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vendredi 1 mars 2024

Séries de l'hiver : Yellowstone, This is England, The Durrells, The Restaurant et autres

 Que de grands monuments vidéos cet hiver. On s'est régalé !

Yellowstone, la grande saga US de Paramount est enfin visionnée...à l'exception bien sûr du dernier épisode de sa dernière saison (épisode 9, saison 5) que personne n'a encore vu. Il n'est peut-être pas sûr qu'il existe encore d'ailleurs, car il devait être tourné alors que la grève des scénaristes, en mai 2023 faisait rage, laissant en plan pas mal de séries qui ont eu du mal à continuer ou à se terminer.

La grève est finie, mais on ne voit rien arriver. Une brouille professionnelle serait en cause entre Kevin Coster, acteur principal et producteur et le reste de la production. Nous aurions donc ici une série inachevée, comme c'était le cas de certaines symphonies... Pourquoi pas. Et on se rappelle au passage que le divertissement vidéo aux Etat Unis est une vraie industrie, comme toutes les autres.

Entre temps, Yellowstone est devenue une vraie "marque" Paramount avec ses séries dérivées, dont on a parlé ici et son esthétique bien reconnaissable, à base de grands espaces naturels vides filmés en panoramique.

Nous sommes dans le Montana, et de nos jours : il faut le préciser car nous avons affaire à une activité déjà ancienne, dont les derniers représentants occupent la série : l'élevage extensif bovin. Bref, nous sommes dans l'autre pays des cow-boys, le premier étant le Texas. 

Mais un pays extra-ordinaire : l'Etat du Montana compte un million d'habitants sur une superficie de deux tiers de la France. La densité de population y est de moins de 2,5 habitant par km². Mais on y compte 2,5 millions de bovins... Oups, c'est l'Etat le moins dense des Etats Unis après le Wyoming, son voisin, avec lequel il partage le grand parc national du même nom, Yellowstone.

Autrement dit, le Montana est une espèce de conservatoire naturel et humain, tout juste sorti du XIX° siècle, donc du Far West. Voici pour le cadre, survolé d'ailleurs par un hélicoptère siglé du ranch Dutton.

Le récit s'organise autour de la vie d'un ranch XXXL. On parle de 3 200 km² par recoupement, car cette superficie n'est pas mentionnée directement dans la série, soit l'équivalent d'une demie Corse quand même. De quoi aiguiser les envies et les convoitises, et à l'échelle de ce domaine hors du commun.

Tout au long des 47 épisodes (autour de 45 mn, avec des variations jusque 92 mn), on a son compte de fusillades, de meurtres, de vol de bétail, d'intrigues, de règlements de compte... avec quelquefois l'impression de répétition, soulignant les déficiences scénaristiques. Dommage.

La famille Dullon, celle du patriarche incarné par Kevin Costner n'en finit pas non plus de s'entredéchirer - quelquefois même au sens propre... L'hôpital est souvent visité, quoique situé assez loin si on a bien compris. Pas question ici de détailler l'ensemble bien sûr.

On est renseigné aussi avec intérêt le fonctionnement institutionnel de l'Etat, entre Gouverneur, Procureur général et Comté dominé par les éleveurs bovins.

On est aussi intrigué par le fonctionnement de la communauté amérindienne : nous sommes sur territoire Crows. Là aussi, l'histoire de ce peuple n'a pas été vraiment paisible après l'arrivée des européens, comme on s'imagine. 

Mais elle dispose des terres, des prérogatives reconnues par les lois américaines et sa propre gouvernance, que montre de manière détaillée la série. Comme un peu partout aux Etats Unis, les privilèges fiscaux accordés aux premiers habitants leur permettent un certain développement, notamment autour des énormes casinos situés dans les réserves indiennes qui sont de géantes machines à cash. Malheureusement, l'argent ne rachète pas une culture dévastée, avec leurs séquelles sociales et sanitaires. 

Au moins Yellowstone permet il aux spectateur européen de mieux comprendre ce qui se joue là. 

A ce titre, Yellowstone reste une série exceptionnelle malgré ses défauts. On attendra donc son dernier épisode.



Quelle bonne initiative d'Arte de nous proposer This is England, espèce de monument télévisuel de Channel 4, chaîne anglaise publique mais ne bénéficiant d'aucun argent public, et qui s'est distinguée pour des programmes exceptionnels. On citera notamment Black Mirror (quand même !), Humans ou Queer as Folk.

