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mercredi 10 août 2011

réalité > fiction



Elles en auront fait couler de l'encre, ces pages ! Elles sont extraites du Manuscrit de Voinych, du nom du bibliophile qui a acheté ce manuscrit au début du XX° siècle.

Un drôle de personnage, une drôle d'histoire, dont on fera sûrement un film ou une série un jour, tant la réalité dépasse la fiction. Jugez plutôt : Voinych est polonais à l'origine, né en 1865 en terre russe maintenant biélorusse. Il est membre du Mouvement prolétaire polonais, filiale polonaise de la Première internationale des travailleurs. Il fallait le faire, à l'époque, puisqu'il est vite déporté en Sibérie à l'âge de 21 ans pour s'évader quatre ans plus tard vers Londres, puis émigrer enfin à New York en 1915.

Peu avant son départ définitif pour les Etats-Unis, devenu négociant en livres anciens, il achète aux Jésuites un lot de livres anciens à Frascati, près de Rome, dans une villa mythique et lourdement chargée d'histoire, la Villa Mondragone, dont George Sand écrit 50 ans plus tôt :  Imaginez-vous un château qui a trois cent soixante et quatorze fenêtres, un château compliqué comme ceux d'Ann Radcliffe, un monde d'énigmes à débrouiller, un enchaînement de surprises, un rêve de Piranèse.

Puis vient le clou de l'affaire : dans ce lot de livres anciens achetés aux Jésuites, on trouve un grand manuscrit illustré de 234 pages en vélin, dont les recherches récentes ont démontré avec certitude qu'il avait été écrit dans le premier tiers du XV° siècle.

Et c'est bien la seule certitude qu'on peut avoir sur cet ouvrage car tout le reste est un épais mystère sur lequel des générations de chercheurs se cassent les dents : le texte en est écrit dans un alphabet totalement inconnu, et dans une langue parfaitement indéchiffrable, mais cohérente du point de vue de la graphie, de la fréquence et de l'ordonnancement des caractères.

Quant aux illustrations, elles représentent dans la partie botanique de l'ouvrage des plantes parfaitement inconnues elles-aussi, même si elles ont un air de famille avec la flore terrestre. Et les parties qui semblent traiter de la cosmologie, de la biologie sont tout aussi obscures... Une partie anatomique représente des femmes au bain : mais pourquoi diable !?

Ce manuscrit est conservé à l'université de Yale, aux Etats-Unis, et on peut consulter les fac simile de ses pages ici et ici. Alors qui s'y colle ?




jeudi 30 avril 2009

Encore un nouveau Parot !


Le blog avait présenté Jean-François Parot il y a un an à peu près. Par surprise, une nouvelle livraison est déjà là avec Le noyé du grand canal. Les amateurs de la série, dont je suis un fan maintenant, apprécieront : encore mieux que dans les précédents à mon avis, on trouve reconstituée l'atmosphère, les us et coutumes - en prime, encore quelques belles recettes de cuisine - de la fin de la monarchie entre Paris et Versailles. Nous sommes cette fois une vingtaine d'années avant la Révolution.

L'intrigue est cette fois aussi un peu plus élaborée que pour le Cadavre anglais, au risque de paraitre décousue, tant les épisodes du début - une bataille navale au large de Brest contre les Anglais vue de l'intérieur, rien que ça ! - semblent former digression.

Mais ne boudons pas notre plaisir : bien écrit, le récit s'efface devant sa matière, dense, historiquement impeccable, riches en personnages intéressants dont les cheminements de pensée et les relations donnent une bonne mesure à la fois de la proximité et de la distance qui nous en séparent. Un bon et beau voyage (en malle-poste évidemment) sur les routes de l'ancien régime.

samedi 30 août 2008

Rentrée littéraire : demandez le programme


On garde sans doute de son enfance le goût d'associer la rentrée aux livres : livres scolaires obligés, puis livres choisis pour le programme de lectures de l'année, que l'on suivra ou non du reste. Cette année, la coutume est respectée. Voici donc le programme de la rentrée 2008, fort éclectique, comme vous voyez, mais il en faut pour tous ses goûts, n'est-ce pas ?


jeudi 15 mai 2008

Chic, le dernier Parot !


Finalement j'ai craqué avant qu'il ne paraisse en livre de poche : j'ai acheté tout à l'heure le dernier Jean-François Parot.

Jean-François Parot est actuellement Son Excellence l'Ambassadeur de France en Guinée-Bissao, mais il est surtout, pour notre propos, l'auteur à succès des enquêtes policières de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, contemporain de Louis XV, puis de Louis XVI.

Les aficionados du roman noir seront déçus, probablement, car les intrigues proposées seront sans doute trop simples à leur goût. En revanche, les amateurs de reconstitutions précises et instruites et d'ethnologie historique du quotidien seront comblés.

Je me régale pour ma part - j'ai lu tous ses romans jusqu'ici - du foisonnement de détails que Jean-François Parot nous donne, sans didactisme et "coulé dans la masse" de ses histoires, si je puis dire, sur la vie quotidienne dans la France prérévolutionnaire : le manger, le coucher, le système financier et bancaire, l'habillement, la toilette, les métiers, les offices publics, les conventions sociales... Un univers entier révolu - c'est le mot - mais dont nous avons hérité malgré tout, le tout dans une langue agréable et classique, qui sait s'effacer devant son sujet.

