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samedi 20 mars 2010

Pêcheur de perles musicales (21) : Rameau, Hippolyte et Aricie, Trios des Parques



Il n'y a pas que les Indes Galantes dans la vie musicale de Rameau. Hippolyte et Aricie, découvert en son temps à l'Opéra comique, mérite une médaille au tableau des folies baroquissimes qui font le délice des amateurs d'esthétique décalée jusqu'à l'outrance, voire l'absurde.

Encore une fois, on aurait envie de nominer l'opéra tout entier - ou au moins une partie substantielle de ses arias et choeurs - à la distinction de Perle musicale. Mais puisqu'il faut choisir, proposons les deux trios des Parques, au début de l'opéra.

Résumons : dans une antiquité grecque d'opérette, Thésée le héros, fait des pieds et des mains auprès de tous les dieux pour retrouver aux enfers son ami Piritoüs, mort au combat, et le ramener si possible. A force d''arguments et de jérémiades, Jupiter écoute Thésée et contraint Pluton à lui ouvrir les portes d'outre-tombe, puis à l'en faire revenir.

Mais attention, il y a une condition : que Thésée écoute les Parques lui raconter un bout de son futur... et le trio infernal le lui raconte de manière allusive en concluant : Tu sors de l'infernal empire, pour trouver les enfers chez toi ! Brrr, on tremble !

Les Parques ont lu dans l'avenir de Thésée l'idylle de sa propre épouse, Phèdre, avec son fils d'un premier lit, Hippolyte. Mais tous ceux qui ont étudié Phèdre, de Racine, qui figure au programme du collège, devraient se souvenir de l'histoire, non ?

Les Parques par Alfred Agache

Rameau s'en donne à coeur joie dans les deux interventions des Parques, à l'acte II. 


D'abord pour dire à Thésée qu'il ne pourra pas rejoindre les enfers en abrégeant sa vie :


Du Destin le vouloir suprême
A mis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal ciseau n’en peut trancher le cours,
Qu’au redoutable instant qu’il a marqué lui-même.



Et ensuite, une fois qu'il est descendu aux enfers et qu'il veut en revenir, pour lui annoncer son avenir :


Quelle soudaine horreur ton destin nous inspire ?
Où cours tu malheureux ? Tremble ; frémis d’effroi.
Tu sors de l’infernal Empire,
Pour trouver les Enfers chez toi.


C'est surtout le second trio qui impressionne, proposé ci-dessous.


Plusieurs versions comme d'habitude, mais une préférée dans la figuration de l'horreur, les autres paraissant plus molles : celle de Malgloire, dans un enregistrement des années 70, hélas mal repiqué du disque vinyl, mais je promets au visiteur de travailler à une meilleure reproduction, qui remplacera celle-là. L'extrait précédent est tiré du même disque. La deuxième version est une version de Minkowski.


Puis deux videos : une de l'enregistrement d'un concert donné pour le vingtième anniversaire des Musiciens du Louvre le 18 décembre 2002, avec les chanteurs Cyril Auvity, tenor, Jean-Sébastien Bou, baryton et le grand Laurent Naouri, baryton également, Orchestre et choeur des Musiciens du Louvre, dirigés par Marc Minkowski. Hélas, il s'agit d'un récital sans mise en scène d'Opéra. En effet, il est toujours marrant de voir comment les metteurs en scène présentent les Parques, personnages féminins chantés par des hommes.


On le voit en revanche dans la vidéo suivante, enregistrement à Aix en Provence en 1983 d'une représentation dirigée par John Eliot Gardiner.