La série This is England est directement issue d'un film de 2006 dont le récit se passe en 1983. Pour les trois saisons de la série, on note le décalage temporel comme suit :

This is England 1986 est diffusé en 2010 (4 épisodes)
This is England 1988  est diffusé en 2011 (3 épisodes)
This is England 1990 est diffusé en 2015 (4 épisodes)

Cela a son importance, car les acteurs suivent la série, et notamment Shaun, le premier personnage, qui a 14 ans dans le film initial. On observe ensuite son parcours tout au long de la série, ce qui donne une vraie force d'attachement à ce personnage, mais aussi à toute la bande qui l'entoure. Parti-pris narratif fort astucieux.

Nous sommes dans le Nord de l'Angleterre. Autant dire dans le cul de fosse de l'économie anglaise, chaque personnage tentant de survivre selon ses propres valeurs, talents, contacts... et sans reconnaissance sociale, sans argent, sans vrai boulot, sans relations dans ce bout du monde dont personne ne peut sortir facilement, forcément.

Et pourtant, ces personnages tiennent debout, Shaun le premier, qui sait se mettre en position d'observateur d'une situation qui devrait le broyer ou le rendre parfaitement imbuvable.

Le tableau d'ensemble est à charge pour les politiques économiques et sociales conduites dans les années 1980 au Royaume Uni... et qui continuent. Vu de France, on ne peut pas vraiment comprendre comment il est possible qu'une minorité de nantis inflige de telles situations à une immense majorité via le parti conservateur.

This is England démontre au final que les hommes et les femmes sont les vraies richesses du pays, mais personne ne s'en rend compte : quel immense gâchis !

Comme série anglaise, la mise en scène et le jeu des acteurs est impeccable, malgré l'immense difficulté à jouer correctement hors de sa classe sociale, les accents étant si discriminants dans l'anglais d'Angleterre.


Au fait, qu'est ce qu'une série anglaise ? Bonne question, car la langue ne suffit pas, puisque tant de pays utilisent l'anglais pour tourner leurs séries, Etats Unis en tête évidemment.

La série The Durrells pourrait peut-être répondre à la question. 

Essayons. D'abord sans doute l'excellence des acteurs - l'Angleterre est le pays natal du théâtre occidental. On retrouve notamment dans The Durrels avec un grand plaisir Josh O'Connor - et pas seulement à cause de son rôle dans The Crown (celui de Charles jeune) et aussi Keeley Hawes, actrice que l'on voit très souvent dans toutes les productions anglaises.

Ensuite, les personnages et les situations sont toujours un peu décalées voire saugrenues : la famille Durrells, bien fauchée, s'est établie dans l'île de Corfou dans années 1930, qui n'est vraiment pas terre bénie pour les anglais, mais elle s'en sort malgré.

Enfin, ces séries exploitent beaucoup le fait tous les Anglais transportent avec eux leur culture nationale : culture hégémoniste, qui s'est greffée sur tant de territoires mondialement, mais qui ne s'est jamais imposée dans les mêmes termes que le colonialisme français, dont le but ultime est toujours l'assimilation des populations dominées, alors que la culture anglaise accepte facilement la coexistence des cultures. D'où un modèle de société interculturelle bien différent, et qui persiste encore de nos jours.

Il reste qu'Arte a eu aussi l'excellente idée aussi de proposer les quatre saisons de la série en même temps. On se régale donc de regarder comment les deux grandes cultures - anglaise et grecque - se frottent, souvent rugueusement, quelquefois de manière conflictuelle, mais toujours intéressante.

Mais, au final, les bruits de bottes de la fin des années 30 finiront par rattraper les Durrells, qui repartiront dans les brumes de leur île : quand la guerre est là, personne ne peut y échapper.


Une autre pépite de l'hiver offerte par Arte : Vår tid är nu (Notre heure est arrivée), retranscrit sous le titre The Restaurant, bien plus plat, et produit par la SVT, télévision publique de Suède, dont les produits sont synonymes de grande qualité.

Trois grandes saisons nous font suivre les hauts et les bas d'un grand restaurant fictif de Stockholm, tout au long de 28 épisodes. La série commence précisément à la fin de la deuxième guerre mondiale, en mai 1945 et se termine en 1968. Autant dire que beaucoup d'eau a coulé sur les nombreuses ponts de la capitale suédoise tout au long de cette fresque familiale, qui épouse bien sûr la petite et la grande histoire.

