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jeudi 3 septembre 2009

Cycle utopies réelles (5) : la république des enfants de Benposta

Affiches du cirque des Muchachos,
émanation directe de la République des enfants de Benposta
(Afffiches disponibles parmi beaucoup d'autres
sur le site du centre de documentation et d'archives du cirque, Circusnet)

Ce jour de rentrée scolaire est l'occasion d'évoquer les utopies éducatives.

Les utopies éducatives bien réelles furent nombreuses : des missions jésuites du Paraguay au temps de la colonisation espagnole en Amérique du Sud - le blog en parlera bientôt - à toutes les expériences pédagogiques en vase clos et de tout poil du XX° siècle : Ecoles et lycées expérimentaux organisés selon les principes des pédagogues dits autogestionnaires, Libres enfants de Summerhill, Républiques des jeunes, Copainville...

On n'en parle plus beaucoup. Si les idées qui les sous-tendent sont toujours bien vivantes, elles ont eu du mal a pénétrer des sociétés basées sur de tout autres fondements. La plupart des expérimentations sont mortes ont été dénaturées sans jamais avoir été transposées à grande échelle. Il y a sans doute de bien claires raisons à cela.

C'est pourquoi la série proposée cette été sur France info par Emmanuel Davidenkoff est digne d'être remarquée, parce que fort rare, à une époque où l'on confond en permanence éduquer et instruire, et où on fait semblant de considérer qu'enseigner est d'abord un acte technique consistant à déposer dans les esprits une collection d'objets comme sur une table rase...

Triste époque qui ignore à ce point les ressorts fondamentaux des apprentissages sociaux et des interactions humaines.

La chronique du 8 août est spécialement intéressante et elle est reproduite ci-dessous. Il s'y agit de la république des enfants de Benposta en Galice, fondée en 1956 par un prêtre, Padre Silva, et qui mena l'utopie très loin. La République de Benposta n'a pas survécu à son fondateur, mais on trouve encore en Colombie un "Benposta" pour les enfants des rues.

On a envie d'opposer ces utopies généreuses, optimistes, confiantes, à une vision bien plus noire de la nature enfantine. Par exemple celle exprimée dans le célébrissime roman Lord of the flies/Sa Majesté des mouches, qui dépeint une collectivité d'enfants livrée à elle même et qui finit dans l'intolérance et la mort. Rappelons au passage que Sa Majesté des mouches se traduit par Belzebuth en hébreu. Marrant, non ?


Et si la nature enfantine n'était décidément pas si spontanément radieuse ? Et si elle tendait toujours d'abord à écraser l'autre, le maltraiter, le dominer ?

Alors le rôle de l'éducateur n'en est que plus important et l'éducation, loin d'être un acte technicien, devient l'école même de l'humanité et du droit humain, qui, loin d'être innés, devraient donc être considérés comme de très fragiles conquêtes toujours susceptibles d'être anéanties quand les circonstances s'y prêtent. Il s'agit par conséquent de les transmettre par un acte d'engagement qui ne se résume pas à un système de pratiques professionnelles, si parfaites soient-elles. C'est sans doute ce que nous révèlent ces utopies éducatives, pour maladroites et désuètes qu'elles puissent maintenant apparaitre.

France info 8 août 2009





Benposta


jeudi 21 mai 2009

Cycle Utopies réelles (4) : Niagara




Les chutes du Niagara furent depuis leur découverte par les Européens l'objet d'une multitude d'histoires, de controverses, de projets les plus fous. On retiendra notamment toutes les polémiques liées à l'accès aux chutes, longtemps privatisé et payant, puis enfin remis dans le domaine public côté USA et ultra protégé : pas même un Mac Do, les établissements commerciaux se concentrant côté canadien.


Parmi les projets, on compte notamment celui de King Camp Gillette, le même qui a inventé le rasoir à lame jetable et a légué son nom à la fameuse marque de produits de rasage : Gillette, profitant de l'immense source d'énergie que représentait les chutes, avait formé le projet d'une cité idéale complète, placée sous un dome de verre, et où règnerait, bien sûr, l'harmonie universelle. On peut en lire un peu plus en français ici notamment. Retenons aussi que les habitants de cette cité idéale travailleraient en tout et pour tout cinq ans dans leur vie. Pas mal, non ?


Enrichi par les marchés militaires de la première guerre mondiale - il fallait bien raser les poilus - Gillette fut ruiné par la crise de 1929 et ses rêves fourriéristes n'ont jamais vu le jour, même s'il avait appelé sa première boutique "La cité idéale".