Avis aux visiteurs du blog qui se reconnaitront dans ces goûts : voici quelques grosses heures bien agréables à passer.




mardi 15 janvier 2008

Cycle réalisme magique (2) : les ultra-fondamentaux


Pour poursuivre en deuxième étape notre cycle "réalisme magique", posons deux fondamentaux : Magritte et Cortazar.

Un peu de bonne lecture ne peut pas faire de mal. Voici donc, dans son intégralité, Continuité des parcs, texte fondateur du réalisme magique, issu des Armes secrètes, le recueil de nouvelles de Julio Cortazar. Ne manquez pas d'autres textes à l'occasion comme Axolotl, dont le frisson me poursuit depuis trente années maintenant, chaque fois que je passe vers le jardin des plantes à Paris.

Quant à Magritte, on ne présente plus. Les quelques reproductions de ses œuvres ici choisies se suffisent amplement à elles-mêmes pour évoquer le genre.


Continuité des parcs

Il avait commencé à lire le roman quelques jours auparavant. Il l'abandonna à cause d'affaires urgentes et l'ouvrit de nouveau dans le train, en retournant à sa propriété. Il se laissait lentement intéresser par l'intrigue et le caractère des personnages. Ce soir-là, après avoir écrit une lettre à son fondé de pouvoirs et discuté avec l'intendant une question de métayage, il reprit sa lecture dans la tranquillité du studio, d'où la vue s'étendait sur le parc planté de chênes. Installé dans son fauteuil favori, le dos à la porte pour ne pas être gêné par une irritante possibilité de dérangements divers, il laissait sa main gauche caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit à lire les derniers chapitres. Sa mémoire retenait sans effort les noms et l'apparence des héros. L'illusion romanesque le prit presque aussitôt. Il jouissait du plaisir presque pervers de s'éloigner petit à petit, ligne après ligne, de ce qui l'entourait, tout en demeurant conscient que sa tête reposait commodément sur le velours du dossier élevé, que les cigarettes restaient à portée de sa main et qu'au-delà des grandes fenêtres le souffle du crépuscule semblait danser sous les chênes.


Phrase après phrase, absorbé par la sordide alternative où se débattaient les protagonistes, il se laissait prendre aux images qui s'organisaient et acquéraient progressivement couleur et vie. Il fut ainsi témoin de la dernière rencontre dans la cabane parmi la broussaille. La femme entra la première, méfiante. Puis vint l'homme, le visage griffé par les épines d'une branche. Admirablement, elle étanchait de ses baisers le sang des égratignures. Lui, se dérobait aux caresses. Il n'était pas venu pour répéter le cérémonial d'une passion clandestine protégée par un monde de feuilles sèches et de sentiers furtifs. Le poignard devenait tiède au contact de sa poitrine. Dessous, au rythme du cœur, battait la liberté convoitée. Un dialogue haletant se déroulait au long des pages comme un fleuve de reptiles, et l'on sentait que tout était décidé depuis toujours. Jusqu'à ces caresses qui enveloppaient le corps de l'amant comme pour le retenir et le dissuader, dessinaient abominablement les contours de l'autre corps, qu'il était nécessaire d'abattre. Rien n'avait été oublié: alibis, hasards, erreurs possibles. A partir de cette heure, chaque instant avait son usage minutieusement calculé. La double et implacable répétition était à peine interrompue le temps qu'une main frôle une joue. Il commençait à faire nuit.


Sans se regarder, étroitement liés à la tâche qui les attendait, ils se séparèrent à la porte de la cabane. Elle devait suivre le sentier qui allait vers le nord. Sur le sentier opposé, il se retourna un instant pour la voir courir, les cheveux dénoués. A son tour, il se mit à courir, se courbant sous les arbres et les haies. A la fin, il distingua dans la brume mauve du crépuscule l'allée qui conduisait à la maison. Les chiens ne devaient pas aboyer et ils n'aboyèrent pas. A cette heure, l'intendant ne devait pas être là et il n'était pas là. Il monta les trois marches du perron et entra. A travers le sang qui bourdonnait dans ses oreilles, lui parvenaient encore les paroles de la femme. D'abord une salle bleue, puis un corridor, puis un escalier avec un tapis. En haut, deux portes. Personne dans la première pièce, personne dans la seconde. La porte du salon, et alors, le poignard en main, les lumières des grandes baies, le dossier élevé du fauteuil de velours vert et, dépassant le fauteuil, la tête de l'homme en train de lire un roman.

Julio CORTAZAR, Les armes secrètes (coll. Folio, éd. Gallimard)

samedi 12 janvier 2008

Cela s'appelle l'Aurore

La femme Narsès

Je sens évidemment qu'il se passe
quelque chose, mais je me rends mal compte
Comment cela s'appelle-t-il quand le jour se lève,
comme aujourd'hui, et que tout est gâché,
que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu,
que la ville brûle, que les innocents s'entretuent, mais que les coupables
agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?

Electre

Demande au mendiant, il le sait.

Le Mendiant

Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s'appelle l'aurore.

Rassurez vous, la guerre civile n'a pas décimé Pien : tout va bien ici. C'est que le magnifique lever de soleil saisi hier dans le jardin m'a juste remis en mémoire ces répliques finales de l'Electre de Giraudoux à la si belle teinte mêlée de catastrophe et d'espérance.

Bon anniversaire Jean-Paul !