Hourra : le palmarès de cet automne (qui n'est pas fini !!) est 100% européen ! C'est la première fois. C'est que sans doute il se passe quelque chose dans le monde des médias européens... et qu'il se passe aussi dans le monde des médias américains.
On a le sentiment que les séries américaines rognent toujours leurs mêmes os : drogue, violence, sexe...
Cette livraison principale est italienne, anglaise, espagnole.
La fine fleur des acteurs anglais s'est donné rendez-vous dans Rivals... Personnages complexes, situations étonnantes, dialogues magnifiques...
Et même la bande musicale originale est excellente : elle ressemble à celle du White Lotus. Peut-être le même compositeur. On n'a pas trouvé les moyens de le confirmer mais on aime.
Et avec un zeste de Downton Abbey, et on est comblé.
Rivals a été créée par Disney, qui continue d'investir dans l'excellence.
La série se passe dans le monde des médias anglais. Et on se doutait que ce monde était impitoyable. Mais on ne savait pas qu'il créait des séries de haute qualité.
Enfin une série italienne : La Legge de Lidia Poët ! Oui, on peut critiquer pas mal de choses, sans entrer dans le détail, mais on peut aussi ne pas bouder son plaisir : magnifiques décors, costumes parfaits, extérieurs somptueusement reconstitués ou numérisés dans le Turin du XIX° siècle et récit historiquement fondé.
La série met en lumière la première avocate italienne, inscrite au barreau de Turin le 9 août 1883, puis radiée quelques mois après, le procureur du Roi - nous sommes à l'époque en monarchie constitutionnelle - s'y opposant.
Les inepties misogynes usuelles mille fois entendues au XIX° siècle en Europe sont largement développées dans la série et historiquement documentés. Au moins montre-t-elle quelle était la force des préjugés de l'époque contre les femmes et leur accès aux responsabilités professionnelles et sociales.
Dans la réalité et dans la série, Lidia Poët n'a pu exercer finalement son métier que par procuration, sous le mandat de son frère, avocat lui aussi. Elle ne put accéder au barreau qu'en 1920 : elle avait 65 ans.
De quoi alimenter quelques belles saisons supplémentaires. Pour l'instant, la série compte 2 saisons de chacune 6 épisodes.
Quant à l'actrice principale, Matilda De Angelis, on sera content de la revoir dans le prochain Dracula de Luc Besson (Dracula: A Love Tale), qui sortira en 2025.
Ooups, quelle série ! Ecriture parfaite, quasiment cinématographique, récit captivant, acteurs excellents et sujet important, autour de l'emprise sectaire mêlant atmosphère pensante et mysticisme revisité 2.0
De plus, c'est en Catalogne et en partie en catalan, ajoutant une dimension culturelle supplémentaire : la culture dans la culture en quelque sorte, alors que les deux réalisateurs sont bien espagnols.
Ne pas se laisser décourager par les premiers épisodes, le comportement de la mère, personnage principal, étant particulièrement irritant si on a une once d'empathie pour les deux enfants concernés, et que l'on voit grandir avec un certain soulagement au final.
7 épisodes très longs (60 à 77 mn !) permettent de comprendre dans le détail ces trajectoires, et jusqu'au bout. Grand spectacle, qui souligne la force des (bonnes) séries : le souci du détail et de l'explicitation des motifs, le cinéma étant beaucoup plus elliptique par la force des choses.
Javier Ambrossi et Javier Calvo, les deux réalisateurs et scénaristes, sont acteurs à la base, et ils sont encore jeunes : on suivra leur travail car on pourra sans doute y trouver quelques pépites à venir.
La série est produite par Movistar+, la principale chaîne payante d'Espagne et diffusée en France par Arte, qui creuse son sillon comme plate-forme de fiction devenue majeure en France, l'air de rien. La diffusion en France de séries européennes de qualité y aide évidemment.
Après ces trois monuments du moment, quelques autres réalisations peuvent être signalées
Kaos est américaine, produite par Netflix, mais son propos est original : reprendre les personnages et les récits de la mythologie grecque et les assaisonner à la sauce contemporaine. C'est bien réalisé et on y apprend des choses.
Il y manque cependant beaucoup de dieux et on aurait aimé de revoir à l'occasion par exemple Artémis/Diane ou Hermès/Mercure : on attend donc une deuxième saison (au moins !)
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Kleo, série allemande, est aussi proposée par Netflix en deux saisons pour l'instant de 7 épisodes. Kleo ressemble à un pastiche d'une série d'espionnage, mais elle fait le lien entre l'avant et l'après chute du mur, ce qui est intéressant en soi. Et on y trouve de féroces remarques sur l'histoire récente de l'Allemagne.
Le personnage principal, Kleo, espionne formée à l'Est, compose un rôle savoureux, nourrie au communisme, qu'elle tente ensuite de transposer à la société capitaliste de l'ouest, puis de l'ensemble de l'Allemagne.
Beaucoup de clins d'œil donc, et tant pis pour la crédibilité de l'ensemble. Les germanophones apprécieront aussi les dialogues, entre mots de l'est et de l'ouest... car les deux Allemagne ne parlaient pas tout à fait la même langue...
Enfin, un naufrage, bien français : Philharmonia, série produite par France 2. Le vrai et seul personnage crédible de la mini-série est bien le bâtiment de la Philharmonie de Paris, qui aura très bientôt 10 années : les prises de vue le valorisent bien, et c'est tant mieux.
Pour le reste, rien ne va : intrigue bancale, personnages outrés, dénouement risible...
Comme souvent, je suis totalement d'accord avec le Monde (Renaud Machart), qui est féroce : Philharmonia procure au moins une consolation : à mesure que les épisodes progressent et que le niveau s’effondre, on s’esclaffe devant ce colossal ratage (qui contamine le jeu de presque tous les acteurs). Au point qu’il ferait prendre le feuilleton Plus belle la vie, sur France 3 chaque soir depuis quatorze saisons, pour un chef-d’œuvre hautain et exigeant.
On ne pourrait pas mieux écrire.