéro d'immatriculation au bout de 15 jours, comme c'est obligatoire, alors qu'il t'indique que tu travailles là depuis... 6 mois... et qu'il sait même où tu travailles...
- tous les passants doivent peuvent regarder tout ce qui se passe chez toi à la nuit : fermer ses doubles rideaux, c'est suspect...
- un gamin au supermarché te pose une question en néerlandais, puis il comprend que tu n'as pas compris, donc il traduit immédiatement en anglais, puis comme il voit que tu n'est pas anglophone, il traduit dans la foulée en français : "Combien ça coûte ça ?" (sic)
- ton garagiste t'indiquera que "clutch", c'est "embrayage" en anglais... même pas en néerlandais
- ta bouchère te détaillera en français exactement le chemin pour la plage... à l'autre bout de l'Europe... et même où sont les meilleures glaces du coin...
- et une pièce de 10 centimes d'Euro suffit à aller ranger ton chariot du supermarché, soit... 10 fois moins qu'en France.

e tutti quanti !




samedi 24 janvier 2015

Cologne 2014




Cinquième ville d'Allemagne, Cologne est d'abord rhénane. C'est peut-être pour cela que l'on s'y sent un peu comme chez soi quand on vient de pas trop loin, de l'autre côté des bords du Rhin, en France du Nord, si l'on ose dire. Evidemment le fleuve, pourtant encore lointain de la mer du Nord, mais déjà énorme, prend toute sa place et imprègne fortement le paysage urbain, organisé d'abord sur les deux rives, au premier plan Cathédrale et Gare centrale - l'autre cathédrale, celle de la période industrielle celle-là.

Et l'on se souviendra de la belle colonie romaine que fut "Cologne" en revenant au musée romain-germanique, magnifiquement refait et mis en scène, là même où la "Colonie" était implantée.

Le chateau de Brühl, lourd d'histoire, vaut également une grande visite : il n'était pas accessible avant le transfert de la Capitale de l'Allemagne à Berlin suite à la chute du mur.

Situé entre Cologne et Bonn, l'ancienne provisoire petite capitale, le site servait à accueillir les hôtes prestigieux de la République fédérale non encore réunifiée. Au XVII° siècle, il était la résidence du Prince Evêque qui gouvernait le secteur, l'Allemagne ayant été eclatée longtemps entre tant de principautés, duchés, comtés, évêchés et l'on en passe. On se souviendra quand même que notre Mazarin y trouva refuge quand la Fronde lui chercha noise. Brühl est aussi le lieu de naissance de Max Ernst. Une autre raison de s'y rendre.








vendredi 25 avril 2014

Mémoires d'Europe (5) : lettre à mes amis portugais/Carta para meus amigos portugueses


Bien chers amis portugais,

Que d'allers et retours nous fîmes en ce temps là, où vous veniez d'entrer dans l'Union européenne et où vous étiez si avides d'accueillir l'Europe entière à Lisbonne après toutes ces années d'isolement, puis de transition démocratique.

C'était au siècle dernier, alors que nous célébrons ce jour le premier jour de la révolution des œillets il y a juste quarante ans. Quel mystère ! Comment le régime de Salazar a-t-il pu faire taire si longtemps votre esprit de liberté, de démocratie, d'ouverture, d'intelligence ? Sans doute hélas d'abord en organisant la vaste émigration de ses forces vives vers d'autres cieux, le français notamment. Quatre millions en France, portugais ou d'origine portugaise : rien que ça. Sans parler des catastrophes humaines que fut le peuplement colonial du Mozambique et de l'Angola, rendus indépendants bien après tous les autres pays d'Afrique. Près de 10% de la population portugaise y a été envoyée. Rien que ça, encore.

Comment s'étonner donc : le Français est partout chez vous. Mais peut-être aussi pour faire contrepoint à l'Espagnol, le grand rival ibère pour lequel l'existence du Portugal était toujours un peu considérée comme une... anomalie de l'histoire. Pas facile de créer la confiance avec un tel voisin.

Agueda (Région Centre Portugal), au mois de juillet

De ces réunions et séjours au Portugal, on se souvient d'abord de l'amitié, de la convivialité, de la proximité que nous trouvions tout naturellement dans nos échanges. Et une formidable générosité : votre niveau de vie, à votre entrée dans l'Union européenne, était quatre fois moins important que le nôtre. 

