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lundi 12 juillet 2021

Les séries de mai et juin : Domina, Messiah, Mare of Easttown, Ramy

 Une belle moisson de séries pour mai et juin.

Cela faisait longtemps qu'on attendait une nouvelle série sur l'Empire romain. La voici sur Sky : Domina propose huit épisodes, tous tournés dans les prestigieux studios de Cinecittà, à Rome évidemment.

Comme son nom l'indique, Domina endosse le point de vue des femmes romaines. Mais attention : pas de n'importe quelles Romaines ! 

On y parle des grandes épouses des hiérarques qui se succèdent après la mort de l'assassinat de Jules César, période troublée, juste entre la République et l'Empire, où l'on pouvait passer en très peu de temps du panthéon aux oubliettes de provinces lointaines, de préférence humides et glaciales.

Comme toujours dans les séries historiques, on traque malgré soi les anachronismes ou les erreurs historiques, et on les repère assez bien. Mais ils n'empêchent pas heureusement de se prendre au jeu des nombreuses intrigues. C'est donc qu'ils ne sont pas si importants.

Il n'a pas été choisi de tourner en latin, mais en anglais. Passons, mais on se souviendra que la série allemande Barbarians/Barbares (2020) faisait parler ses personnages totalement en latin, et c'était plutôt réussi.

On mentionnera au passage Isabella Rossellini en matrone aristocrate. 

Domina se regarde bien, même si les zigzags des intrigues et de l'arbre généalogique des Julio-Claudiens peuvent faire plisser le front. 

Enfin, Livia Drusilla, la principale héroïne, s'inspire d'un personnage féminin qui a eu une réalité historique très importante : elle était au cœur de la famille qui produit les cinq premiers empereurs romains. C'est dire si elle s'y connaît en matière de pouvoir familial et impérial.

Messiah/Le Messie est une série atypique, attachante et courageuse. Son principal ressort narratif est terriblement simple mais terriblement efficace : et si le Messie revenait aujourd'hui. Du coup, le spectateur est ballotté en permanence entre deux réalités : s'agit-il d'un imposteur, mais plutôt doué côté escroquerie et manipulation des foules, ou s'agit-il vraiment d'un personnage prophétique capable de changer la réalité du monde d'aujourd'hui en utilisant les moyens d'aujourd'hui ?

Evidemment, les réseaux sociaux sont parmi les leviers les plus utilisés par le personnage et son entourage.

L'ensemble tient debout malgré la gageure, et les scénaristes ont fait un bon travail d'équilibrage, sans jamais tomber dans la mascarade ni l'outrance.

La programmation d'une deuxième saison rencontre évidemment pas mal d'obstacles : la série est américaine et les détracteurs d'un côté ou de l'autre ne manquent pas. A suivre.

Enfin, et pour l'anecdote, le Messie, ou plutôt le magnifique acteur qui l'incarne, Mehdi Dehbi, est né... à Liège ! Ainsi soit-il 😅

Les deux autres séries sélectionnées sont construites autour de deux acteurs formidablement intéressants.

On comprend dans Mare of Easttown que le personnage principal s'appelle en fait Marianne, et que Easttown est le lieu où elle a toujours vit et travaillé, petite ville imaginaire de l'est de Pennsylvanie, même s'il existe vraiment près de Philadelphie un lieu appelé Easttown Township - lieu prédestiné à n'être qu'un non-lieu compte tenu de sa dénomination.

Nous sommes dans l'Amérique US profonde, loin des splendeurs financières et architecturales des grandes villes de la côte Est des Etats Unis. 

Mare est policière, métier pas facile à exercer sur le lieu de son enfance, où l'on connait tout le monde depuis le jardin d'enfants. 

Mais l'intérêt principal de la série est que ses créateurs se sont amusés à y projeter Kate Winslet dans le rôle de Mare. Quelle rencontre entre l'actrice fétiche de plusieurs générations entières et cet environnement grisâtre !

Elle a maintenant 45 ans dans la vraie vie. Sans fard, son jeu est magnifiquement de retenue, de sobriété et de dignité, faisant parfaitement oublier la Rose du Titanic. Elle avait à l'époque 22 ans.

La narration est captivante et solide, ce qui ne gâche rien de la mini-série : sept épisodes de 57 minutes, durée adaptée à une bonne étude des caractères, comme il est souvent nécessaire pour les (bonnes) séries policières. On aime.

Dans Ramy, les passionnés d'études interculturelles se régaleront. Tout au long des deux saisons (10 épisodes chacune), on y retrouve tous les mécanismes bien connus des relations interculturelles : fabrication et utilisation des préjugés, racisme à rebours, comédie des différences, ethnologie de comptoir, folklorisation des cultures en présence etc.

C'est que le créateur de la série en connait un rayon, comme immigré de première génération : il s'agit de Ramy Youssef lui même, né à New York, issu d'une famille égyptienne, acteur, comédien de one man show dans la vraie vie.

Ce Ramy réel est le même qui tient le premier rôle dans la série. C'est tout dire des éléments biographiques retrouvés au fil des épisodes, et tout y passe : religion (musulmane évidemment), sexualité, famille élargie ou non, mariage, amitiés, études, boulot, interdits alimentaires et autres... 

Il en prend tant et tant sur lui, que Ramy force rapidement une immense sympathie face à sa grande ingénuité devant l'en même temps (des deux cultures) qu'il essaie de capter, sans évidemment à y arriver car Ramy est et reste un américain, hélas pour lui !

Mais attention : cette série est sérieuse sous ses aspects de comédie. Comment faire autrement s'agissant d'enjeux contemporains essentiels pour toutes les sociétés, qu'elles soient de départ ou d'accueil ? Ou faut-il préférer la guerre de tous contre tous ?

Enfin, la série est produite et diffusée par Hulu, plate-forme vidéo américaine dont Disney est propriétaire à deux tiers. On peut féliciter Disney de s'ouvrir si largement à l'évolution des mentalités et aux enjeux sociaux contemporains via Hulu, comme en témoigne pas mal de séries produites par Hulu : Mrs America, Love Victor, The Handmaid's Tale/La Servante écarlate, A Teacher, The Path...

Deux mentions particulières à ajouter : The Knick et On the Spectrum.

Série américaine, The Knick - qui désigne l'hôpital Knickerbocker de New York - nous renvoie à la réalité de la médecine au début de XX° siècle. La reconstitution y est impeccable et sérieuse, sur fond de discrimination raciale implacable.

Quant à On the Spectrum, mini-série israélienne proposée par France TV en ce moment, c'est un grand coup de cœur : elle décrit la vie quotidienne décalée de trois jeunes adultes autistes installés ensemble dans un appartement adapté. On y trouve beaucoup de traits comiques, mais aussi beaucoup de douleurs : celles de la maladie mentale lucide sur elle-même, si difficile à dépeindre vue de l'extérieur. Bravo pour ce tour de force.