Blog perso pour se faire plaisir et communiquer avec les amis qui sont loin, et tous les autres : visites, impressions, découvertes...
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lundi 9 novembre 2009

Souvenirs, souvenirs : ma RDA à moi




Vingt ans que ce fameux mur est tombé. Alors souvenons nous un peu, pour une fois,
  • des trains bloqués à la frontière des deux Allemagnes, dans les aboiements des chiens policiers courant le long de la voie pendant que les voitures étaient fouillées méthodiquement et les miroirs passés sous les essieux
  • des Vopos (Volkspolizei, les "policiers du peuple") à mitraillette surplombant le départ du train vers l'ouest à la gare de Friedrichstrasse, la dernière avant le capitalisme
  • des immenses embouteillages à l'entrée de Berlin-Ouest, au débouché des trois autoroutes "extra-terroriales" plaquées sur le territoire de la RDA, qui permettaient le passage de la RFA vers Berlin
  • de cet étrange silence dans les rues de Berlin Est, compte tenu du faible trafic et de l'immensité des avenues
  • de ces stations de métro fantômes débouchant à l'Ouest et donc interdites que les trains traversaient dans une indifférence feinte des voyageurs
  • de ce repos pour l’œil qu'était l'absence quasi totale de panneaux publicitaires
  • de ces protocoles d'accord traduits longuement dans la nuit glaciale pour régler dans les moindres détails les échanges à réaliser
  • de cette panique chez nos hôtes quand nous avons demandé l'accès à un photocopieur pour éviter de recopier le protocole : il a fallu 24 heures de délai et nous n'avons pas vu la machine, considérée comme arme stratégique inapprochable
  • de cette interprète parlant un français parfait mais qui n'était jamais sorti de son pays et n'avait jamais vu un plan de Berlin complet !
  • de cette parade surréaliste de l'armée populaire, en grand appareillage, devant le mémorial des martyrs du fascisme, en pleine nuit et dans les rues désertes
  • de la seule attraction possible et passablement ironique après le repas du soir : boire un "Cuba libre" (Coca+rhum) au Palast der Republik (Palais de la république, siège de "l'assemblée populaire" dont une partie était accessible au public)
  • du vocabulaire choisi de nos interlocuteurs, qui affectaient d'appeler les ordinateurs "Rechner" (calculateurs) au lieu de "Computer", le mot américain utilisé à l'ouest
  • de cet étrange repas servi dans une Eglise transformée en restaurant, en écoutant "Oxygène" de Jean-Michel Jarre, le régime de l'époque utilisant les artistes français pour contrebalancer l'influence anglo-saxonne qui arrivait à forte puissance par les émissions de radios et de télé à partir de Berlin-Ouest
  • de cet appartement surchauffé où nous étions logés, obligés que nous étions d'ouvrir les fenêtres alors que la température extérieure étaient négative
  • de cet étrange sentiment d'avoir entendu à France inter (relayé à Berlin Ouest à l'attention des troupes françaises d'occupation du quartier Napoléon) la sinistre liste des ministres de la première cohabitation du premier mandat de Mitterrand, vieux chevaux sur le retour pour beaucoup d'entre eux... Une autre image de la démocratie, libérale, celle-là... Si proche, si lointaine, là où nous étions
  • des bâtiments officiels d'Unter den Linden, l'avenue qui menait, côté est, à la porte de Brandebourg alors inapprochable, cœur des organisations associatives communistes, faisant face à l'immense Ambassade de l'URSS, maintenant occupés par des boutiques de luxe
  • du centre culturel français, face à l'Ambassade de France, Pariser Platz, qui mettait à disposition la presse française, introuvable ailleurs dans toute la RDA... mais encore fallait-il parler français, alors que la seconde langue du pays était évidemment le russe.
  • de ces écoles, où dans chacune une salle était dédiée à "l'amitié internationale", comprendre bien sûr à chaque fois qu'il s'agissait avec les écoliers d'y célébrer la gloire de l'URSS
Tant d'images encore... Sic transit.


Un vrai morceau du mur, avec un canif
à l'enseigne du quotidien de la RDA,
"Neues Deutschland" (la nouvelle Allemagne)

Les photos personnelles suivantes ont été prises en août 2001

La porte de Brandebourg en réfection, sponsorisée par Deutsche Telekom



"la politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens"
(parodie de la fameuses citation de Von Clausewitz :
la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens)

Images de la galerie de plein air qui réutilise une partie du mur,
près de la gare de l'Est (Ostbahnhof).
C'est la plus longue partie du mur qui a été conservée.