Une quatrième saison de 4 épisodes revient sur l'histoire du couple principal, en 1951 et conclut la série.

On peut, comme toujours, beaucoup apprécier le souci d'exactitude de ses concepteurs : exactitude des décors intérieurs et extérieurs et des costumes. Mais on peut y ajouter le souci d'exactitude des mentalités et de l'évolution sociale de la société suédoise, alors que s'y construit la social-démocratie, notamment par l'évolution des conditions de travail au Restaurant.

Les personnages et le récit sont également très bien soignés, et les acteurs, dont les principaux sont tous suédois, et on attend de les revoir dans des films ou dans des séries de même acabit.

Une mention particulière sur l'arrivée des Italiens en Suède au cours de la période, et sur leur place dans la société suédoise. Peut être pas forcément un détail, à l'heure où l'Europe se construit, du Sud au Nord.






Pour conclure, mentionnons ces cinq portraits de femme - personnage et actrice - pouvant susciter pas mal d'intérêt :

- Lessons in Chemistry (Apple Video), qui interroge sur le statut de la femme scientifique dans les années 50. Comme toutes les séries par Apple Video, la réalisation est parfaite et les décors bien léchés. L'actrice principale est la Californienne Brie Larson, qui multiplie les apparitions surtout au cinéma, notamment dans l'univers Marvel. Elle est aussi réalisatrice et chanteuse... beau personnage.

- Candy (Hulu/Disney) mini-série inspirée de faits réels, propose le portrait d'une femme au foyer insipide, mais... criminelle, et incarnée par Jessica Biel (épouse Timberlake) : le contre-rôle parfait. La performance d'acteur est à saluer évidemment. Jessica Biel est aussi réalisatrice et productrice. 

- The Dropout (Hulu/Disney) raconte l'étonnante histoire d'Elisabeth Holmes qui a pu lever 700 millions de dollars à 19 ans sur la promesse de pouvoir effectuer rapidement et économiquement des analyses sanguines à partir d'une seul goutte de sang... Rien ne marchait, et tout s'est effondré en 2018. L'actrice principale est Amanda Seyfried, actrice endurcie, qui cumule déjà 23 ans de carrière à 38 ans. Elle est aussi  mannequin et chanteuse.

- Fleabag (Amazon Video) série de deux saisons (12 épisodes) déjà un peu ancienne - elle a été diffusée entre 2016 et 2019 et qui avait eu un certain succès. La série a été produite à l'origine par la BBC, et notamment par la troisième chaîne, qui s'adresse traditionnellement aux adolescents et aux jeunes adultes, et ce n'est pas par hasard. Le principal personnage met en scène une jeune citadine qui rencontre les problèmes de sa génération : travail, famille, vie sentimentale et amicale, mais sur un rythme bien animé, laissant place aussi à des apartés hilarants créant rapidement une complicité avec le spectateur. 

Phoebe Waller-Bridge, la principale actrice, a écrite aussi la série, dont les prix l'ont consacrée comme une des meilleures actrices comiques britanniques.

- Life and Beth (Disney) est comme un pendant américain de Fleabag : on devine un sacré caractère derrière son principal personnage, interprété par Amy Schumer, qui est d'abord humoriste de stand-up aux Etats Unis (ce qui n'est pas rien, dans un pays où le public est impitoyable), puis actrice et scénariste. Une belle palette de talents : Life and Beth témoigne d'une belle vitalité, qui, au passage, montre aussi ce qu'est vraiment le métier d'acteur/actrice, exercice quasi-inédit dans les productions françaises actuelles.

jeudi 27 juillet 2023

Sur la Playlist de l'été : Josef Mysliveček

 Plaque et buste de Mysliveček à Prague

Mys-live-ček (prononcer ček comme tchek)... On finit par mémoriser son nom, et on finit enfin par écouter sa belle musique.

C'est à l'occasion de la sortie d'un film retraçant sa vie que l'on découvre ce compositeur. Et c'est une belle découverte.

Le film, titré Il Boemo et sorti le 21 juin dernier en France, donne à la musique une grande importance, et c'est tant mieux. 

