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jeudi 22 décembre 2022

Sur la Playlist de la fin de l'automne : Mahler, les Symphonies


 Mahler, malgré tout et avant tout, en ce début d'hiver.

Gustav Mahler a composé ses symphonies entre 1888 et 1911... Autant dire qu'il s'agit d'une musique totalement d'avant-garde pour celui qui préfère la musique baroque et qui considère que le modernisme commence avec Mozart. Alors, Mahler !

Passons outre. 

Chacune des dix symphonies est un monde à elle-même, offrant toutes les palettes musicales possibles : réminiscences du folklore de l'Europe centrale et orientale, musiques de la tradition juive, marches funèbres, lieder, mélodies symphoniques à la Beethoven etc.

C'est que la composition souhaitée de l'orchestre  pour chaque symphonie est impressionnante... jusqu'à 1 000 membres pour sa première représentation de la 8° symphonie, qu'on appelle d'ailleurs la Symphonie des Mille.

Son orchestration, telle que voulue par le compositeur, vaut le coup d'œil - mais celle des autres symphonies n'est pas très différente à l'exception des chœurs :

Voix
3 sopranos, 2 altos, 1 ténor, 1 baryton, 1 basse 
1 chœur d'enfants (350 chanteurs)
2 chœurs d'adultes (500 chanteurs)

Instruments à cordes
Premiers violons
Seconds violons
Altos
Violoncelles
Contrebasses,
Harpes
Mandoline

Bois
4 flûtes
2 piccolos
4 hautbois
1 cor anglais
1 clarinette en mi bémol
3 clarinettes en si ♭ et en la
1 clarinette basse
4 bassons
1 contrebasson

Cuivres
8 trompettes
7 trombones
8 cors
1 Tuba

Percussions
3 timbales
1 triangle
3 cymbales
1 grosse caisse
1 tam-tam
des cloches

Claviers
1 piano
1 orgue
1 harmonium

Autant dire la Royce-Rolls des orchestres symphoniques. Mais Mahler, longtemps directeur de l'opéra de Vienne, disposait de certains moyens... mais il ne les gâchait pas, car il était connu pour son extrême attention pour chaque instrumentiste.

Une mention particulière pour l'utilisation par Mahler des instruments à anches : hautbois, bassons, clarinettes, souvent utilisés comme solistes, sortis tout droit du Klezmer.

Mais l'immense intérêt pour Mahler se trouve ailleurs : nous sommes en présence d'une musique incroyablement puissante et en même temps d'une extrême sensibilité, immédiatement reconnaissable, utilisant toutes les possibilités d'un orchestre symphonique, à l'instar de toutes les émotions de la personnalité humaine.

De fait, il est impossible d'écouter Mahler en faisant autre chose car cette musique pompe toute son énergie disponible... Et les symphonies sont longues : toutes plus de 60 minutes - sauf la première et la dernière - et jusque 90 minutes pour la troisième. 

C'est donc un vrai effort, que d'écouter une symphonie de Mahler. Mais cet effort vaut la peine car on en sort comme ragaillardi, revigoré, comme invulnérable... alors que tant d'autres choses autour de vous conspirent à vous abattre. 

La musique de Mahler est en fait un hyper-concentré de musique : il n'a composé au total que 18 oeuvres, alors que la plupart des autres compositeurs ont des catalogues énormes (plus 1 300 oeuvres pour JS Bach, 550 pour Mozart, 500 pour Beethoven...)

En dehors de ces dix symphonies, on trouve des Lieder... que l'on reprendra un jour, car ils pèsent aussi leur poids musical et émotionnel.

Pour se donner une idée, il est difficile de reproduire les dix symphonies in extenso dans cette publication, mais on peut les trouver intégralement facilement sur internet, et dans des interprétations prestigieuses. Vive l'internet, encore une fois !

On proposera donc plutôt des mouvements des dix symphonies, ceux qui ont accroché tout particulièrement l'oreille. 

Voici donc dix extraits. 

Pour la 5° symphonie - la plus célèbre, et aussi la préférée - on propose deux mouvements.  En revanche, pour la 8° symphonie - La Symphonie des Mille - on n'a pas proposé d'extrait car cette énorme cathédrale musicale demande encore un peu d'effort pour être appréhendée.

A chacun d'assembler son Mahler. Il y a de quoi faire.

1° Symphonie "Titan" - 3° Mouvement

2° Symphonie "La Résurrection" - 4° Mouvement

3° Symphonie - 2° Mouvement

4° Symphonie - 4° Mouvement

5° Symphonie - 1er Mouvement

5° Symphonie - 4° Mouvement

6° Symphonie - 1er Mouvement

7° Symphonie - 4° Mouvement

9° Symphonie - 2° Mouvement

10° Symphonie - 3° Mouvement

vendredi 2 décembre 2022

Les séries de l'automne : The Essex Serpent, The Undeclared War, Shetland

Nous sommes encore une fois totalement en anglais, mais de l'anglais de l'Angleterre... et de l'Ecosse : l'automne nous a permet d'apprécier trois séries britanniques. Voici qui confirme la grande qualité des séries d'outre-manche, héritées très probablement du talent séculaire du Royaume Uni en matière de scène théâtrale.

La mini-série The Essex Serpent - 6 épisodes d'environ 60 mn - évoque d'autres séries très réussies, très territorialisées, dans cadre rural ou semi-rural ; en tout cas hors des villes. 

