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mardi 2 juillet 2024

Lieux singuliers (17) : la Villa Laurens à Agde : l'Art nouveau, au Sud




1871 : après la défaite de Sedan, l'Alsace et une bonne partie du Nord de la Lorraine deviennent allemandes, dont Metz. Du coup, Nancy devient une ville quasi frontalière : elle est à 30 km de la nouvelle frontière et toute la géographie politique, administrative et humaine de la région en est bouleversée, avec son cortège de réfugiés fuyant les bouleversements induits.

Et parmi eux, de nombreux artistes et artisans de haute volée qui trouvent dans la bonne ville de Stanislas un abri propice. Cette concentration inattendue de talents, confrontée directement à une esthétique prussienne - plutôt rigoriste - mise en œuvre à Metz ou à Strasbourg,  explique la naissance et l'essor de l'Art nouveau, fondant l'Ecole de Nancy. 

Architecture, verrerie, cristallerie, vitrail, ferronnerie, ébénisterie, papier peint, typographie, imprimerie, reliure d'art, orfèvrerie, dessin, estampe, affiche publicitaire, photographie (notamment) sont mis à contribution dans une approche esthétique globale, opposant ses courbes, ses éléments végétaux, sa légèreté à une approche plus teutonne.

De ce fait, l'Art Nouveau s'est développé à partir du Nord-Est de la France et de la Belgique.

Or, à Agde, la Villa Laurens fait exception, comme lieu singulier. On l'appelle aussi Château Laurens, mais on préfèrerait garder le vocable de Villa, tout comme on parle de la Villa Majorelle à Nancy, ou la Villa Demoiselle à Reims, de la même époque.

L'architecture extérieure elle-même de la Villa est plutôt de style Palladien, assez éloigné des canons de l'Art nouveau. Mais l'essentiel des intérieurs est purement Art nouveau, comme les images le montrent.

L'histoire mouvementée du domaine de Belle Isle, où se trouve la Villa, peut se lire ici. On distinguera surtout le personnage d'Emmanuel Laurens, héritier par hasard d'une fortune colossale, initiateur des travaux effectués pour donner à la Villa sa forme actuelle. Ici aussi, et encore une fois, l'argent n'achète pas le bon goût et l'aptitude à réunir les compétences nécessaires. Cet héritier a manifestement bien utilisé sa fortune !

Après moultes vicissitudes, le domaine et la villa très dégradés sont enfin achetés par la Commune d'Agde en 1994 et le public y est accueilli depuis 2023, comme élément magnifique du présent et du futur de son rayonnement. Vive l'argent public, non ?

Les images sont ici

lundi 3 juin 2024

Sélection des images 2023

 





C'est bien tard, mais il a fallu trier, trier et encore trier pour enfin arriver à ces 459 clichés, instantanés d'une année complète très bien remplie, comme on verra.

Que de lieux enfin visités, appréciés, admirés, après les avoir laissés si longtemps sur la liste d'attente : le Musée de Picardie tout rénové, les grands Mémoriaux du Commonwealth du Nord de la France, la si belle et si agréable ville flamande d'Arras, les grandes et riches Abbayes nichées dans les boucles de la Seine, en Normandie, le séculaire et munificent Monastère royal de Brou - qui vaut une visite à lui-même -, le flamboyant parc du Château du Champ de Bataille, l'antique Trésor de Vix et le Musée qui le présente magnifiquement, l'extraordinaire ville baroque qu'est Dresde, et Leipzig, en plein festival Bach, et enfin l'Abbaye royale de Fontevraud... que l'on rêvait d'arpenter depuis si longtemps, au milieu des tombes si prestigieuses qui l'inspirent encore.

Et puis de belles surprises, bien plus agréables que l'on aurait pensé : les Eglises fortifiées de Thiérache, les passages couverts de Paris, les Invalides, les Musées parisiens moins connus (Cernuschi, Nissim de Camondon), le nouveau quartier des Batignolles et de la nouvelle cité judiciaire de Paris, Tours et ses trésors ligériens, sans oublier la toute neuve Cité internationale de la langue française à Villers Cotterêts.

Ajoutons encore le beau Musée des Beaux Arts de Dijon, digne enfin des Ducs, les somptueux vitraux de Grüber dans l'Abbatiale St Yved de Braine et les beaux endroits du Royans, aux portes du Vercors...mais il en reste encore à voir dans cette sélection !

"Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ?" (Marguerite Yourcenar, l'Œuvre au Noir)

Et 2024, bien entamée, sera également bien riche, soyez en sûrs !

Les images sont ici

dimanche 14 avril 2024

Sur la Playlist de la fin de l'hiver : JS Bach, Actus tragicus

Eglise de Mühlhausen au 18e siècle

Quel chef d'œuvre que cette cantate de Jean-Sébastien Bach, numérotée BWV 106 dans le répertoire général de ses œuvres !

C'est une œuvre de jeunesse de Bach : il l'a écrite à 22 ans, comme organiste de Église Saint-Blaise de Mühlhausen dans les années 1707-1708.

Est-ce de l'ambiance noire de cette ville, qui a connut deux siècles plus tôt une théocratie radicale et violemment égalitaire instaurée par un disciple de Luther, Thomas Müntzer, qui a inspiré l'Actus tragicus, nom donné à cette cantate et on verra pourquoi.

Mystique, spiritualiste, apocalyptique, révolutionnaire, Thomas Müntzer fut célébré à l'époque de la RDA - nous sommes en Thuringe, ex-RDA - comme précurseur du communisme.

Le jeune Bach

Les paroles de la troisième partie de l'Actus tragicus résument très bien l'argument : 

Ah Seigneur, apprends-nous à penser
que nous devons mourir
pour que nous devenions sage.

Ach, Herr, lehre uns bedenken, (Psaume 90:12)
daß wir sterben müssen,
auf daß wir klug werden.

Nous sommes donc dans les pages les plus sombres de la théologie protestante, célébrée par cette musique savante et sobre.

L'instrumentation de la cantate correspond au dénuement de son thème : deux flutes à bec,  deux violes de gambe et un orgue, en ajoutant bien sûr les solistes et un chœur. Par contraste, les douces mélodies de l'œuvre donnent un sentiment d'humilité devant la mort, ordonnée par l'autorité divine à l'heure qu'elle choisit (En lui nous mourrons au bon moment, quand il le veut/In ihm sterben wir zur rechten Zeit, wenn er will dit le chœur initial)

Du coup, nous pensons tout de suite aux paroles que Jean-Sébastien Bach aurait prononcées sur son lit de mort quarante-deux années plus tard : Ne pleurez pas pour moi, je vais là où la musique est née

Pas mal.

Voici quelques interprétations de référence de l'Actus tragicus, mais l'internet en publie beaucoup d'autres.