Outre les éléments biographiques, on y trouve beaucoup d'indications très crédibles sur l'organisation institutionnelle, technique, humaine et même économique de la production de musique au XVIII° siècle en Italie, ce qui est fort intéressant car ces œuvres magnifiques ne sont pas sorties par miracle du cerveau du compositeur. Ce compositeur est un homme de sang et de chair : on le voit d'ailleurs parfaitement quand la maladie commence à le défigurer.

Mysliveček est né à Prague, mais il a fui à l'âge de 27 ans après ses premières symphonies, d'ailleurs bien appréciées en Bohème. L'Empire austro-hongrois était dessus-dessous par la guerre de sept ans et celui-ci voulait plutôt faire de la musique plutôt que faire la guerre.

Et à l'époque, il y avait en Italie assez de souverains, d'Etats, de goût, d'argent et de public : c'est donc là qu'il fit carrière et on l'a appelé assez vite Il divino Boemo (le divin Tchèque).

Mort à 43 ans, sans doute de la syphilis, il a quand même laissé une trentaine d'opéras, une dizaine d'oratorios, une centaine de symphonies et de concertos - notamment pour violon, et en y ajoutant de la musique de chambre. 

Il fut enterré immédiatement dans une des plus anciennes et prestigieuses basiliques de Rome, ce qui marque l'estime qu'on lui accordait dans sa patrie d'adoption. 

Et puis l'on l'a oublié, sans trop savoir pourquoi.

Toute sa musique n'est pas encore enregistrée, mais cela viendra, car elle le mérite sans aucun doute. 

C'est d'ailleurs le jugement de Mozart, qui lui a emprunté des motifs musicaux ici et là, sans que cela n'ait posé de problème. Certaines œuvres ont été attribuées à l'un puis à l'autre par les musicologues, indice de la proximité de leur sensibilité et de leur oreille.

Mysliveček a d'ailleurs rencontré Mozart quand ce dernier avait 14 ans, son cadet de vingt ans.

Contemporain de Haydn,  à peine plus vieux que Boccherini, Mysliveček a contribué à clore la longue période baroque pour créer la grande musique classique, préparant l'époque mozartienne, juste avant la grande vague romantique. 

La musique de Mysliveček est ensoleillée, joyeuse, accessible... Certains grincheux de l'époque lui ont d'ailleurs reproché une certaine facilité. Tant pis pour eux. Les arias des opéras utilisés dans le film et repris ci-dessous sont parmi des plus émouvants du genre lyrique. 

Pour rattraper le temps, le monde n'a pas fini d'écouter Il divino Boemo dans l'avenir. Il était temps.

On trouve malgré tout pas mal de traces sur internet. Pour commencer et se donner l'idée de sa musique de chambre et instrumentale, en voici deux :



Côté opéra, voici trois extraits du film Il Boemo, qui s'appuient sur une interprétation excellente et qui donnent une idée assez exacte, sonore et visuelle, de ce qu'était un opéra au XVIII° siècle :




On notera aussi que la totalité de la bande originale du film est accessible gratuitement à ce lien.

Et pour les fondus d'opéra, on a trouvé même des œuvres lyriques intégrales de Josef Mysliveček. Par exemple Il Bellerofonte (près de 3 heures) et Motezuma (plus de 2 heures)


dimanche 5 juin 2022

Les séries de la fin du printemps : Firefly, Continuum, L'Echappée

 Sélection inhabituelle pour cette fin de printemps : deux séries de science fiction déjà anciennes, mais qui valent le détour et une saga québécoise longue comme le Saint Laurent.


Firefly a été diffusée par le réseau Fox en 2002 pour une seule série de 14 épisodes de 45 minutes... Pourtant, vingt ans après, le monde des séries s'en souvient encore : signe que la série est représentative de quelque chose.

Firefly (La luciole) désigne le modèle du vaisseau spatial, Serenity, vedette de la série.

On y retrouve tous les ingrédients à la fois du Space Opera et du Western. Les amateurs se réjouiront des balades de planète en planète, des bidouillages sur les vaisseaux spatiaux et des stratagèmes pour échapper aux représentants de la loi du moment.

Pour autant, nous sommes très très loin de l'univers de Starwars. C'est que les passagers du Serenity ne sont pas des Chevaliers Jedi en puissance, ni des Princesses dont le trône a été usurpé : ce sont des êtres humains, tels qu'on les connait ici et aujourd'hui, avec beaucoup de qualités, mais aussi au moins autant de défauts.

