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mardi 19 mai 2020

Cycle Utopies réelles (10) : Place Carnegie à Fargniers

Ancienne commune maintenant intégrée à celle de Tergnier, il ne restait rien à la fin de la première guerre mondiale de Fargniers, comme partout ailleurs dans ce secteur ravagé.

On pouvait donc repartir quasiment d'une page blanche urbanistique. Alors est arrivé l'argent d'Andrew Carnegie, le même qui a fait construire tant et tant de bibliothèques aux Etats Unis. 2 500 environ, quand même. On ajoutera aussi celle de Reims, reconstruite à l'ombre de la cathédrale, tout le quartier ayant été mis à terre entre 1914 et 1917.

150 000 $ sont arrivés de sa fondation, soit l'équivalent de 2 millions d'Euros actuels. Carnegie, né anglais, était devenu aux Etats Unis le quatrième homme riche du monde et de tous les temps. Sa fortune était estimée à 310 milliards de dollars soit 4 700 milliards de dollars actuels. C'est très loin des 105 milliards de dollars actuels de Bill Gates.

L'acier est en cause, à une époque où il était utilisé partout et la demande mondiale était immense.

Dans cette bulle industrielle, le banquier John Pierpont Morgan côtoyait Carnegie. Morgan a dirigé la cession des aciéries de Carnegie pour créer US Steel, qui existe encore et dont le siège est resté dans la ville de Carnegie, Pittsburgh.

Sa fille, Anne Morgan, est encore célébrée du fait de son implication forte - sentimentale et financière - dans la reconstruction d'après la première guerre mondiale dans le nord de la Picardie.

Revenant à Fargniers, deux architectes de renommée sont appointés pour la construction de cette place inaugurée en 1928.

D'une part Paul Bigot, très impliqué dans la reconstruction d'après-guerre. On lui doit le monument de la première bataille de la Marne, à Mondement-Montgivroux, mais aussi le musée Antoine Lecuyer de Saint Quentin. La magnifique collection de pastels de Quentin de la Tour, l'enfant du pays, qui l'abrite méritait un bâtiment d'exception.

D'autre part Henri-Paul Nénot, une sommité française : il a présidé la société des architectes français. Ses réalisations sont prestigieuses, la plus importante étant le Palais de la Société des Nations à Genève, l'ancêtre de l'ONU.  C'est aussi lui qui a construit la Sorbonne telle que nous la connaissons. 

Carnegie, Morgan (père et fille), Bigot, Nénot : comment cette conjonction s'est-elle trouvée sur ce territoire déshérité, cheminot et ouvrier ? C'est toute une histoire qu'il faudrait reconstituer ou retrouver.

Il reste la Place Carnegie, qui donna l'armature urbanistique de Fargniers. La commune comptait un peu moins de 3 000 habitants dans les années vingt, et guère plus lors de sa fusion avec Tergnier en 1974.

La place, classée monument historique, regroupe l'ensemble des services d'une petite ville : mairie, salle de spectacle, maison de santé, école, poste... chacun étant parfaitement identifiable dans une belle homogénéité architecturale, surveillée par le buste d'Andrew Carnegie.

Un des bâtiments abrite actuellement le musée de la résistance et de la déportation de Picardie.

Il faudrait creuser aussi pour savoir si Carnegie avait connaissance de ce projet dans le détail, et si Anne Morgan y était impliquée.

Sans doute, car son pied à terre en France était au Château de Blérancourt, actuellement Musée franco-américain récemment rénové, à moins de 30 mn de Tergnier.

Richissimes et philanthropes, Morgan et Carnegie pouvaient certes se permettre de financer ce qu'ils souhaitaient mais encore fallait-il qu'ils donnaient un sens à leur fortune, dont une étincelle atterrit un  jour à Fargniers, Place Carnegie...















(photos prises le 15 mai 2020)