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dimanche 24 mai 2020

Les séries du moment : White lines, Bodyguard, La Faille

Ces trois séries toutes récentes ont en commun le fait qu'elles ne comprennent qu'une seule saison dans la proposition faite au spectateur - au moins telles qu'elles se présentent. 

Étonnant, mais il y a sans doute de bonnes raisons car nous sommes toujours au sein d'une industrie, celle du divertissement, où rien ne dépend du hasard : volonté des producteurs de ne pas s'engager au delà d'une seule saison, passage à vide des scénaristes, relative saturation des grands réseaux de diffusion en matière de séries à multiples saisons, pas toujours de bonne qualité d'ailleurs...

Par ailleurs, ce sont toutes les trois des thrillers.


Le premier personnage de White lines, c'est d'abord Ibiza, île fidèle à sa réputation festive, transgressive, et certains ajouteraient décadente. Les lignes blanches du titre sont évidemment celles de la cocaïne, qui semble faire partie intégrante du paysage. Les chiffres de la délinquance sur l'île sont le double de ceux de l'Espagne.

La quasi-totalité des scènes y ont lieu, offrant au passage de belles cartes postales touristiques. En contrepoint, Manchester, relégué dans la vie d'avant des principaux personnages, dont ils sont originaires. Quelle image de l'Europe actuelle : le dur labeur désespérant des brumes du Nord contre la fiesta héliotropique déjantée...

L'argument policier est peut-être un peu léger au final. Il pouvait sans doute se développer sur 6 épisodes, et non pas 10... Car on tourne vite en rond : nos sommes sur une petite île. Elle est plus petite que le petit département du Territoire de Belfort par exemple (respectivement 572 km² et 609 km²). 

Les personnages semblent peu fouillés : manifestement, le parti-pris du scénario était d'abord de décrire la réalité sociale et humaine de l'île, y compris dans ses parties les plus sombres. Il ne s'agit donc pas du tout d'un prospectus touristique.

Alors, quelle est le ressort ultime de la mini-série ? Peut-être dans la description du symptôme du voyageur : le voyage et le séjour à l'étranger ne sont pas une simple translation des corps et des esprits, mais ils changent profondément les personnes et de manière irrémédiable.

Sur une planète où les humains ont la bougeotte, les enjeux sont d'importance, même si le virus va ralentir les flux... pour un moment.

Dans la version sonore originale, le jonglage permanent entre l'espagnol et l'anglais peut être un peu agaçant. Dans certains cas, pourquoi les personnages espagnols parlent-ils en anglais ensemble ?

Sans doute s'agit-il d'une complaisance à l'attention du public anglo-saxon, mais pourquoi n'est ce jamais le cas dans la Casa del Papel, dont les auteurs sont les mêmes ?


Bodyguard nous ramène au Royaume Uni sur 6 épisodes mais il s'agit cette fois d'un personnage de sang et de chair et - enfin - extrêmement fouillé. Peut-être est-ce d'ailleurs une caractéristique anglaise, compte tenu de la puissance de la tradition théâtrale d'outre-manche.

C'est encore un thriller, mais en forme de tragédie humaine ultra-moderne, mais dans laquelle la  high-tech est très contenue.  Pour une fois.

On peut prendre du plaisir à retrouver dans le personnage principal l'un des rois de Games of Thrones (Robb Stark). L'acteur concerné fut couronné par les Golden Globes du meilleur acteur dans une série télévisée dramatique, ce qui veut dire quelque chose en Angleterre, quand même.


De manière idiote, la mini-série (8 épisodes) La Faille fut affublée du titre The Wall quand elle a été présentée sur une chaîne française.

Quelle idée : il s'agit bien d'une production 100% francophone, issue directement et totalement du Québec.

C'est un gros coup de cœur, car tous les ingrédients d'une potion stimulante et roborative sont réunis : cadre singulier, acteurs authentiques faisant corps avec leur société, personnages scrutés à la loupe.

Nous sommes à 1 000 km au nord de la Ville de Québec, soit sur une latitude plutôt inhabitable.

Il s'agit de Fremont, commune réellement existante, totalement liée à d'immenses mines de fer à ciel ouvert - une espèce d'Arcelor-Mittal-City - qui a d'ailleurs abrité le tournage de la série.

Les habitants vivent en vase clos : ils se connaissent tous, se croisent tout le temps pendant les longs mois froids dans une rue souterraine reliant des différents services et commerces - sous le "Mur", qui protège la ville des vents glaciaux du Grand Nord.

Nous sommes donc dans la neige, dans beaucoup de neige et nous nous déplaçons sur Ski-doo (Appellation de la motoneige au Québec, à partir de la première marque de véhicule du genre, fabriqué par l'entreprise Bombardier dans les années 50).

Dans ce bout du monde glacé autarcique, nous traquons un meurtrier en série parmi moins de 3 000 habitants. Personne ne sort, personne n'entre ou quasi, par la force des choses. Et nous observons. Pas mal.

La version sonore a son importance : soit il faut entendre un doublage français (de France) pour rendre le Français (du Québec) totalement compréhensible, soit il faut regarder en VO car il n'existe pas apparemment de version sous-titrée en français.