Du coup, on se projette beaucoup mieux en l'année de 2517. Mais il est vrai que la saga Starwars se situe est dans une époque bien plus éloignée, si l'on en croit les vrais scientifiques qui ont essayé de la dater. 

En clair, Firefly est une série spatiale de proximité. et elle tente de répondre à cette question : que sera l'être humain du XXVI° siècle ? Il n'est pas sûr que les réponses soient toutes crédibles, mais au moins sont-elles accessibles et abordables.


Plus récente (2012-2015),  comptant 42 épisodes, répartis sur 4 saisons, Continuum est pourtant déjà ancienne dans cet univers des fictions télévisuelles, où une nouveauté recouvre toutes les autres à toute vitesse. Série canadienne anglophone - la narration et le tournage se passent à Vancouver - elle n'a jamais été diffusée en France, sauf en DVD.

Etonnant, car cette série addictive pouvait sans doute intéresser au moins les geeks du voyage dans le temps et ses paradoxes. 

C'est d'ailleurs son intérêt principal : un agent de police de l'année 2077 se retrouve projeté contre son gré dans l'année 2012. Et la cinquantaine d'années séparant les deux périodes concernées permet de se faire rencontrer les personnages avec eux-mêmes au début et à la fin de leur vie, d'où une infinité de situations plutôt étranges.

Un autre intérêt est de comparer les techniques et procédures entre les deux périodes, qui sont forcément très différentes, partant du principe que le progrès scientifique s'est considérablement accéléré en cinquante ans. 

Les spectateurs apprécieront, surtout pour ceux qui ont commencé leur vie professionnelle sans informatique et sans internet ! Mais comment faisions nous donc avant ?


Quand on aime, on ne compte pas : 6 saisons chacune de 24 épisodes de 43 minutes. Et une septième saisons est en commande. 

Nous sommes toujours au Canada, mais à notre époque et dans la belle Province : l'ensemble est tourné en français. Mais avec ce parler et ce vocabulaire particuliers hérités de notre histoire commune. 

Ainsi, à longueur d'épisode, on fréquente des Chums (copains) et des Blondes (petites amies), on paye avec des Piastres (argent), on fait des Niaiseries et on balance des Menteries. Et on chauffe le Char (on conduit la voiture). Ainsi de suite.

Après un petit temps, on finit par s'y habituer. Et cela nous décale : la langue française n'est vraiment pas qu'une affaire française. En revanche, on ne peut pas s'empêcher de sourire tout au long des saisons. Il faudrait savoir exactement pourquoi.

La série se passe à Ste Alice de Rimouski, sur la rive droite du St Laurent, et le fleuve est omniprésent dans les prises de vue. Si le Saint Laurent est bien réel, Sainte Alice de Rimouski n'existe pas. Mais peu importe. 

Nous sommes de toute façon quelque part entre la ville de Québec et Gaspé - 4 heures de route de chaque côté, donc loin de tout. Et tout demande du temps à cet endroit : notamment les décisions de la Province et la mise en place des moyens attribué au territoire.

C'est que les intrigues se nouent autour d'un foyer d'accueil public (L'Echappée) pour les mineurs, d'une auberge - centre de la vie sociale - et le bureau de la police provinciale. On ne voit pratiquement rien d'autre, sauf bien sûr les abords du fleuve et les intérieurs, et pour l'essentiel les cuisines.

Mais ce foyer d'accueil nous place au centre des dysfonctionnements de la société  - au Québec comme ailleurs. Tout y passe : violence intrafamiliale, addictions de toute nature, inceste etc. Mais ce foyer nous place aussi au cœur des solutions possibles, toujours insuffisantes évidemment, mais pas toujours inopérantes. 

A cet égard, la série montre une facette du travail social plutôt positive : c'est déjà quelque chose, car on connaît peu de fictions approchant ainsi de manière approfondie le secteur de la prévention et de la probation.

Mais la partie la plus intéressante est le traitement humain des récits proposés. On y retrouve cette proximité interhumaine que l'on constate au Québec, à commencer le tutoiement facile. Peut-être un héritage des premiers pionniers, qui devaient se serrer les coudes dans l'immensité naturelle souvent hostile.

Par ailleurs, le nombre de personnages - autant d'acteurs - est important : une bonne partie du gotha artistique québécois est convoqué. Et c'est tant mieux, car on voit que trop rarement ici les acteurs de là-bas.