On pense notamment à Smother ou Normal People (Irlande), Hinterland (Pays de Galles) ou encore Shetland, dont on parle un peu plus bas (Iles Shetland, Ecosse). Ces séries campent d'emblée leurs récits dans un cadre géographique précis, dont l'histoire et les paysages permettent de nourrir les intrigues et la caméra. Et c'est souvent réussi.

The Essex Serpent fait référence à de vieilles légendes, portant le propos jusqu'à la limite du fantastique... mais jamais franchie, grâce au personnage principal, scientifique amateur. 

Nous retrouvons avec un vrai plaisir Claire Danes, l'actrice américaine autour de laquelle la grande série Homeland  est construite, où elle s'identifie totalement avec le personnage de Carrie Mathison jusqu'ici dans l'esprit de l'amateur de cette série. 

The Essex Serpent se passe en revanche au début du XX°siècle - cela  permet heureusement de mieux situer Claire Danes dans un autre rôle. Et tant mieux pour elle :  pas facile de sortir d'un personnage comme celui de Carrie Mathison, succès de la série Homeland obligeant.

Deux autres mentions particulières en matière d'acteurs : d'une part Clémence Poésy, actrice française, qu'on retrouve dans un anglais parfait (et réel, elle  n'est manifestement pas doublée). C'est elle qui incarne Léonora dans les deux saisons d'En Thérapie. Mais Clémence Poésy est bien connue aussi dans le monde anglo-saxon : elle fut la sorcière française Fleur Delacour dans les films d'Harry Potter. De quoi se fait connaître.

D'autre part, on peut citer le très jeune américain Caspar Griffiths, qui joue le fils du principal personnage, et qui compose à l'occasion un rôle très attachant d'enfant sérieux, à l'image de sa dizaine d'années.

On retrouve dans The Essex Serpent les ingrédients des thrillers de ce type : réticence des autochtones, persistance des superstitions, rôle prépondérant de la religion... Et sur cet arrière-fond, un récit bien découpé se développe tout au long des 6 épisodes, tortueux comme le corps du mythique serpent de l'Essex.


The Undeclared War est une série toute récente, et son propos est d'une actualité incandescente : la cyberguerre.

Au moins l'ennemi est parfaitement désigné : la Russie. Etonnant, non ? Le pays attaqué est le Royaume Uni. Et celui-ci à des moyens pour se défendre. Quand on aime la géopolitique, l'informatique et les réseaux, on est aux anges..

Manifestement, la série puise directement dans l'activité réelle du Government Communications Headquarters (GCHQ), une des principales institutions gouvernementales du Royaume Uni traitant de renseignement. Autrement dit les grandes oreilles de Londres. 

On notera au passage que le GCHQ, actif dès la première guerre mondiale, n'a été reconnu officiellement qu'en 1983, à la faveur de la guerres des Malouines. Et c'était aussi le service dans lequel Alan Turing était actif lors de la deuxième guerre mondiale. Mais c'est une autre histoire.

La série a le mérite de mettre au grand jour les missions et les activités du GCHQ. De même, elle nous renseigne assez bien apparemment sur les pratiques et les méthodes de la guerre cybernétique. 

Elle montre par exemple dans le détail ce qu'est une usine à trolls, dont on ne pouvait pas imaginer l'existence il y a si peu.

Le contenu nous intéresse aussi quand la série touche aux relations particulières et ambivalentes entre le Royaume Uni et les Etats Unis, les deux Etats étant fortement liés en matière de renseignement.

Sur la forme, la série est de facture très classique, et les acteurs peuvent apparaitre un peu falots. 

Mais le choix était sans aucun doute de mettre en avant l'existence de cette guerre non déclarée. Passionnant au final. Et parfaitement crédible et même prophétique, après l'agression russe sur l'Ukraine. Cette série fait déjà partie du monde d'après.




Nous sommes, à nouveau, dans une triple excellence avec cette série produite par la BBC One.

Excellence des intrigues : nous sommes dans une série policière, cela compte, et il faut suivre car les auteurs se sont bien amusés à emmêler plusieurs fils narratifs. Mais quand on aime, on apprécie, car on peut quelquefois être déçu par certaines séries, à mesure que le spectateur de thriller gagne en compétence... et ce niveau moyen de compétence parait augmenter de manière indéfinie, compte tenu du nombre de séries produites et présentés au public !

Excellence des acteurs, dont l'accent écossais est à couper au couteau : nous sommes dans l'archipel des Shetland, qui fait partie de l'Ecosse. 

Et excellence des paysages déchiquetés de l'archipel des Shetland, bien exploités par la caméra. Nous sommes en plein océan, loin de tout entre Mer du Nord et Mer de Norvège. De quoi se dépayser.

Ces séries territoriales proposent chacune un microcosme à observer de manière quasi conviviale, et dont les particularismes touchent au final l'universalité. Ou, au moins, une certaine universalité. On aime, et on peut passer du temps sur les Shetland.

lundi 21 novembre 2022

Lyon, l'autre capitale


Bourgeoise, guindée, bien pensante : on l'imagine ainsi, cette seconde capitale, loin des frasques de Paris. Et pourtant, il faut y regarder de plus près, de bien plus près...

D'abord, en face de la colline consacrée - Fourvière et sa basilique - s'est plantée la colline qui travaille, la Croix Rousse, où la première élite ouvrière et remuante a pris ses quartiers.