Et pourtant, vous organisiez un accueil impeccable qui vous coûtait évidemment beaucoup, argent personnel autant qu'argent collectif, mais sans jamais que cela fut mentionné. Impossible bien sûr pour nous de refuser quoi que ce soit, de proposer une quelconque participation : après toutes ces années d'humiliation, il n'en était pas question. Vous étiez libres, et il vous fallait vous donner à vous-mêmes les moyens de votre émancipation, y inclus dans ces accueils de délégations à répétition.

Et le pays s'équipait, s'organisait, se rénovait à grande vitesse, en grillant les étapes. C'est la maigre consolation du sous-développement : il permet de sauter les stades du progrès pour rattraper les autres, voire les surpasser, une fois que les conditions en sont réunies. C'est ainsi que l'on a pu voir au Portugal le premier vrai téléphone mobile, qui n'est apparu que bien plus tard en France.



Nous avons très très longtemps correspondu, je pense souvent à vous, alors qu'une nouvelle crise vous a rattrapé et a rendu vos conditions de vie à nouveau si dures. Quel paradoxe : vous étiez rentrés dans l'Union européenne pour assurer votre prospérité démocratique et économique et maintenant, elle dirige votre pays d'une main de fer pour assurer ses équilibres financiers. Plus de place pour l'amitié dans ce froid commerce.

Outre l'amitié désintéressée, authentique, il reste aussi votre formidable pays. Façonné par des siècles d'une histoire largement ouverte sur le Monde entier, ses splendeurs s'offrent à l'amateur sans nombre. Elles faisaient de chaque séjour un émerveillement : monuments, jardins, fontaines, quartiers suspendus, bâtiments historiques, demeures de prestige, monastères... Ce sens de l'histoire, inscrite dans la pierre des villes, nous rapprochait encore.

Enfin, la musicalité de votre langue - partagée avec le grand Brésil qui a su l'exalter - comblait le polyglotte : il y était facile d'y identifier assez de racines pour s'y retrouver dans une conversation ou un texte. 

Alors, oublions toutes les idées reçues, les préjugés idiots, les moqueries à deux balles, les clichés faciles, la condescendance si française. 

Respectons nous, et rendons enfin l'amitié dont vous nous témoignez depuis si longtemps.


vendredi 1 février 2013

Mémoires d'Europe (4) : lettre à mes amis hongrois/levél magyar barátaimmal


Chers Amis hongrois,

Au temps du Mur, vous étiez exceptionnels. Vos dirigeants avaient su, par petits pas, à partir de la féroce répression de 1956, vous donner une place à part dans le glacis soviétique et même une dose de petite entreprise privée était possible chez vous.

Vous étiez parvenus à la pointe de ce que l'ours russe pouvait tolérer. Et pour le basculement dans l'Europe moderne post-soviétique, vous étiez en toute première ligne. Vous paraissiez prêts, vous n'attendiez que cela à l'évidence.

Vous avez donc été, tout naturellement, les premiers "de l'Est" rencontrés quand il s'est agi de construire la nouvelle Europe.

Mais avant cela même, nous avons pu avec vous et les Allemands, vos chers alliés, aller très loin dans l'échange et les contacts. Beaucoup plus loin qu'avec tous les autres pays du "bloc socialiste", puisqu'on l'appelait comme ça. 

Et l'on craignait d'ailleurs toujours les défections quand un groupe était accueilli, car les gardiens du semblant d'orthodoxie qu'il fallait afficher pour contenter Moscou n'auraient pas pu fermer les yeux et auraient forcément dû "marquer le coup" en stoppant pour un moment nos rencontres, à leur corps défendant probablement d'ailleurs.

Et on peut même le dire : on a offert gîte et couvert à certains d'entre vous qui, en arrivant en France, avaient fait voeu de ne pas revenir en Hongrie.

Il vous faut maintenant chasser les fantômes laissés par trois Empires au moins, auxquels vous avez appartenu successivement : l'Ottoman, l'Austro-hongrois et le Soviétique


Et cela ne se fait pas tout seul, car votre identité nationale maintenant se reconstitue sur le dos des minorités nationales qui, les pauvres, n'y peuvent rien, et à la faveur d'un régime durci, populiste, simpliste et xénophobe, disons-le tout net.

Votre particularisme peut pourtant s'illustrer facilement de manière beaucoup plus noble, par exemple par la place immense qu'occupe la musique pour vous - la cithare et le cimbalon en tête - et par votre langue toute en voyelles et parfaitement incompréhensible des autres peuples, dite finno-ougrienne, groupe de langues dont on avait déjà parlé dans notre lettre aux amis finlandais.