Il reste à Niagara des hordes de touristes heureux d'être là - c'est la destination fétiche de tous les jeunes mariés d'Amérique du Nord - et de gigantesques usines hydroélectriques, qui n'ont hélas permis à personne de ne travailler que cinq ans sans sa vie.

Il reste de Gillette, outre son nom mondialement connu, un ranch californien de 240 hectares aménagé pour la promenade familiale et la découverte de la flore et de la faune naturelle situé non loin des hauteurs d'Hollywood, sur Mullholland Highway pour les connaisseurs, qui appartient maintenant à l'autorité qui gère les parcs naturels de Californie.



samedi 4 avril 2009

Cycle utopies réelles (3) : la saline royale d'Arc et Senans


La saline royale d'Arc et Senans est un lieu magique, exceptionnel, quasi extra terrestre. Un des rares témoins intact du grand siècle qui ne soit ni un édifice religieux, ni voué à l'habitation, mais au travail.

La Saline royale vue du ciel

Elle fut conçue et construite par Nicolas Ledoux, qui est un compatriote - il est né à Dormans, les quelques recherches faites à l'occasion de ce message me l'apprennent, - architecte de Louis XV, au temps où le sel représentait 6% de la richesse royale et où sa production méritait une attention très particulière. Classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, elle vaut un voyage, et de très loin.

Arc et Senans dans son environnement

Les sources documentaires sur la saline royale sont nombreuses et il ne s'agit pas de les plagier. Pour notre propos, on peut voir dans l'architecture de la saline la transposition d'une théorie humaniste de prise en charge globale de l'individu directement issue des Lumières.


Malheureusement, comme souvent, ce fort projet n'a pas été mené jusqu'à terme : le demi-cercle actuel, qui contenait les lieux de travail, devait être complété par un autre, comprenant cette fois les logements des ouvriers. Concurrencée par les marais salants des bords de mer, la saline a rapidement périclité compte tenu des techniques à mettre en œuvre pour récupérer le sel : transport de la saumure dans un saumauduc (la seule occurrence du mot jamais rencontrée jusqu'ici) , du bois de la forêt proche, évaporation lente etc.

Outre de nombreux visiteurs du monde entier, la Saline royale accueille aussi des manifestations culturelles et universitaires, ainsi que des séminaires de travail privés . On peut penser que ceux-ci, dans un tel environnement, sont spécialement productifs, et permettent d'isoler le sel de la science par évaporation du flot des opinions probables qui habituellement le dilue. La métaphore était trop tentante, désolé !

Le projet complet


dimanche 8 mars 2009

Cycle utopies réelles (2) : l'Unité d'habitation du Corbusier


Ayant un peu de goût pour l'architecture, la découverte, à Briey (Meurthe et Moselle) , des Unités d'habitation du Corbusier fut une révélation. J'ai infiniment d'admiration pour lui, au nom même de ce qui préside à ce cycle de messages : il a su, il a pu, par son architecture, et sa vision personnelle de son travail, modifier la vie des êtres humains.


Les cinq unités d'habitation qu'il a construites sur les mêmes principes dans les années 50 et 60, à Marseille, Briey, Berlin, Firminy et Rezé, regorgent d'innovations, d'inventions, de trouvailles, qui, a tous les niveaux, de la conception architecturale jusqu'au détail des appartements, en font des lieux à vivre exceptionnels. Elles sont l'illustration même du fait qu'habitat collectif ne signifie pas automatiquement habitat dévalorisé, difficile à vivre, dégradé.

Conçues comme de véritables villages verticaux, organisées autour de rues, offrant différents services, favorisant la rencontre et le contact entre ses habitants, les unités d'habitations sont fascinantes d'inventivité. Et les intentions de leur concepteur sont encore vivantes, même si seule celle de Marseille a pu aller jusqu'au bout de son projet, offrant encore aujourd'hui un hôtel-restaurant intégré, une supérette, un marchand de journaux, quelques autres commerces, un toit terrasse aménagé accessible à tous, dont la vue est évidemment superbe, une école maternelle figure sur la terrasse également.

L'unité de Berlin propose un petit bistrot à l'entrée, des espaces sportifs sur la terrasse, mais aussi une vaste buanderie collective (nous sommes en Europe du Nord). Rezé a gardé également l'école maternelle, c'est là le seul service collectif. Briey abrite depuis peu un snack en rez de chaussée, les appartements de la première rue sont habités en grande partie par des associations de toute nature, et une aile complète du bâtiment, isolée du reste, est dédié à une école de soins infirmiers.