Ensuite, des quartiers entiers, comme la Guillotière ou Vaise, rappellent le cosmopolitisme quasi-inaperçu de la ville par les visiteurs de passage s'ils ne traînent pas là. Ce qui est souvent le cas.

Enfin, des efforts très visibles préparent l'avenir de la ville en matière d'espaces urbain. On notera le quartier de la Confluence et les aménagements réussis des bords du Rhône et de la Saône, qui manquent tant à Paris.

Et la ville s'est dotée d'un Maire écologiste. Or, la figure du Maire à Lyon est essentielle : impossible de ne pas évoquer le personnage d'Herriot, qui a présidé aux destinées de cette ville de 1905 jusqu'en 1957. Un record, même en enlevant la période sombre 1940-1945 où il a été destitué, à son grand honneur.

Il faudra revenir, encore et encore à Lyon, qui a tant à offrir.

Les images sont ici



mercredi 26 octobre 2022

Lieux singuliers (12) : l'Eglise du Bon Pasteur à Lyon


L'Eglise du Bon Pasteur à Lyon, rue Neyret, est un hyper-concentré de l'histoire de la ville et du pays. Désaffectée, elle présente piètre figure. 

N'est-ce comme cela qu'avance le cours du temps, dont elle en est un produit singulier : désordonné, chaotique, et quelquefois absurde.

L'édifice fut construit sur les flancs pentus de la Croix Rousse à une époque - la fin du troisième Empire - où le catholicisme devait reconquérir la population ouvrière, si tumultueuse sur la colline qui travaille, toisée, en face, par Fourvière, la colline des bien-pensants.

Sa première pierre a été posée le 25 août 1869 par l´impératrice et le prince impérial en personne : c'est dire l'importance de cette croisade lyonnaise.

Et puis, rien ne s'est passé comme prévu, étonnant, non ?

La guerre de 1870 fait sombrer l'Empire et la nouvelle République a bien d'autres soucis, même si la bonne ville de Lyon a payé une grande partie de la construction : l'Eglise et l'Etat ne sont pas encore séparés.

L'Eglise est finalement construite entre 1875 et 1883... Mais sans parvis : la parcelle d'emprise - en forte déclivité et exigüe - ne le permettait pas. Pour autant, la Ville avait promis de dégager le devant de l'édifice pour ajouter un escalier monumental... promesse laissée sans lendemain : l'escalier et le parvis ne sont jamais réalisés, l'espace concerné ayant été utilisé pour créer une nouvelle voie, la rue Neyret.

Au final, le porche de l'Eglise se retrouve perché à 3 mètres au dessus du niveau de la rue, et l'édifice est accessible uniquement par de petites portes sur le côté. 

L'incongruïté est comme un monumental clin d'œil architectural à l'histoire de la fin du XIX° siècle. Et c'est toujours le cas, comme les images le montrent. 

Les amateurs des sinuosités historiques pourront trouver tous les détails sur cette page très officielle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

L'Eglise du Bon Pasteur n'est pas classée Monument Historique. On se demande bien pourquoi.

Les images se trouvent sur cette page

lundi 10 octobre 2022

Sur la Playlist de l'automne : la passacaille


Cette fois, le blog ne parlera pas de compositeur ou d'oeuvre... mais de la Passacailleforme musicale spécifique, commune à de nombreuses pièces de musique mais issues de la période baroque, et utilisée par de nombreux compositeurs, y compris par les plus célèbres.

La Passacaille est donc un trait distinctif du baroque, même si elle a été utilisée par des compositeurs bien plus modernes, mais plutôt comme un hommage à l'histoire de la musique.

On trouve même une passacaille chez les Pink Floyd, c'est dire ! En effet, le quatrième mouvement de la composition A Saucerful of Secrets, issu de l'album de 1967-1968 et qui porte le même nom, est bien une passacaille (Celestial Voices).

Plus proche de la musique baroque, l'oreille du mélomane reconnaîtra à chaque fois la forme musicale passacaille : Bach, Purcell, Pachelbel, Buxtehude, Kerll, Lully...

Et l'histoire de la Passacaille est digne d'intérêt.

Elle s'appuie sur une forme à trois temps accompagnée par une basse obstinée, ou Ostinato, ce qui est caractéristique de musiques à danser.

A ce titre, elle a pénétré tous les milieux sociaux des siècles baroques (XVII° et XVIII° siècles). 

Dans les milieux plus populaires, la Passacaille, plus rapide, est devenue la Gavotte. Dans les milieux nobles, elle est restée plus lente, altière et apprêtée : pas facile en effet de danser avec de lourds habits empesés.

Et on pense aussi à l'histoire de la tarentelle, autre forme musicale et dansante qui a traversé les milieux sociaux et les lieux, et dont le blog a parlé il y a longtemps.

Dans la suite, plusieurs passacailles sont proposées, plus ou moins connues, mais qui permettront de se mettre à l'esprit et à l'oreille ce qu'est LA passacaille.

Une mention particulière pour les deux premières vidéos : il s'agit d'une part de la célébrissime passacaille de l'opéra Armide, de Lully, et d'autre part la passacaille de l'opéra Persée, toujours de Lully. Elles présentent toutes les deux de la danse baroque, discipline un peu oubliée et fort peu produite en public.

Il est étonnant que le renouveau de la musique baroque ne provoque pas encore un renouveau de la danse baroque, qui manie des formes chorégraphiques magnifiques et singulières, qui ont fondé la danse classique. 