Evidemment, il est toujours bien mieux de ne rien perdre de l'accent local... à condition de  pouvoir faire les efforts de compréhension sans forcément y arriver, car la langue usuelle est quelquefois très difficile à décrypter par l'oreille. Certains passages doivent être réentendus pour les comprendre à peu près, mais, au final, on y arrive suffisamment, même le 100% de compréhension est souvent impossible.

jeudi 21 mai 2020

La playlist du jour : Johannes Hieronymus Kapsberger


Kapsberger est un précurseur. Il avait 20 ans en 1600, ce qui en fait un des premiers musiciens baroques. On sait peut de choses sur sa vie : issu d'une famille allemande, il a vécu en Italie. On trouve aussi son nom dans une forme italienne Giovanni Girolamo Kapsperger.

Joueur de luth et de théorbe, sa musique est un trésor d'intimité bizarre proprement dit extraordinaire : colorée, singulière, quasi mystique... confinant quelquefois même aux cordes pincées des instruments des liturgies bouddhiques.

Son Libro quarto d'intavolatura di chitaronne fut écouté plusieurs fois. On aurait aimé qu'il ne s'arrête jamais, laissant l'esprit vagabonder et se rasséréner à l'envi.

"À écouter le soir, la nuit, entre le vin et le songe" est écrit dans Diapason (Jean-Philippe Grosperrin). Juste évocation. Nous y sommes, écrivant ces lignes.


mardi 19 mai 2020

Cycle Utopies réelles (10) : Place Carnegie à Fargniers

Ancienne commune maintenant intégrée à celle de Tergnier, il ne restait rien à la fin de la première guerre mondiale de Fargniers, comme partout ailleurs dans ce secteur ravagé.

On pouvait donc repartir quasiment d'une page blanche urbanistique. Alors est arrivé l'argent d'Andrew Carnegie, le même qui a fait construire tant et tant de bibliothèques aux Etats Unis. 2 500 environ, quand même. On ajoutera aussi celle de Reims, reconstruite à l'ombre de la cathédrale, tout le quartier ayant été mis à terre entre 1914 et 1917.

150 000 $ sont arrivés de sa fondation, soit l'équivalent de 2 millions d'Euros actuels. Carnegie, né anglais, était devenu aux Etats Unis le quatrième homme riche du monde et de tous les temps. Sa fortune était estimée à 310 milliards de dollars soit 4 700 milliards de dollars actuels. C'est très loin des 105 milliards de dollars actuels de Bill Gates.

L'acier est en cause, à une époque où il était utilisé partout et la demande mondiale était immense.

Dans cette bulle industrielle, le banquier John Pierpont Morgan côtoyait Carnegie. Morgan a dirigé la cession des aciéries de Carnegie pour créer US Steel, qui existe encore et dont le siège est resté dans la ville de Carnegie, Pittsburgh.

Sa fille, Anne Morgan, est encore célébrée du fait de son implication forte - sentimentale et financière - dans la reconstruction d'après la première guerre mondiale dans le nord de la Picardie.

Revenant à Fargniers, deux architectes de renommée sont appointés pour la construction de cette place inaugurée en 1928.

D'une part Paul Bigot, très impliqué dans la reconstruction d'après-guerre. On lui doit le monument de la première bataille de la Marne, à Mondement-Montgivroux, mais aussi le musée Antoine Lecuyer de Saint Quentin. La magnifique collection de pastels de Quentin de la Tour, l'enfant du pays, qui l'abrite méritait un bâtiment d'exception.

D'autre part Henri-Paul Nénot, une sommité française : il a présidé la société des architectes français. Ses réalisations sont prestigieuses, la plus importante étant le Palais de la Société des Nations à Genève, l'ancêtre de l'ONU.  C'est aussi lui qui a construit la Sorbonne telle que nous la connaissons. 

Carnegie, Morgan (père et fille), Bigot, Nénot : comment cette conjonction s'est-elle trouvée sur ce territoire déshérité, cheminot et ouvrier ? C'est toute une histoire qu'il faudrait reconstituer ou retrouver.

Il reste la Place Carnegie, qui donna l'armature urbanistique de Fargniers. La commune comptait un peu moins de 3 000 habitants dans les années vingt, et guère plus lors de sa fusion avec Tergnier en 1974.

La place, classée monument historique, regroupe l'ensemble des services d'une petite ville : mairie, salle de spectacle, maison de santé, école, poste... chacun étant parfaitement identifiable dans une belle homogénéité architecturale, surveillée par le buste d'Andrew Carnegie.

Un des bâtiments abrite actuellement le musée de la résistance et de la déportation de Picardie.

Il faudrait creuser aussi pour savoir si Carnegie avait connaissance de ce projet dans le détail, et si Anne Morgan y était impliquée.

Sans doute, car son pied à terre en France était au Château de Blérancourt, actuellement Musée franco-américain récemment rénové, à moins de 30 mn de Tergnier.

Richissimes et philanthropes, Morgan et Carnegie pouvaient certes se permettre de financer ce qu'ils souhaitaient mais encore fallait-il qu'ils donnaient un sens à leur fortune, dont une étincelle atterrit un  jour à Fargniers, Place Carnegie...















(photos prises le 15 mai 2020)