Je pense à vous, toujours. Dans quel camp êtes vous maintenant ? Que faites vous dans ou pour votre pays après les bouleversements du XX° siècle ? Nous nous sommes perdus de vu et je ne sais pas vraiment.  Mais quelque chose me dit que le quotidien ne doit pas être très facile pour vous en ce moment.

En attendant des jours meilleurs, on ne manque jamais, passant au Cimetière du Père Lachaise, de s'arrêter sur le Monument à la mémoire d'Imre Nagy, cet immense hongrois assassiné par les Soviétiques alors qu'il ne faisait que protéger son peuple contre l'arbitraire, l'oppression et la répression.



samedi 8 octobre 2011

Mémoires d'Europe (3) : lettre à mes amis polonais/List do moich polskich znajomych





Bien chers amis polonais,

Que nous nous connaissons depuis longtemps déjà ! Malgré les vicissitudes de l'histoire (et, en la matière, vous en connaissez un rayon) on a toujours trouvé chez vous les mêmes traits de caractères dans la relation : humeur joviale et malicieuse, francophilie démesurée (cela aide), débrouillardise et pragmatisme solide.

 Nous avons traversé ensemble tous ces évènements inouïs de la fin du XX° siècle. Cela crée des liens.

On croirait plusieurs siècles passés depuis le temps où nous nous cachions des autorités varsoviennes, tout notables locaux que vous étiez, installés dans le système faute d'autre engagement possible, pour vider ensemble quelques bouteilles de Vodka de chez vous, de la Wyborowa évidemment - pas de la vodka russe, on se demande bien pourquoi.

Malgré les dodna (cul-sec) qui s'enchaînaient, je m'en souviens parfaitement. Wyborowa est maintenant propriété du groupe Pernod-Ricard, qui aurait pu le prophétiser ? A l'époque, le coût d'une demi-bouteille de Wyborowa dans les deux devises donnait le taux de change officieux entre le dollar US et le zloty : 1 $ pour 700 zlotys, soit sept fois plus que le taux de change fixé par l'Etat communiste.

On se souviendra aussi d'une promenade avec vous par temps de neige sur le pont découvert d'un bateau mouche à Paris où, officiels en visite officielle que vous étiez, vous remarquiez d'un air rigolard qu'il y avait quand même plus de ponts à Paris qu'à Moscou...



Vous avez réintégré l'Europe à laquelle vous n'avez jamais cessé d'appartenir : il suffit pour s'en convaincre de se promener chez vous, pour s'y sentir maintenant comme chez soi. 

L'hiver en moins, car il est rude encore, mais il l'était encore plus à la grande époque de la grisaille générale, quand les rayonnages des magasins étaient littéralement vides. Quand acheter une casquette à sa taille pour se protéger des -20° C d'un terrible mois de février s'est avéré tout simplement... impossible. Le produit n'existait pas, et nous ne savions même pas comment dépenser les zlotys du change obligatoire.

La couleur a fait sa réapparition partout chez vous, mais il s'agit hélas d'abord de celle de la publicité, envahissante au possible. Désespérante et frustrante aussi, car si peu d'entre vous ont déjà les moyens d'acheter les produits vantés par les multinationales européennes qui se sont jetées sur le pays dès son ouverture économique, vos élites jouant aux néocapitalistes plus capitalistes que les capitalistes... le zèle des néophytes. De même que diplomatiquement, vos gouvernants se proclament plus atlantistes encore que les américains eux-mêmes !

Votre francophilie est à la mesure de la cruauté dont on fait preuve la Russie, la Prusse et l'Autriche-Hongrie pour dépecer votre territoire à partir de la fin du XVIII° siècle, alors que votre grande nation était déjà bien constituée et dominait largement les zones baltes depuis des siècles. 

Napoléon, autre raison de votre francophilie, avait d'ailleurs bien compris qu'en ré-instituant l'éphémère grand Duché de Varsovie alors que partout ailleurs il départementalisait les territoires conquis, il gagnait votre estime en s'appuyant sur la fierté nationale si souvent bafouée par les autres envahisseurs historiques.

Vous avez résisté à tout cela, et on se demande comment, maintenant que vous êtes si proches de nous. La monstruosité et la perversité du système soviétique apparaît alors, car elle s'est appliquée à vous comme à des semblables. Nous le voyons maintenant que vous avez rejoint si vite notre monde, faisant éclater au grand jour votre modernité et votre européanité, nous permettant ainsi de nous projeter à votre place dans ce hideux système heureusement défunt.