De fait, on trouve très peu de spectacles de danse baroque. Mais on peut gager que ce renouveau viendra bientôt.

On trouvera aussi plus bas le célèbre Canon de Pachelbel, qui est aussi une passacaille.

Et à la fin, et pour les amateurs, on a trouvé d'abord cette émission de 17 minutes bien faite et instruite sur la Passacaille.

Lully, Passacaille de l'Opera Armide (1686)

Lully, Passacaille de l'Opéra Persée (1682)

Buxtehude, Passacaille 
pour orgue en ré mineur (1690)

Georg Friedrich Händel, Suite de piano en Sol mineur 
HWV 432 (1720)

Henry Du Bailly, Yo Soy La Locura (1614)

Anonyme, O come t'inganni (1657) 

Johann Pachelbel, Canon et Gigue en ré majeur 
pour trois violons, avec basse continue (1680)

Tarquinio Merula, Chaconne (env.1624)

Purcell, Passacaille de l'Opéra King Arthur (1691)

Yves Fournier, Ca passe ou ça caille... l'histoire de la passacaille !

lundi 19 septembre 2022

Les séries de la fin de l'été : Indian Summers, Mozart in the Jungle, Irma Vep, Upload, Les Mystères de Prague

C'est du lourd pour cette sélection de la fin de l'été... Le creux de l'été a permis enfin de se plonger dans deux grandes séries laissées de côté pendant un temps : Indian Summers et Mozart in the Jungle. 

Et on a ajouté deux séries notables toutes récentes dont l'avenir n'est pas encore fixé : Irma Vep et Upload.

Ce n'est pas toujours le cas, mais cette fois, les quatre séries sont anglophones : trois d'entre elles sont américaines, Indian Summers étant anglaise.

Et comme joker, comme pour se décentrer, on parlera aussi parler de la série tchèque Les Mystères de Prague, Cela aurait été dommage.

Mozart in the Jungle n'était pas oubliée : les mélomanes ne pouvaient pas l'ignorer. D'autant qu'il existe très peu de séries qui traitent de la musique classique.

On n'a pas été déçu, au contraire : cette série est une formidable leçon de pédagogie sur le statut de musicien professionnel classique, le fonctionnement d'un grand orchestre et sur les enjeux liés à la production et la diffusion de la musique - à l'exception toutefois des enregistrements des disques, qui sont ignorés par la série, mais sans dommage car elle est déjà suffisamment dense comme cela !

Dans ce tel contexte, on peut pardonner quelques facilités dans les intrigues, des digressions un peu longues et quelques invraisemblances.

La série permet de passer en revue l'ensemble des instrumentistes, à l'exception toutefois des cuivres, qui sont tout à fait inconnus. Dommage. 

L'idée de confier le personnage principal féminin à une jeune hautboïste est une excellente idée, car l'instrument, essentiel, est pourtant souvent inconnu du grand public, et il nous permet tout de suite d'être au cœur de l'orchestre.

Les principaux acteurs sont bien choisis et excellents. On apprécie aussi beaucoup les gros moyens octroyés par Amazon, qui arrêtera pourtant la série après la 4° saison, chacune de 10 épisodes d'une demi-heure - format souvent utilisé pour une comédie. Audience trop faible oblige.

Manifestement, la série aurait sans doute pu être devenue un grand classique des séries, ce qui explique aussi qu'elle a été confiée à de grands noms de la réalisation américaine, en tête Roman Coppola, le fils de son père, et Jason Schwartzman, un autre membre de la famille Coppola.

Enfin, on profite aussi beaucoup de la bande originale : c'est une une belle anthologie de la musique classique, surtout lyrique et symphonique.

Et sur le marché, on trouve dans certains épisodes des musiciens ou compositeurs réellement existants, jouant leur propre rôle, ce qui est assez amusant.

Mozart in the Jungle reste une série assez singulière dans son genre. En effet, si on trouve pas mal de séries sur le monde de la danse, la musique classique semble encore assez éloignée des fictions télévisuelles. Dommage.

Plusieurs fois diffusée sur Arte, et cette fois à l'occasion du 75° anniversaire de l'indépendance de l'Inde, Indian Summers, qui traite de la montée vers la partition et l'indépendance des Indesdevait sans doute empiler les saisons, puisque le récit de la première saison se situe en 1932, le terme des événements étant bien sûr fixé à 1947.

Magnifiquement et somptueusement mise en scène, la série s'est arrêtée dès la deuxième saison, faute d'audiences suffisantes : elle est produite par Channel 4, dont 91% de son budget vient de la publicité. CQFD.

Evidemment, on ne boude pas son plaisir et on regarde jusqu'au bout. Mais on reste sur sa faim.

Les événements de cette histoire sont innombrables et souvent tragiques, qui ont mené à l'indépendance de l'Inde et du Pakistan et concerné plusieurs centaines de millions d'êtres humains à l'échelle d'un sous-continent immense..

Difficile de tenir cette histoire dans un mouchoir de poche. 

La série essaie : le cadre est censé se situer sur les contreforts de l'Himalaya, pour que les Européens anglais puissent ne pas trop souffrir des étés indiens, chauds et humides de la plaine. Dans les faits, la série a été tournée en Malaisie, d'où on aperçoit pas du tout le toit du monde.

De même, impossible de reconstituer la réalité de l'Inde dans les années 1930. Bref, les décors semblent un peu étriqués et répétitifs.

