Qui connait Quierzy ? Personne, à part quelques spécialistes. Et pourtant, une grande partie de l'histoire de France s'est écrite là. Ou plutôt, une grande partie de l'histoire des Francs. Quierzy fut en effet une des principales résidences des souverains carolingiens et de leurs ancêtres, pendant près de trois siècles.
Evidemment, la période qui s'étend de l'an 600 jusqu'à la fin du IX° siècle n'est pas la plus connue de notre histoire : nous sommes entre Clovis et Charlemagne, période dont émergent seulement et à peine les noms de Charles Martel et de Pépin le Bref.
Une petite incursion dans cette période - à la faveur d'une lecture pour préparer la visite de ce qui reste du site de Quierzy - est fort intéressante.
D'abord parce que nous perdons totalement nos marques modernes dans cette géographie du haut moyen âge, où l'on parle de Neustrie, Austrasie, Pannonie et tutti quanti, pays que l'on serait bien en peine de situer sur une carte.
Ensuite, parce que loin d'être obscurantiste, cette période a connu de grands développements culturels, intellectuels, artistiques, dominés par un catholicisme d'autant plus conquérant qu'il n'était pas si bien établi que cela.
Enfin, parce que nous redécouvrons au passage une forte composante politique et historique du Nord de la France : l'immense apport des Francs, véritable élite dirigeante et pensante, imposant sa loi à tous les autres.
Car les Francs et leurs souverains ne sont ni des Latins, ni des Celtes, ou, si l'on préfère, ni des Romains, ni des Gaulois : ce sont d'abord des Allemands du bord du Rhin - ou plutôt, dit sans anachronisme, des Germains, fussent-ils d'adoption, car leur berceau ancien se trouve peut-être dans l'ancienne Pannonie, quelque part où se trouve aujourd'hui la Hongrie.
Quoi ? Comment ? Ces Germains auraient dominé une bonne partie de notre histoire ?
Voilà qui ne devait pas beaucoup plaire aux historiographes du XIX° siècle, eux qui ont écrit l'histoire officielle que chacun de nos contemporains porte encore avec lui.
Nourris dans la haine du voisin de l'est, ne serait-ce pas à eux que nous devrions l'immense oubli du rôle des Francs dans la constitution de la France moderne, mais qui, au final, porte maintenant leur nom ?
Bel exemple de relativisme culturel. Il faut maintenant trouver un manuel d'histoire écrit par des Français ET par des Allemands - il en existe - pour vérifier l'hypothèse. A suivre...