On trouvera d'autres photos personnelles de l'ex-RDA et du nouveau Berlin
ici et

samedi 31 octobre 2009

Pêcheur de perles musicales (18) : Lully, les Grands Motets


Lully


Le Chapelle royale, à Versailles

Comme pièces de la musique religieuse, les motets visent à glorifier Dieu. Mais pour les Motets de Lully, et surtout les grands Motets - ceux qui comportent la formation musicale la plus riche - on se demande s'ils ne sont pas plutôt directement à la gloire de son représentant sur terre, son Seigneur et Maître le Grand Roy (Prononcez "Roué" s'il vous plaît, on vous l'a déjà dit)

Un portrait de Louis XIV peut-être un peu moins connu que les autres...
Charles Le Brun (1667)
Pastel sur papier-beige, collé par les bords sur carton.
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques

On a vu en effet sur le blog précédemment à quel point le Surintendant de la musique royale pouvait être d'une servilité totale. De plus, au moment où le Miserere dont on présente les extraits ci-dessous a été composé, il fallait encore, asseoir l'autorité royale face aux évêques. Et Louis triompha encore. Cette musique est comme la célébration de cette victoire : en matière terrestre comme en matière céleste, c'est Louis Dieudonné (son deuxième prénom) qui a la main, et les évêques lui seront soumis.

Voici deux versions du Miserere (Psaume 51), composé en 1664 par un Lully trentenaire, assez curieusement, sans qu'il en ait ni la commande ni le mandat semble-t-il, mais qui fit grosse impression. Il fit pleurer Madame de Sévigné dit-on. Alors sortez vos mouchoirs au cas où et repentez vous, le Miserere, déjà rencontré sur le blog avec Allegri, sert à cela.

Miserere mei, Deus
secundum magnam misericordiam tuam.
Et secundum multitudinem miserationum tuarum
dele iniquitatem meam.

Amplius lava me ab iniquitate mea
et peccato meo munda me.
Quoniam iniquitatem meam ego cognosco
et peccatum meum contra me est semper.
Tibi soli peccavi, et malum coram te feci

ut justificeris in sermonibus tuis, et vincas cum judicaris.
Ecce enim in inquitatibus conceptus sum
et in peccatis concepit me mater mea.

Ecce enim veritatem dilexisti
incerta et occulta sapientiae tuae manifestasti mihi.
Asperges me, Domine, hyssopo,
et mundabor: lavabis me, et super nivem dealbabor.

Auditui meo dabis gaudium et laetitiam
et exsultabunt ossa humiliata.
Averte faciem tuam a peccatis meis
et omnes iniquitates meas dele.

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Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j'ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.

Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice,
être juge et montrer ta victoire.
Moi, je suis né dans la faute,
j'étais pécheur dès le sein de ma mère.

Mais tu veux au fond de moi la vérité ;
dans le secret tu m'apprends la sagesse.
Purifie-moi avec l'hysope, et je serais pur ;
lave-moi et je serais blanc, plus que la neige.

Fais que j'entende les chants et la fête :
ils danseront, les os que tu broyais.
Détourne ta face de mes fautes,
enlève tous mes péchés.

Créé en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.


Version dirigée par Hervé Niquet,
le concert spirituel, éditeur Naxos, 1993


Version Olivier Schneebeli
Centre de musique baroque de Versailles,
éditeur K617, 2002
(utiliser le bouton à droite pour accéder à tous les extraits)

mercredi 28 octobre 2009

Cycle Utopies réelles (6) : les missions jésuites du Paraguay



Le blog s'était promis de revenir sur les missions jésuites d'Amérique du Sud quand il avait proposé au visiteur une perle musicale issue de la curieuse musique baroque du nouveau monde.

Paradoxal épisode de l'histoire, d'ailleurs popularisée par le film Mission en 1986, que cette création par les jésuites - avec l'approbation du pouvoir colonial espagnol, qui , partout ailleurs autorisait les massacres en masse et la contrainte - de ces petites républiques autonomes, sur les frontières de ce qui est maintenant l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et le Brésil. Les missions furent fondées officiellement par le pouvoir espagnol en 1606 pour s'éteindre dans la deuxième moitié du XVIII° siècle.


Fondées sur une vision à la fois humaniste et théocratique des indigènes, leur accordant liberté et protection, les "réductions" indigènes étaient tout de même des sortes de réserves, mais elles ont préservé le peuple Guarani de la destruction pure et simple. A l'époque, la règle générale dans la rencontre des peuples, surtout aussi éloignés, étaient la guerre, l'asservissement, le massacre, quand ce n'était pas la maladie infectieuse importée d'Europe : Dieu reconnaitra les siens !

Les missions jésuites ont été rendues possibles du fait d'une conception très large de la divinité que les jésuites ont pu développer, que même Voltaire respectait tant elle était rare.


Les ruines des réductions jésuites, toutes construites sur le même plan ou à peu près, comme dans toute utopie bien organisée, sont classées au patrimoine mondial de l'Unesco.