De surcroît, c'est une petite société qu'on nous dépeint, sans doute très éloignée des armées de fonctionnaires que sa Majesté envoyait sur place pour administrer ces territoires énormes.

La série tente aussi de donner une idée de la société indienne de l'époque, gérée par les castes, déchirée entre musulmans et hindous et agitée par les différents mouvements politiques qui la traversent : révolutionnaires ou réformistes, violents ou non-violents... Mais elle ne peut évidemment pas étreindre cette diversité et cette complexité.

Du coup, les intrigues paraissent bien futiles et les personnages falots, comme flottant dans des habits trop larges. 

Sauf peut-être les personnages indiens, qui évoluent dans des extérieurs plus larges que quelques maisons coloniales.

Dommage pour l'ensemble. Mais on comprend aussi pourquoi il n'y a jamais eu de troisième saison.

Avec Irma Vep, nous sommes dans la meilleure qualité siglée HBO, et co-produite par des moyens français (OCS - Orange Cinéma Séries). De même, l'histoire des Vampires (anagramme d'Irma Vep), film muet bien français de 1915, sert de trame pour cette mini-série de 8 épisodes de 56 mn chacun.

Si Mozart in the Jungle donnait une leçon de musique classique, Irma Vep nous donne à regarder la fabrication d'un film avec ses coulisses, ses déboires et ses petites et grandes histoires - pétage de plomb du réalisateur inclus.

On aime ce cinéma dans le cinéma et ce méli-mélo international, langues et acteurs compris. 

Le nom d'Alicia Vikander doit être mémorisé. C'est celui de la jeune actrice suédoise qui joue le rôle de Musidora

Elle a déjà une énorme filmographie, et sans aucun doute, elle sera un jour bien mieux connue en France, car sa présence et son jeu sont remarquables.


La vie numérique prolongeant la vraie vie est devenu un thème récurrent dans nombre d'oeuvres de science-fiction. 

Upload en fait partie, mais sur le mode de la comédie. On compte deux saisons, et Amazon, qui produit la série, a commandé une troisième. Tant mieux.

Si le thème commence à être connu, son traitement par la série est très intéressant : l'environnement numérique à venir (supposé de 2033 dans la série) est parfaitement crédible : smartphones dématérialisés, automobiles autonomes, trains hyper-loop, imprimantes 3D pour la nourriture, et même pour son café... Les amateurs aimeront !

Il faut y jeter un coup d'œil., ne serait-ce que pour savoir ce qui nous attend bientôt en matière de vie quotidienne.

Pour le reste, les acteurs sont plutôt bons et les rebondissements sont bien tournés. On attendra la troisième saison.


La première chaîne tchèque a fait fort avec Les Mystères de Prague, qui reconstitue dans les moindres détails le Prague des années 1920. Elle ne lésine pas sur les décors : automobiles d'époque, scènes extérieures très nombreuses, reconstituant des quartiers ou des coins de campagne complets,  intérieurs et costumes des années folles assortis... On est comblé !

Mais la série a aussi d'autres intérêts. 

Historiquement, cette période de la Tchécoslovaquie fut singulière, coincée entre trois Empires. D'abord, l'Empire Austro-Hongrois jusqu'au 1918 dont elle faisait partie, puis le sinistre Troisième Reich, qui a annexé une partie du pays en 1938, avant d'être intégrée dans l'Empire soviétique.

La série se passe pendant ces vingt années prospères de la République. Ce n'est pas par hasard. Et les premiers épisodes font écho à la situation politique du pays, divisé entre républicains et nostalgie de l'Empire d'Autriche-Hongrie.

Ensuite, on regarde les personnages principaux vivre de manière intéressante, chacun dans son monde, chacun pourtant ne s'empêchant pas de faire des incursions dans le monde de l'autre.

Mais attention, les afficionados de fictions policières seront déçus car les intrigues sont un peu redondantes et téléphonées. Mais cela n'empêche pas d'apprécier la belle époque à Prague... et de sa banlieue. 

mardi 23 août 2022

Lieux singuliers (11) : Le Cimetière protestant de Nîmes


Lieu singulier à plusieurs titres que le cimetière protestant de Nîmes, qui connut sa première inhumation le 22 juillet 1782.

Si les morts sont aussi encombrants que les vivants, s'agissant notamment des sépultures et de leur entretien, les morts protestants le furent encore plus dans le Royaume très catholique depuis 1685, année de la révocation de l'Edit de Nantes. 

Que faire des défunts de confession protestante ? C'était particulièrement d'actualité à Nîmes, compte tenu de la longue histoire qui unit le protestantisme et sa contrée, si proche des Cévennes.

Alors on les enterrait à l'aube ou à la tombée de la nuit, comme en catimini, dans les cimetières existants. 

Jusqu'à ce que l'on interdise les inhumations dans les villes en 1776, et pour tout le monde. 

C'est que les cimetières "urbains" étaient une vraie horreur : on y empilait les corps dans des espaces exigus depuis le moyen âge, et qui finissaient s'écrouler, endommageant les maisons des vivants riverains ou, pire, dans leurs caves, provoquant des effondrements pestilentiels.

Les autorités protestantes du lieu ont alors profité de l'occasion pour donner à Nîmes un vrai lieu de repos des âmes de leur ressort.

Quelques autres cimetières protestants sont arrivés par la suite ailleurs au début du XIX° siècle, mais celui de Nîmes reste le plus important, comptant environ 6 000 sépultures, dont environ un tiers reste actif, car il est encore en activité.