Outre votre langue, outil d'identification évident et pérenne, la religion catholique fut le ressort principal de cette résistance et cette ferveur religieuse presque totalement disparue chez nous nous sépare assurément.

Elle nous sépare d'autant qu'elle prend souvent le visage de la bigoterie, de l'intolérance et de l'emprise obscurantiste sur la société. Mais on peut en faire le pari : privée progressivement de son carburant, l'oppression du sentiment national, et comme dans tous les autres pays européens, l'Eglise polonaise reviendra à la place qu'elle occupe dans tous les autres pays : une puissance spirituelle, déclinante au demeurant, dont la société acceptera peut être les conseils et avis, mais certainement plus les injonctions.

Je retournerai vous voir : la Pologne n'est pas si loin et il y a tant à y découvrir. Et il est maintenant tellement plus facile de vous accueillir ici. Tant à partager encore avec vous !





samedi 20 août 2011

Mémoires d'Europe (2) : lettre à mes amis russes/Письмо моим русским друзьям



Bien chers amis russes,

Deuxièmes sur la liste après les amis finlandais, j'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir fait passer leur liliputien territoire avant l'immense vôtre. Car tout est immense chez vous, à l'image des distances : l'échelle des temps qui fit passer le pays de la situation la plus rétrograde à l'absurdité du système qui s'est effondré à la fin du XX° siècle, le nombre des morts de la II° guerre mondiale - 21 Millions, rien que ça - un tiers du total des victimes du conflit - mais aussi votre courage, votre intelligence et... votre capacité d'autodérision.

Car je me suis longtemps demandé comment un peuple en moyenne et à l'évidence aussi éduqué que le vôtre avait  pu supporter ses dirigeants et ce système politique aussi longtemps. Et comment aurait-il pu sans ce détachement absolu et ce regard acéré qui permet d'analyser au vitriol sa propre société et, au final, de rationaliser l'absurde ?

Je vous ai connus à un moment bien déterminé de votre histoire : quand le système soviétique venait de s'effondrer et que le pays - loin de sombrer dans la stupeur ou la violence - était en train, en quelques semaines à peine, et à toute vitesse, de s'auto-organiser pour continuer de vivre ou au moins de survivre. Stupéfiant, pour l'européen occidental habitué à ses institutions séculaires, lourdes et protectrices à vous en étouffer. Chez vous, d'un seul coup, tout était ouvert, tout était possible.

Alors, pourvu que ce soit en dollars US, tout se négociait, à même la rue, sans formalités ni protocole...  Le repas gastronomique au restaurant pour 10$ à verser directement au serveur, avec vodka à volonté, la course de voiture pour rentrer dormir  - plus de taxis : il fallait arrêter un automobiliste lambda et le convaincre de faire la course - la boite de caviar de la Caspienne aux portes dérobées des grands hôtels, et, hélas, hélas, les icônes anciennes, sur tous les marchés aux puces improvisés ça et là dans la ville qui n'était plus qu'un vaste supermarché à ciel ouvert.

Vous étiez aussi des urbains : de Moscou ou de Saint-Petersbourg, qui venait à peine de retrouver son nom, et vous appreniez vite, très vite, les rudiments de l'économie de marché, alors que les hiérarques poutiniens n'avaient pas encore, eux, eu le temps de verrouiller le système à leur profit.

Certains d'entre vous étaient encore, envers et contre tout, gorbatchéviens, car vous aviez bien vu dans quelle douloureuse aventure Eltsine entraînait les plus faibles d'entre vous, et quelles inégalités abyssales pouvaient se prédire déjà dans le jeu politico-économique où les ambitieux de tout poil - et de tout passé - cherchaient à tout prix à se placer, de préférence en écrasant tous leurs concurrents.

De nos contacts si chaleureux et de nos discussions, j'ai gardé une admiration sans borne pour ce courage et cette intelligence, qui vous permettaient en permanence, et encore et encore, de pallier la déficience des institutions politiques et les aléas d'une économie sauvage. L'humilité en plus : placés dans de telles situations, sans doute aurions nous, occidentaux douillets, baissé les bras et abandonné la partie.

Amis russes, vous me manquez, vingt ans après. Mais la vie est longue, et nous disposons de tous les moyens pour nous retrouver un jour.


