Bien chers amis russes,
Deuxièmes sur la liste après les
amis finlandais, j'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir fait passer leur liliputien territoire avant l'immense vôtre. Car tout est immense chez vous, à l'image des distances : l'échelle des temps qui fit passer le pays de la situation la plus rétrograde à l'absurdité du système qui s'est effondré à la fin du XX° siècle, le nombre des morts de la II° guerre mondiale - 21 Millions, rien que ça - un tiers du total des victimes du conflit - mais aussi votre courage, votre intelligence et... votre capacité d'autodérision.
Car je me suis longtemps demandé comment un peuple en moyenne et à l'évidence aussi éduqué que le vôtre avait pu supporter ses dirigeants et ce système politique aussi longtemps. Et comment aurait-il pu sans ce détachement absolu et ce regard acéré qui permet d'analyser au vitriol sa propre société et, au final, de rationaliser l'absurde ?
Je vous ai connus à un moment bien déterminé de votre histoire : quand le système soviétique venait de s'effondrer et que le pays - loin de sombrer dans la stupeur ou la violence - était en train, en quelques semaines à peine, et à toute vitesse, de s'auto-organiser pour continuer de vivre ou au moins de survivre. Stupéfiant, pour l'européen occidental habitué à ses institutions séculaires, lourdes et protectrices à vous en étouffer. Chez vous, d'un seul coup, tout était ouvert, tout était possible.
Alors, pourvu que ce soit en dollars US, tout se négociait, à même la rue, sans formalités ni protocole... Le repas gastronomique au restaurant pour 10$ à verser directement au serveur, avec vodka à volonté, la course de voiture pour rentrer dormir - plus de taxis : il fallait arrêter un automobiliste lambda et le convaincre de faire la course - la boite de caviar de la Caspienne aux portes dérobées des grands hôtels, et, hélas, hélas, les icônes anciennes, sur tous les marchés aux puces improvisés ça et là dans la ville qui n'était plus qu'un vaste supermarché à ciel ouvert.
Vous étiez aussi des urbains : de Moscou ou de Saint-Petersbourg, qui venait à peine de retrouver son nom, et vous appreniez vite, très vite, les rudiments de l'économie de marché, alors que les hiérarques poutiniens n'avaient pas encore, eux, eu le temps de verrouiller le système à leur profit.
Certains d'entre vous étaient encore, envers et contre tout, gorbatchéviens, car vous aviez bien vu dans quelle douloureuse aventure Eltsine entraînait les plus faibles d'entre vous, et quelles inégalités abyssales pouvaient se prédire déjà dans le jeu politico-économique où les ambitieux de tout poil - et de tout passé - cherchaient à tout prix à se placer, de préférence en écrasant tous leurs concurrents.
De nos contacts si chaleureux et de nos discussions, j'ai gardé une admiration sans borne pour ce courage et cette intelligence, qui vous permettaient en permanence, et encore et encore, de pallier la déficience des institutions politiques et les aléas d'une économie sauvage. L'humilité en plus : placés dans de telles situations, sans doute aurions nous, occidentaux douillets, baissé les bras et abandonné la partie.
Amis russes, vous me manquez, vingt ans après. Mais la vie est longue, et nous disposons de tous les moyens pour nous retrouver un jour.
Création photographique d'Epsilon Delta, photographe de St Petersbourg
Le blog y reviendra forcément...
Publicité pour une radio Rock russe
Produit typiquement russe, dans une présentation...
sobre et de bon goût. C'est authentique.
Enfin, on renverra sur ce message du blog concernant l'hymne national de Russie et qui est sans doute le plus bel hymne national qui ait jamais existé. La preuve : il fut aussi celui de l'URSS, mais les russes l'ont gardé après avoir retouché quelques paroles, évidemment.
Le blog a souvent parlé de la Russie, voir ici
Et, pour conclure, ce raccourci historique saisissant et plutôt cruel...