Les Unités d'habitation sont restées de vastes copropriétés bien vivantes.

L'ironie est que celle de Briey était promise à la démolition et que seul le coût des travaux de sa destruction a fait reculer les satrapes qui ne lui voyaient aucun avenir. Elle est en cours de rénovation, enfin.

Appartements montant (en rouge) et descendant (en bleu)
accessibles par la rue (en jaune)


Les unités d'habitation ont des tailles et nombre d'appartement différents, mais leur conception est la même : des modules d'habitation, insérés dans des cases de béton isolées les unes des autres comme dans un casier à bouteilles - la qualité acoustique est donc remarquable. Les appartements sont accessibles à partir de "rues" qui desservent tout l'immeuble dans sa longueur, un étage sur deux. L'étage entre les deux est réservé aux appartements, qui sont traversant à ce niveau là et prennent donc la lumière des deux cotés. Les appartements sont tous sur deux niveaux, soit "montants" (en rouge), soit "descendants" (en bleu). Génial, non ?

Les appartements sont, dans toutes les unités d'habitation, orientés Est/Ouest.





Photos personnelles : cliquer sur les liens suivants
Marseille - Rezé - Briey - Berlin... et bientôt Firminy.


Liens Google Earth pour situer chacune des unités d'habitation :
Marseille - Rezé - Briey - Berlin - Firminy

mardi 10 février 2009

Cycle utopies réelles (1) : le Familistère de Guise





Il n'est pas donné à tout le monde de changer la vie de ses contemporains, pour de vrai, et surtout, en la rendant meilleure. Les hommes politiques le savent bien, dont c'est normalement le métier, ou au moins la prétention.

L'exercice est très périlleux et son issue est fort incertaine, car, si le bonheur parfait de ses semblables est visé, la démarche peut aboutir à l'enfer, compte tenu de la complexité de la nature humaine et de sa très faible aptitude à la perfection.

Mais certains, particulièrement décidés, se sont attelés à cette tâche plutôt sur de petites échelles, mais n'est-ce pas d'abord autour de soi qu'il faut agir ?

Ce cycle de messages a pour objectif d'évoquer ces pionniers praticiens de la vie sociale qui ont tenté de faire passer la théorie dans les actes.

C'est ici que réside le caractère fascinant et subversif du discours utopiste : il tente une improbable superposition des idées et du réel en évacuant par là-même l'hypothèse de la divinité, ou au moins la met comme entre parenthèse. Pas besoin de Dieu, puisque l'homme, collectivement, peut arriver au paradis, ici-même, lui-même, par son intelligence et sa volonté.




Pour ouvrir ce cycle des utopies réelles, le choix s'est porté sur le Familistère de Guise, pièce maitresse de l'utopie réelle ouvrière enfin reconnue à sa vraie valeur et en cours de restauration complète.

Visite du Ministre des régions libérées au Familistère, 1924

D'inspiration fouriériste évidente, le Familistère est une création de Jean-Baptiste Godin, industriel fabricant des fameux poêles dont la marque a survécu. Envers et contre tous, alors que les enfants travaillaient encore dans les mines partout ailleurs, Godin a décidé à partir de 1846 de prendre en charge la vie de ses ouvriers en leur offrant le meilleur : logement, d'abord, mais aussi services communs (gaz à tous les étages, vide-ordures, lavoir, pouponnière, économats, jardins ouvriers, espaces de jeu...) et services culturels (bibliothèque, théâtre-salle de conférence)... Qu'on se rende bien compte : tout cela au milieu du XIX° siècle !

Le pouponnat en 1908

Le résultat vaut un voyage : toute la zone alentour de l'usine - qui est encore en activité - est peuplée de ces bâtiments en brique, quasi intacts et encore en fonction pour certains. Le familistère vit encore : ses logements sont maintenant une belle copropriété envahie par les enfants, qui adorent probablement se retrouver dans les espaces communs intérieurs et extérieurs, sa bibliothèque est encore une bibliothèque, les fils à linge collectifs de l'arrière des immeubles servent encore à étendre le linge et on donne encore des conférences et des spectacles dans son théâtre. Vive Godin et son palais ouvrier, témoignage bien réel du fait que les idées peuvent vraiment changer la vie.

Le lavoir en 1900