A la grande différence des cimetières usuels, ce cimetière est resté privé, caché dans les méandres de l'histoire des relations Etat-Eglise. Il a été classé Monument historique en 2001.

Il reste un lieu foisonnant de végétation, comme indomptée, où tant de familles ont pu trouver un dernier refuge enfin paisible. 

Pour autant, le cimetière est traversé à son milieu par un cadereau qui a charrié tant d'eau le 3 octobre 1988, comme tous les autres les cours d'eau déboulant dans la ville, qu'elle en fut noyée.

Ce dernier 23 aout 2022, on avait en mémoire le 450° anniversaire de la Saint Barthelemy. Dix ans plus tôt en Champagne, on avait déjà massacré des familles protestantes en masse à Wassy.

Les images sont ici



vendredi 8 juillet 2022

Sur la Playlist de l'été : Haendel, les concertos pour orgue et orchestre

 

De quoi se réconcilier enfin avec l'espèce humaine : les concertos pour orgue et orchestre de Haendel...

D'abord, parce qu'il s'agit du grand Haendel, un des immenses piliers de la musique baroque à son apogée ; l'égal de Bach, Telemann, Scarlatti, Rameau...

Ensuite parce que Haendel est singulier : il n'était pas né dans une famille de musiciens, alors que c'était plutôt la règle à l'époque.

Orphelin à quatorze ans, son père devient apprenti chirurgien-barbier au centre des pays germaniques. Le grand père était chaudronnier : ascendance tout à fait atypique.

Parcours étrange aussi : destiné à une carrière juridique, c'est en cachette de son père qu'il est devenu le plus grand organiste de son temps. On disait que seul Bach l'égalait, et ce n'est pas rien.

Enfin, ces concertos pour orgue et orchestre ne sont pas des oeuvres religieuses. Ils étaient joués pendant les interludes lors des grands oratorios composés par Haendel à Londres, où il s'était finalement installé de manière durable après une parenthèse italienne, venant de sa province germanique.

Au final, ces concertos étaient comme des coupures publicitaires pour ses prochains oratorios : c'est que le grand Haendel, champion de l'orgue, avait de quoi attirer un public supplémentaire important. Pas mal, comme spot de pub.

L'orgue est la vedette de ces pièces, l'orchestre étant destiné à le mettre en valeur mais jamais l'égaler.

Ces pièces courtes - par définition - se jouaient sur des petits orgues mobiles dans de grandes salles dédiées à la musique. Elles profitaient de l'orchestre et de l'installation des grands oratorios pendant les changement d'installation ou de décor. Mais de nos jours, les enregistrements se font aussi dans les églises, car on trouve peu d'orgues ailleurs et les orgues mobiles sont aussi rares.

Cette douzaine de pièces sont formidables : légères, aériennes, virtuoses, d'une expressivité incroyable.

S'y ajoutent des tonalités quasi enfantines car les orgues interprétant cette musique utilisent souvent des jeux d'orgue qui ressemblent à ceux des petits orgues mobiles de l'époque, plutôt aigus, délicats, célestes. Les plus avertis reconnaitront notamment les jeux de flute, voix céleste, viole de gambe, flute traversière, hautbois, voix humaine, trompette, bombarde, clairon, cromorne...

Voici d'abord deux extraits du même morceau, représentatif du rôle de l'orgue dans ces concertos. La première vidéo de 1973 utilise un orgue moderne dont la sonorité est magnifique et bien adaptée au morceau. Cet instrument se trouve à Manchester, dans l'auditorium du conservatoire de musique. La deuxième est un enregistrement de référence de 1986 venu des Pays-Bas.



Et pour donner une vue d'ensemble de ces concertos, voici une intégrale proposée gratuitement par Brilliant Classics. Quelques oeuvres de même facture, notamment un concerto pour harpe, sont ajoutés. Pour l'ensemble, nous sommes partis pour un peu moins de 4 h 30 mn. Bonne écoute !



On peut écouter aussi la première partie des concerts par Marie-Claire Alain, grande organiste, qui fait référence :


Et une version historique de Karl Richter, filmée en 1972, avec l'ensemble de Munich. Le tempo est un peu lent pour les oreilles de 2022, mais elle peut faire référence aussi.



vendredi 24 juin 2022

Lieux singuliers (10) : les unités d'habitation du Corbusier

Briey

Marseille

Rezé

Les unités d'habitation de Le Corbusier matérialisent une idée globale du vivre ensemble. C'est un des rares cas où une vision d'ensemble résiste au temps, où l'utopie s'approche de la réalité sans devenir un enfer.

Il fallait donc visiter les cinq unités d'habitation existantes, comme un hommage à cet esprit plein d'intelligence, de pertinence et d'humanité.

On trouve dans les cinq réalisations la même ambiance : une  tentative presque réussie de faire vivre les êtres humains pacifiquement. Et comme le diable est dans les détails, tout a été  pesé et soupesé. Les unités d'habitation fourmillent d'astuces pratiques, chacune rendant la vie quotidienne de tous un peu plus légère.

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dimanche 5 juin 2022

Les séries de la fin du printemps : Firefly, Continuum, L'Echappée

 Sélection inhabituelle pour cette fin de printemps : deux séries de science fiction déjà anciennes, mais qui valent le détour et une saga québécoise longue comme le Saint Laurent.