Création photographique d'Epsilon Delta, photographe de St Petersbourg
artiste découverte par ce blog intéressant sur le quotidien russe
Le blog y reviendra forcément...

Publicité pour une radio Rock russe

Le très extraordinaire Métro de Moscou, station Kievskaïa


Produit typiquement russe, dans une présentation...
sobre et de bon goût. C'est authentique.

Enfin, on renverra sur ce message du blog concernant l'hymne national de Russie et qui est sans doute le plus bel hymne national qui ait jamais existé. La preuve : il fut aussi celui de l'URSS, mais les russes l'ont gardé après avoir retouché quelques paroles, évidemment.


Le blog  a souvent parlé de la Russie, voir ici

Et, pour conclure, ce raccourci historique saisissant et plutôt cruel...

samedi 28 mai 2011

Mémoires d'Europe (1) : lettre à mes amis finlandais/kirjeen minun suomalaisia ​​ystäviä


Bien chers Amis finlandais,

Vous êtes les plus nordiques de mes amis : il était donc naturel de commencer ce cycle de Mémoires d'Europe par vous. Et il faut bien commencer quelque part.

Sans vouloir vous vexer, vous étiez très exotiques, car nous ne vous connaissions pas très bien avant que l'Union européenne ne nous rapproche tant et d'un seul coup. A l'ombre de l'ours soviétique qui a bien failli vous manger tout crus en 1945, vous vous teniez à carreau pour ne pas réveiller l'animal. Même rhumatisant, il pouvait encore faire beaucoup de mal, quand on était à portée immédiate de sa griffe. Jusqu'à faire de la Finlandisation un concept en soi. Il faut dire que tous les siècles passés d'hégémonie suédoise ou russe alternativement vous avaient déjà donné une rude expérience de la domination culturelle.

Street art à Helsinki

Cette situation frontalière extrême - politiquement et géographiquement - vous a sans aucun doute donné ce sens de l'humour grinçant, dérisoire et désabusé dont vous étiez les maîtres et qui nous rapprochait beaucoup, car vos voisins scandinaves étaient nettement moins marrants. 

En matière de relations internationales, l'humour est essentiel et pouvoir le manier ensemble est crucial, puisqu'il met à distance nos cultures respectives et crée de ce fait un champ de communication possible à investir ensemble. On pourra se souvenir de longues plaisanteries sur l'art d'occuper les longues, longues, longues, et si sombres journées d'hiver de Laponie finlandaise. Lumineux pays du Père Noël quelques jours de décembre, les autres jours d'hiver y sont glacés par le froid et la nuit polaire.

Curieusement, votre étrange langue n'était pas un obstacle car l'anglais et la liberté du ton étaient suffisants. Elle est dite finno-ougrienne ou ouralienne. Même le polyglotte européen n'arrive à y capter que très peu de sens, puisque ses racines, qu'elle partage de manière très lointaine avec celles du Hongrois, n'ont rien à voir ni avec les langues slaves, ni avec les langues germaniques ni encore moins avec les langues latines. Tout comme notre langue basque.

Vous aviez aussi la santé. Oh là là ! Dans nos stages et séminaires internationaux, toutes les journées de travail se prolongeaient avec vous par de longues soirées interminables et souvent... bien arrosées, mais c'est une autre histoire. Normal, quand on habite autant au Nord, il faut savoir vivre la nuit, sinon, on reste au lit 20 heures sur 24 six mois dans l'année. Mais, Chapeau, cela ne vous empêchait pas, dès qu'il fallait se lever le lendemain, d'investir joyeusement les salles de bain et d'être impeccablement dispos aussi tôt qu'il le fallait pour le travail.

J'ai aimé aller vous retrouver dans votre beau pays naturel pour lequel très peu de Français avaient la moindre considération : 5 millions d'habitants, pour la populeuse et glorieuse France, cela compte à peine. Mais on y vivait bien, paisiblement et solidairement. D'ailleurs dans certaines enquêtes, il paraît que vous êtes le deuxième peuple le plus heureux du Monde, carrément.

Bon XXI° siècle à vous, l'Euro en plus. Et l'on terminera par un des hélas rares mots mémorisés de votre langue suite à tant de rencontres, mais qui n'est pas utilisé ici que pour la forme : kiitos






Bande annonce proprement lunaire
 de l'initiative finlandaise  http://www.ironsky.net/
à voir absolument : chef d'oeuvre d'humour grinçant très noir 
et très décalé