Il n'est bien sûr pas possible d'entrer dans le détail des récits intriqués qui émaillent les 144 épisodes - quand même - et cela n'est pas souhaitable car les rebondissements sont nombreux et quelquefois bien acrobatiques. Passons. On attendra sans problème la septième saison.

jeudi 3 novembre 2011

Pourquoi je n'ai pas détesté Drive

Un rythme lent, un acteur principal quasi muet, une intrigue battue et rebattue, des personnages secondaires inodores et sans saveur, une bande sonore taillée au kilomètre, peut-être composée à l'origine pour égayer  les ascenseurs ou les parkings... Les raisons ne manquent pas de détester Drive, ou tout simplement de l'oublier aussitôt terminé.



Et bien non. Dans le rôle principal, Ryan Gosling met en oeuvre un vrai less is more cinématographique. Grand acteur, ça c'est sûr, qui sait jouer de sa moindre expression. Le rythme du film permet de s'y installer et de s'imprégner de la tension émanant des situations et la bande sonore, véritablement intriquée dans les images, accompagne le tout, dans une espèce de flot qui n'est pas sans rappeler Mullholland Drive, le film noir des films noirs.



Drive n'est donc au final pas un film hollywoodien, mais un film tourné par un réalisateur danois à Hollywood. Tout comme Mullholland Drive un film, tourné à Hollywood aussi, par un réalisateur anglais. Drive, Mullholland Drive : intelligente et fine évocation de l'un à l'autre. Récits de deux européens témoignant de la vénéneuse violence de la société américaine.


mercredi 5 octobre 2011

Vraies fausses affiches


Voilà des affiches qui ressemblent à des affiches... de cinéma. Et puis on se met à douter, et on se ravise en détectant la supercherie. 

Ces affiches ont été présentées par le collectif "Même pas peur" cet été au Cinéma le Comoedia de Lyon, salle emblématique de la résistance des cinémas urbains à forte valeur pédagogique ajoutée (par ses conférences, ses expos, ses accueils thématiques) face aux complexes périphériques consuméristes. 


lundi 6 juin 2011

Midnight in Paris ou l'art du cliché


Cela faisait longtemps, très longtemps. Très longtemps que je n'avais fréquenté le grand écran. Le bruit des téléphones portables en pleine séance (voire de conversations téléphoniques racontant le film à mesure de son déroulement à son copain ou copine), celui des pop-corn avalés à grandes poignées avec bruits de bouche en correspondance et toutes ces micro-contrariétés de tous les instants ruinaient le plaisir de la séance... par ailleurs payée assez cher, de plus en plus cher. En bref, le cinéma était rayé pour longtemps et depuis longtemps des divertissements possibles.

Et puis il faut bien des exceptions : ce week-end en fut une, et un public bien élevé, cette fois, a permis d'apprécier sereinement la dernière proposition de Woody Allen, Midnight in Paris. Not bad, actually. Et une belle affiche en plus.

La base contractuelle de l'oeuvre occupe les premières minutes : une belle série de clichés genre Paris-Ville-lumière-que-le-monde-entier-nous-envie. Et l'on comprend du coup pourquoi Carla Bruni, qui apparaît en effet quelques minutes, réparties sur trois apparitions, figure au casting : cette femme, au passé photographique évidemment très chargé compte tenu de son ancien métier, est un cliché à elle toute seule.

On ne racontera pas l'histoire, ce serait dommage pour tous ceux qui n'ont pas vu le film. Disons qu'elle est originale et qu'au cliché géographique se superpose vite le cliché historique. En somme, nous vivons en clichés dit Woody Allen, mais il s'agit d'un constat, pas d'un jugement. Et les clichés aident à vivre, à espérer, à admirer, à dépasser la trivialité du quotidien. Bref, à vivre mieux. Truffaut ne disait pas autre chose dans sa Nuit américaine, qui reste sans doute une des meilleures leçons de cinéma jamais tournées. Peut-être une affinité secrète entre les deux films ?

Soit. Alors assumons nos idées toutes faites, mais n'en soyons pas tout à fait dupes. L'humour est là aussi. En somme, un bon moment, mais qui passe un peu vite et que l'on pourrait souhaiter un tout petit plus dense. Mais passons, c'est bien du cinéma, et du bon, qui joue avec les images et nous apprend aussi à nous en jouer.