Firefly a été diffusée par le réseau Fox en 2002 pour une seule série de 14 épisodes de 45 minutes... Pourtant, vingt ans après, le monde des séries s'en souvient encore : signe que la série est représentative de quelque chose.

Firefly (La luciole) désigne le modèle du vaisseau spatial, Serenity, vedette de la série.

On y retrouve tous les ingrédients à la fois du Space Opera et du Western. Les amateurs se réjouiront des balades de planète en planète, des bidouillages sur les vaisseaux spatiaux et des stratagèmes pour échapper aux représentants de la loi du moment.

Pour autant, nous sommes très très loin de l'univers de Starwars. C'est que les passagers du Serenity ne sont pas des Chevaliers Jedi en puissance, ni des Princesses dont le trône a été usurpé : ce sont des êtres humains, tels qu'on les connait ici et aujourd'hui, avec beaucoup de qualités, mais aussi au moins autant de défauts.

Du coup, on se projette beaucoup mieux en l'année de 2517. Mais il est vrai que la saga Starwars se situe est dans une époque bien plus éloignée, si l'on en croit les vrais scientifiques qui ont essayé de la dater. 

En clair, Firefly est une série spatiale de proximité. et elle tente de répondre à cette question : que sera l'être humain du XXVI° siècle ? Il n'est pas sûr que les réponses soient toutes crédibles, mais au moins sont-elles accessibles et abordables.


Plus récente (2012-2015),  comptant 42 épisodes, répartis sur 4 saisons, Continuum est pourtant déjà ancienne dans cet univers des fictions télévisuelles, où une nouveauté recouvre toutes les autres à toute vitesse. Série canadienne anglophone - la narration et le tournage se passent à Vancouver - elle n'a jamais été diffusée en France, sauf en DVD.

Etonnant, car cette série addictive pouvait sans doute intéresser au moins les geeks du voyage dans le temps et ses paradoxes. 

C'est d'ailleurs son intérêt principal : un agent de police de l'année 2077 se retrouve projeté contre son gré dans l'année 2012. Et la cinquantaine d'années séparant les deux périodes concernées permet de se faire rencontrer les personnages avec eux-mêmes au début et à la fin de leur vie, d'où une infinité de situations plutôt étranges.

Un autre intérêt est de comparer les techniques et procédures entre les deux périodes, qui sont forcément très différentes, partant du principe que le progrès scientifique s'est considérablement accéléré en cinquante ans. 

Les spectateurs apprécieront, surtout pour ceux qui ont commencé leur vie professionnelle sans informatique et sans internet ! Mais comment faisions nous donc avant ?


Quand on aime, on ne compte pas : 6 saisons chacune de 24 épisodes de 43 minutes. Et une septième saisons est en commande. 

Nous sommes toujours au Canada, mais à notre époque et dans la belle Province : l'ensemble est tourné en français. Mais avec ce parler et ce vocabulaire particuliers hérités de notre histoire commune. 

Ainsi, à longueur d'épisode, on fréquente des Chums (copains) et des Blondes (petites amies), on paye avec des Piastres (argent), on fait des Niaiseries et on balance des Menteries. Et on chauffe le Char (on conduit la voiture). Ainsi de suite.

Après un petit temps, on finit par s'y habituer. Et cela nous décale : la langue française n'est vraiment pas qu'une affaire française. En revanche, on ne peut pas s'empêcher de sourire tout au long des saisons. Il faudrait savoir exactement pourquoi.

La série se passe à Ste Alice de Rimouski, sur la rive droite du St Laurent, et le fleuve est omniprésent dans les prises de vue. Si le Saint Laurent est bien réel, Sainte Alice de Rimouski n'existe pas. Mais peu importe. 

Nous sommes de toute façon quelque part entre la ville de Québec et Gaspé - 4 heures de route de chaque côté, donc loin de tout. Et tout demande du temps à cet endroit : notamment les décisions de la Province et la mise en place des moyens attribué au territoire.

C'est que les intrigues se nouent autour d'un foyer d'accueil public (L'Echappée) pour les mineurs, d'une auberge - centre de la vie sociale - et le bureau de la police provinciale. On ne voit pratiquement rien d'autre, sauf bien sûr les abords du fleuve et les intérieurs, et pour l'essentiel les cuisines.

Mais ce foyer d'accueil nous place au centre des dysfonctionnements de la société  - au Québec comme ailleurs. Tout y passe : violence intrafamiliale, addictions de toute nature, inceste etc. Mais ce foyer nous place aussi au cœur des solutions possibles, toujours insuffisantes évidemment, mais pas toujours inopérantes. 

A cet égard, la série montre une facette du travail social plutôt positive : c'est déjà quelque chose, car on connaît peu de fictions approchant ainsi de manière approfondie le secteur de la prévention et de la probation.

Mais la partie la plus intéressante est le traitement humain des récits proposés. On y retrouve cette proximité interhumaine que l'on constate au Québec, à commencer le tutoiement facile. Peut-être un héritage des premiers pionniers, qui devaient se serrer les coudes dans l'immensité naturelle souvent hostile.

Par ailleurs, le nombre de personnages - autant d'acteurs - est important : une bonne partie du gotha artistique québécois est convoqué. Et c'est tant mieux, car on voit que trop rarement ici les acteurs de là-bas.

