Belle moisson d'été, en quantité et en qualité.
D'abord la découverte de deux univers très différents, pas tout à fait récents, mais qui valent le temps : Babylon Berlin, série allemande, et les préquelles de Yellowstone : 1883 et 1923, signés par Paramount, tout comme la série originale.
Après l'allemand et l'anglais, on a entendu un peu d'espagnol (cette langue est terriblement télégénique !) dans les séries la Fortuna et Un cuento perfecto (Un conte parfait)
Et on ajoutera, pour faire bonne mesure, les autres séries issues de l'univers anglophone aussi : Maid, , Wilderness, Surface, The Crowded Rooma et The Patient. Ouf !
Babylon Berlin est une grande série, qui compte déjà quatre saisons. Les moyens mis à disposition sont énormes : le spectateur est transporté directement dans le Berlin des années vingt-trente et on oublie vite ce qu'il faut mettre en œuvre pour reconstituer la ville à l'époque.
Et si on commence à regarder dans le détail, on est bluffé : la palette graphique ne suffit pas pour mettre en images par exemple l'Alexanderplatz avec ce réalisme. Et ainsi de suite, rue par rue : innombrables véhicules d'époque, fils électriques et mobilier urbain modernes dissimulés, purge des façades de tous leurs éléments modernes etc. Voici pour l'énorme boulot des décorateurs.
Sur l'intrigue proprement dit, elle mêle chronique policière et vie nocturne berlinoise - foisonnante à l'époque comme il se doit : nous sommes dans les années folles, et dans une capitale folle, comme on l'a souvent dépeinte.
C'est que l'ambiance de Berlin était tout à fait spéciale, qu'on ne retrouvera jamais historiquement : libérale de mœurs, marquée par les forts antagonismes des partis extrêmes dans une société qui paye au prix fort la défaite de 1918 financièrement mais aussi culturellement et socialement...
Les quatre saisons (2017 à 2022, 10 épisodes par saison) nous en mettent plein les yeux, même si les fils narratifs des troisième et quatrième saisons ne paraissent pas toujours cohérents.
Ainsi les tribulations de la pègre berlinoise font souvent digression, ne semblant pas se rattacher aux personnages principaux.
Dommage. Mais c'est un détail, qui n'enlève pas beaucoup à la série. On la reverra, car elle le mérite.
La série Yellowstone avait été laissée de côté : encore une série américaine... évidemment à la gloriole des Etat Unis, s'était-on dit... Et elle n'est toujours pas visionnée, mais cela ne saurait tarder..
Elle fait partie de ses grandes séries qu'on laisse murir dans un coin, comme ce fut le cas pour Babylon Berlin d'ailleurs.
Mais on s'était intéressé à 1883, car la période est plus motivante : il s'agit de celle du peuplement de la côte ouest à partir de la côte est, donc essentiellement par des populations migrantes venant d'Europe.
1883 fait un effort historique tout particulier : on suit le convoi d'un groupe d'immigrés venant d'Allemagne dont la destination est la côte nord Pacifique. On traverse des immensités naturelles, dangereuses comme la mort, quelle soit causée par les éléments naturels ou par la violence humaine.
On note au passe que la série décrit surtout la violence des immigrants entre eux plutôt que celle des populations indigènes.
Et tout le long des épisodes, une question : que va-t-on chercher, si loin de chez soi ?
1923 se trouve dans le même univers, mais ne quitte pas le Montana, où les personnages principaux se sont fixés depuis quarante ans, sur la route de 1883.
Bonne réalisation, excellents acteurs - on retrouve Harrison Ford en patriarche très crédible. Mais il en a l'âge désormais.
Paramount a mis à disposition de grands moyens pour attirer les foules, au moment où la plate-forme tente de faire sa place dans le paysage médiatique français.
On peut regarder l'ensemble, de préférence sur un grand écran car les cadrages et les paysages le valent.
Les deux séries suivants doivent être écoutées en espagnol. Elles partagent le même acteur principal, Álvaro Mel.
Ce nom doit être mémorisé car après ces deux séries, il ne sera pas loin d'Hollywood, et on le verra partout bientôt s'il ne se fait pas manger par les crocodiles d'ici là, car son jeu est parfait, surtout dans le contre-rôle que lui donne la série La Fortuna, petit fonctionnaire débutant du service espagnol à la protection du patrimoine.
La Fortuna est particulièrement intéressante : il s'agit de sauver d'une épave - celle du galion La Fortuna - de l'avidité d'un chasseur de trésor peu scrupuleux, très américain évidemment.
La réalisation de la série a été confiée à Alejandro Amenábar, seule série qu'il ait tournée jusqu'ici. Cela se sent : bonne intrigue, bons acteurs, bonne réalisation.
C'est une coproduction américo-espagnole financée par Movistar+(le Canal+ espagnol) et par le réseau américain AMC.
