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samedi 27 novembre 2021

Sur la Playlist de l'hiver : Jakub Józef Orliński, Album "Anima æterna"


 On s'était promis de revenir à propos de Jakub Józef Orliński à la faveur d'une perle musicale de l'an dernier.

Une fois n'est pas coutume : c'est une nouveauté baroque qui en donne l'occasion. L'Album Anima æterna est son troisième album en solo, et on espère qu'il y en aura beaucoup beaucoup d'autres. D'autant qu'il est né qu'en 1990... De quoi occuper une bonne partie du XXI° siècle.

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, une petite recherche internet devrait vite fait de l'identifier : polonais, contre-ténor, danseur de Break-dance et cool

Il est encore accessible malgré son énorme toute nouvelle renommée, comme on a pu l'aborder lorsqu'il a chanté pas loin d'ici.

On tombera inévitablement sur la vidéo, vue par plus de 8 millions de visiteurs, où il chante à Aix en Provence en tenue de vacancier, persuadé que l'émission n'était que radiophonique alors qu'il dépannait au pied levé France Musique suite à la défection d'un invité.

On pourra aussi regarder la vidéo marrante de 2016, issue du festival de musique ancienne à Utrecht, aux Pays Bas, où il exploite sa voix en même temps que son talent de Break-dancer.

Mais il faut se concentrer sur sa voix, là d'où tout part.

Il chante dans le registre des hautes-contre, donc très aigu mais jamais criarde, toujours juste et toujours masculine. Une voix chaleureuse, souple et toute en nuances : une espèce de miracle qu'on reconnait tout de suite à l'aveugle. Evidemment, ce n'est pas toujours le cas dans la catégorie des contre-ténors car l'exercice est très difficile.

Sans connaître précisément son environnement professionnel et artistique, on sent qu'il est très bien entouré : son répertoire est singulier, magnifique, souvent inédit ou quasiment, pioché dans les meilleurs compositeurs mais moins connus de la période baroque : Zelenka, Fux, Manna par exemple pour cet album. Mais cela ne l'empêche pas d'interpréter aussi sans problème les plus grands : Haendel, Bach et Vivaldi notamment.

Comme toujours, on ne voit pas l'énorme travail artistique et technique que cela suppose, même si les clips tournés dans son salon et sur son piano lors des confinements permettent de l'apercevoir quand il a un peu marre de tourner en rond, alors que manifestement sa vie est sur la scène.

Cerise sur le gâteau, il chante très souvent avec les autres, et dans beaucoup de répertoires, ce qui est signe d'un énorme talent supplémentaire : l'humilité.

Voici quelques morceaux issus de l'album, mais on peut en trouver d'autres facilement sur l'internet.

A écouter lentement, en regardant tomber la première neige... comme aujourd'hui.





lundi 8 novembre 2021

Les séries de l'automne : The Americans, Mrs America, Opération Roméo, Après

 

On s'était gardé cette série sous le coude pendant un bon moment, en se disant que l'actualité des grandes séries finira bien un jour. Ce moment est arrivé en octobre. Alors on est passé à l'assaut des six saisons de The Americans, diffusées entre 2013 et 2018 (75 épisodes d'une quarantaine de minutes)

On savait qu'il s'agissait d'espionnage et d'une série US, pas beaucoup plus, pour ménager un minimum de suspens.

Ce fut une bonne surprise. On pourrait pu tout aussi avoir été déçu : ce ne serait pas la première fois que l'on aurait survendu un produit médiocre dans cet univers industriel et artificiel des séries, compte tenu des sommes impressionnantes qu'ils faut investir dans ces divertissements éphémères.

Mais quelle belle série que The Americans ! Le titre nous prend à rebours : il s'agit plutôt de Russes,  ce couple américain, placé sous couverture par le KGB, ni vu ni connu : agents de voyage en journée, espions de l'URSS en soirée et surtout la nuit.

Les six saisons permettent de suivre leurs aventures selon l'évolution de la politique soviétique dans ses dernières années - la dernière saison s'achève juste avant la fin de l'URSS.

Miracle aussi des séries au long cours, on peut suivre l'évolution des deux enfants - qui, eux, sont bien à 100% américains. De quoi provoquer nombre de rebondissements, familiaux ou non.

Point important : la série a été créée par un ex-agent de la CIA ayant participé au démantèlement des réseaux de clandestins russes qui agissaient aux Etats unis jusqu'en 2010. C'est dire que le récit paraît bien crédible, et jusque dans les détails, malgré son apparence fantasque.

Oui, il existait de ces Américains, russes à l'origine, devenus américains par la grâce du KGB. La série s'inspire d'un couple soviétique ayant vécu 30 ans aux Etats Unis. Dans la vraie vie, leurs enfants ont même écrit un livre sur leurs parents.