Il n'est bien sûr pas possible d'entrer dans le détail des récits intriqués qui émaillent les 144 épisodes - quand même - et cela n'est pas souhaitable car les rebondissements sont nombreux et quelquefois bien acrobatiques. Passons. On attendra sans problème la septième saison.

samedi 16 avril 2022

Sur la Playlist du printemps : Airs de cour, par le Poème harmonique

 

C'est album-univers que cette production de 35 airs, qui remonte à 2015. Mais il n'aura jamais de rides tant il est inséré dans l'époque des Airs de cour.

Ce genre est très reconnaissable et sa période d'existence est relativement courte : fin XVI° siècle/début XVII° siècle. A ce titre, il appartient à la grande ère baroque, mais à son début, juste avant le grand siècle que fut le règne de Louis XIV.

Les Airs de cour sont de petites pièces vocales accompagnées de quelques musiciens, comme des petites scènes de genre musicales, décrivant une ambiance, une historiette, une anecdote... On y trouve aussi des influences italiennes ou espagnoles : la légèreté profane des mélodies se marient mieux avec les cultures du sud de l'Europe, même si les nombreux souverains allemands, de même que la cour anglaise utilisent aussi le genre.

En fait, les Airs de cour étaient la TSF des rois et reines, de leur famille et de leur entourage, à une époque, et pour longtemps encore, on ne pouvait écouter que de la musique live par la force des chosesEt les journées - et encore plus les soirées - pouvaient être si longues au temps où les divertissements étaient si rares - et, pourvu d'avoir une domesticité nombreuse, on avait du temps...

L'album réalisé par le Poème harmonique, formation fondée et animée par le luthiste et guitariste baroque Vincent Dumestre, est de toute beauté, à écouter encore et encore. 

Cette musique nous fait enjamber ces 400 ans, nous rapprochant miraculeusement de ces aïeux, pourtant si éloignés de nous. Une espèce de machine à remonter le temps, en somme.

L'ouvrage repose évidemment sur un énorme travail dans les archives musicales, car les principaux compositeurs sont très peu connus : Pierre GuédronÉtienne MouliniéGuillaume CosteleyAntoine BoëssetAdrian Le RoyCharles Tessier... parmi tant d'autres. 

Autre fondement : l'excellence des interprètes. Les amateurs pourront notamment repérer les belles voix de Marc Mauillon (Baryton), de Serge Goubioud (Ténor) et de Bruno Le Levreur (Contre-ténor)

L'ensemble de l'album se trouve gratuitement sur YouTube ici... Un vrai cadeau du label Alpha Classics.

Voici quelques morceaux au passage parmi les préférés.






samedi 2 avril 2022

Lieux singuliers (9) : le Palais de la Porte Dorée



 Le Palais de la Porte Dorée - c'est son nom officiel - est à la marge : marge de Paris, au bord du Bois de Vincennes et comme en marge de la République, comme on le verra. Comme s'il n'était pas si facile d'assumer sa construction et, ensuite, sa non-démolition.

Il a été construit entre 1928 et 1931 à l'occasion de l'exposition coloniale internationale qui s'est tenue du  6 mai au 15 novembre 1931. C'est tout ce qui reste d'ailleurs de cette exposition, qui fut la dernière du genre. Les premières en France s'étaient tenues à Lyon et à Rouen en 1894 et 1896 respectivement, soit presque 40 ans plus tôt. 

Le Palais de la Porte Dorée ouvrait l'exposition coloniale qui occupait une partie du bois de Vincennes avec de multiples "pavillons" mettant en valeur l'héritage colonial et le folklore des "colonies". On sait ce qu'il en fut  quelques décennies après.

L'exposition fut un grand succès populaire : 8 millions de visiteurs. Mais on mentionnera les quelques opposants courageux : le parti communiste d'abord - qui ne s'est pas trompé sur tout historiquement - et les surréalistes, Breton en tête. On ajoutera Eluard, Char et Léon Blum, alors que son parti y était favorable.

Et dans la même période, de l'autre côté de Paris, au jardin d'acclimatation du Bois de Boulogne, on organisait le dernier zoo humain - pardon, le "jardin ethnologique" - juste à côté du jardin zoologique. On n'a pas osé continuer plus longtemps cette ignominie - au moins en France.

Manifestement, en 1931, on était au début de la fin du bon temps des colonies.

Ironie du sort, parmi les grands sponsors de l'exposition coloniale, on trouve la Brasserie alsacienne Chez Jenny, qui fut une des cantines du Front National. Chez Jenny a disparu en 2020. Sic transit.

Quant au Palais de la Porte Dorée, la République a eu du mal à lui assigner une dénomination claire et fixe : il fut «musée des Colonies», puis «musée des colonies et de la France extérieure», puis «musée de la France d’outre-mer», puis «musée des Arts africains et océaniens», et enfin «musée national des Arts d'Afrique et d'Océanie » avant de déménager ses collections au Musée du quai Branly en 2003.

Enfin, en 2007, il est devenu Musée de l'Histoire de l'immigration. On peut comprendre pourquoi. Mais ses collections ne seront visibles à nouveau en 2023 après une nouvelle organisation. Entre temps, le musée propose des expositions de grande qualité, dont la dernière porte sur Picasso, mais comme étranger. Beau travail. 

L'aquarium tropical du sous-sol, qui vaut une visite, existe depuis le début.

Il reste ce bijou architectural de l'Art déco qu'est le Palais de la Porte Dorée.

Juste en face, on trouve le Monument à la Mission Marchand, érigé quelques années après, dans le même style. Expédition avortée en 1898, elle cherchait les sources du Nil.

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