Beaucoup plus intimiste est Un conte parfait, comédie romantique un peu sirupeuse, dont l'argument a été vu mille fois : le garçon sans le sou capte l'héritière très riche.
Vite vue, vite oubliée peut-être, comme Netflix en produit maintenant à la chaine. Elle ne se justifie ici que pour avoir une autre idée des qualités d'Alvaro Mel, dans un tout autre rôle en l'occurrence.
Elle permet aussi d'entendre encore un peu d'espagnol, ce qui est toujours un grand plaisir quand on s'intéresse un peu aux langues latines.
Maid est une mini-série de la veine hyperréaliste américaine. Tout comme il existe aux Etats Unis une peinture hyperréaliste. Et on se souvient à l'occasion de la phrase bien connue de Coluche dans sa période "sociale" : Cela sert à quoi de vivre dans un pays riche si tout le monde y est pauvre (citation approximative).
Belle série, qui a été remarquée par beaucoup de monde.
Maid met en scène une invisible, comme on dit maintenant, qui essaye de se sortir d'une situation que connait beaucoup de monde dans nos pays, celle des travailleurs pauvres.
Constat mille fois souligné par les sociologues et les économistes : à ce point d'accumulation et de manque de répartition de la richesse, une partie des travailleurs ne peuvent pas vivre de leur travail.
Et la charité toute relative d'une partie de la société, individuellement ou collectivement, n'y change rien : les riches deviennent mécaniquement plus riches, et les pauvres s'appauvrissent à mesure.
Dans le pays du capitalisme triomphant, la série en est une fable contemporaine, parfaitement incarnée par de très bons acteurs, servis par une excellente réalisation.
Alors, qu'en penser, puisque rien ne semble contrarier cette situation ? Sommes nous vraiment au bout du bout d'un système ?
Pas sûr... Et une deuxième saison serait désespérante. Elle n'est pas prévue et on se demande bien pourquoi.
Pour continuer, deux mini-séries bien sombres autour sur la vie de couple.
Surface, série d'Apple plus, ne doit pas être confondue avec une autre série Surface, mais dans le genre fantastique et proposée par NBC sur la vie aquatique.
Notre série Surface d'aujourd'hui tourne autour de l'amnésie d'une jeune femme, permettant d'envisager mille hypothèses pour elle, et, avec elle, le spectateur, sur son récent passé. Elle est tombée à l'eau d'un bateau : suicide ou tentative d'homicide ?
Ce doute permanent finit par ronger les personnages : idylle ou enfer conjugal ? Fidélité sans faille ou trahison permanente ? Confiance mutuelle ou sinistre comédie ? Faites votre choix...
On retrouve le même acteur britannique dans le rôle du mari dans la mini-série Wilderness, Oliver Jackson-Cohen, ce qui n'est pas bon signe pour l'intrigue de cette deuxième série, peinte en noir profond aussi.
Mais on regardera aussi tout particulièrement le principal personnage féminin. Son jeu est magnifique, tout en nuances, jouant en même temps la tendresse conjugale et le calcul froid de la rancœur.
Comme époux, on n'aimerait pas se retrouver face à ce personnage insondable. Mais le spectateur sait qu'il a bien mérité ce qu'il lui arrive..
L'actrice est Jenna Coleman, britannique aussi. Elle avait déjà été remarquée dans la série britannique (ITV) Victoria (2016-2019). A 37 ans, il est surprenant qu'elle ne soit pas plus connue des productions internationales, mais cela va changer bientôt sans aucun doute.
La série est produite par Amazon et n'appelle pas de deuxième saison, et on comprend pourquoi.
Last but not least, deux séries qui traitent de la maladie mentale avec les ressources d'une série, c'est à dire permettant de s'attarder sur les détails des personnages, sur leurs origines et sur leur environnement. C'est même la grande différence entre long métrage et série.
L'amateur de série pourrait trouver les films de cinéma beaucoup trop elliptiques sur certains sujets : la maladie mentale en fait manifestement partie.
La composition de Tom Holland dans The Crowded Room est formidable et étonnante pour ce jeune acteur britannique, bien plus connu pour ses rôles dans les grandes productions de super-héros.
Sans fard, sans simagrées, sans même sourire, il montre là qu'il est un vrai acteur : son jeu n'a aucun besoin des gros mécanismes des superproductions pour faire face à la caméra. Tant mieux pour lui : l'âge venant, on peut l'attendre donc dans des films plus dramatiques.
Produite par Amazon Video, la série The Patient n'a sans doute pas la même complexité que la précédente, mais son succès auprès du public n'est pas usurpé. Difficile d'en dévoiler les ressorts tragiques ici, sauf à gâcher l'envie du lecteur.
Que celui-ci s'y laisse entraîner, mais il n'est pas sûr qu'il en ressorte intact. Mais c'est le jeu des images animées.