Sur le fond, les motifs et les ressorts de la loyauté des principaux personnages peuvent intéresser. Qui plus est, le spectateur s'identifie à eux par la force des choses, qui mettent tant d'énergie à faire triompher leur patrie mourante - mais ils ne le savent pas.

On sait ce qu'il en restera quelques années après, mais il est piquant d'imaginer que les très nombreux spectateurs américains de la série - et elle a eu du succès - aient endossé la promotion des idéaux de l'URSS en s'identifier aux personnages principaux... Quel retournement de narration !

Enfin, les principaux acteurs - multirécompensés - sont excellents.

A ce titre, The Americans figure parmi les 100 meilleures séries depuis le début du siècle, selon le classement que vient de publier la BBC. Et en 8ème place, quand même.

Tout comme The Americans, on avait laissé de côté Mrs America et ses neuf épisodes. Compte tenu des louanges adressés à la mini-série, on se méfiait, même si Hulu, réseau de diffusion et Cate Blanchett, principal personnage, inspiraient confiance.

On se méfiait aussi de l'actualité américaine - la série a été visionnée pendant la campagne présidentielle des Etats Unis, au printemps 2020. Or, les questions posées par la série dans les années 70 faisaient écho directement à l'actualité trumpienne.

Il est question de deux conceptions totalement opposées du statut et du rôle de la femme. D'un côté, épouse et mère d'abord dans une conception plutôt républicaine - surtout dans les années 1970, de l'autre côté, une image portée par les mouvements de libération de la femme de l'époque.

La mini-série s'inspire directement de Phyllis Schlafly, femme politique américaine conservatrice, qui devient la figure de proue du mouvement antiféministe contre la ratification de l'Equal Rights Amendment (ERA), visant à inscrire l'égalité des droits entre les sexes dans la Constitution des États-Unis, et qui a suscité de vives réactions dans l'opinion.

Pour mémoire, l'ERA n'a toujours pas force de loi aux Etats Unis : il fallait 38 Etats pour le rendre constitutionnel et la Virginie - 38° Etat à le ratifier - est arrivée en 2020... Mais, entre temps, cinq Etats l'avaient révoqué.

C'est dire si Mrs America est encore dans l'actualité. 

Un des intérêts de la mini-série est qu'il endosse le point de vue des conservateurs/conservatrices, et qu'elle expose les arguments surannés correspondants. Et Mrs America se réfute elle-même : elle se bat pour une conception de la femme qu'elle n'incarne pas, puisqu'elle est femme politique... Drôle de paradoxe, mais intéressant.

Pour le spectateur de 2021, cela parait surréaliste. Et pourtant, rien n'est vraiment gagné. De quoi réfléchir sur l'inertie et l'irrationalité de l'histoire des mentalités.


Der gleiche Himmel (le même ciel) est le vrai titre de cette mini-série allemande de 2017, rediffusée récemment sur Arte. Quelle idée de rebaptiser la série Opération Roméo en français ?

Le titre allemand - repris en anglais : The same sky - insiste sur la proximité géographique des deux Allemagnes, pourtant si éloignées par leur régime politique et par leur référence idéologique mais aussi par leur mode de vie. La série reconstitue minutieusement d'ailleurs la vie quotidienne dans les dernières années de la RDA.

Quant à lui, le titre français Opération Roméo, insiste plutôt sur les activités d'espionnage de l'Est à l'Ouest, et, parmi elles, celles qui frappaient sous la ceinture. L'Allemagne de l'Est reculait devant peu de choses pour faire avancer la cause du socialisme réel.

Le format de la série est atypique : trois épisodes de 92 mn, puis scindés lors des diffusions ultérieures, soit six épisodes - seulement. On en redemanderait évidemment, mais on voit dans la série que les jours de la RDA étaient comptés. 

Le sentiment de fin de règne donne d'ailleurs à la série un sel tout particulier : faire comme si de rien n'était, en évitant de penser à la grande catastrophe, mais en y penser quand même...

On a dans l'esprit bien sûr aussi la série Deutschland 89, mais il fallait au moins deux séries pour décrire cette période incroyable, où le mur paraissant le plus solide d'Europe s'est effondré en une seule nuit. 

Rien à dire sur les acteurs, sur la narration, sur les décors et tant mieux, car l'ensemble doit être à la hauteur de l'Histoire qui est en train de s'écrire.


On signalera pour finir cette fois la très belle série Après, diffusée sur Arte aussi, mais produite par la télévision québécoise. Quelque part dans les Laurentides, une fusillade éclate dans le petit supermarché du bourg. Il ne s'agit pas de terrorisme - nous sommes loin de tout - mais d'une habitante bien connue, qui déjante et qui décide de tuer tout le monde. Alors qu'elle connaît tout le monde.

Connaissant un peu les types de relation très spécifiques, très proches, que l'on trouve spontanément entre personnes au Québec, on a été intéressé par le traitement de cet Après. De la belle fiction, mais si proche de l'authentique réalité humaine.