Nous sommes encore une fois totalement en anglais, mais de l'anglais de l'Angleterre... et de l'Ecosse : l'automne nous a permet d'apprécier trois séries britanniques. Voici qui confirme la grande qualité des séries d'outre-manche, héritées très probablement du talent séculaire du Royaume Uni en matière de scène théâtrale.
La mini-série The Essex Serpent - 6 épisodes d'environ 60 mn - évoque d'autres séries très réussies, très territorialisées, dans cadre rural ou semi-rural ; en tout cas hors des villes.
On pense notamment à Smother ou Normal People (Irlande), Hinterland (Pays de Galles) ou encore Shetland, dont on parle un peu plus bas (Iles Shetland, Ecosse). Ces séries campent d'emblée leurs récits dans un cadre géographique précis, dont l'histoire et les paysages permettent de nourrir les intrigues et la caméra. Et c'est souvent réussi.
The Essex Serpent fait référence à de vieilles légendes, portant le propos jusqu'à la limite du fantastique... mais jamais franchie, grâce au personnage principal, scientifique amateur.
Nous retrouvons avec un vrai plaisir Claire Danes, l'actrice américaine autour de laquelle la grande série Homeland est construite, où elle s'identifie totalement avec le personnage de Carrie Mathison jusqu'ici dans l'esprit de l'amateur de cette série.
The Essex Serpent se passe en revanche au début du XX°siècle - cela permet heureusement de mieux situer Claire Danes dans un autre rôle. Et tant mieux pour elle : pas facile de sortir d'un personnage comme celui de Carrie Mathison, succès de la série Homeland obligeant.
Deux autres mentions particulières en matière d'acteurs : d'une part Clémence Poésy, actrice française, qu'on retrouve dans un anglais parfait (et réel, elle n'est manifestement pas doublée). C'est elle qui incarne Léonora dans les deux saisons d'En Thérapie. Mais Clémence Poésy est bien connue aussi dans le monde anglo-saxon : elle fut la sorcière française Fleur Delacour dans les films d'Harry Potter. De quoi se fait connaître.
D'autre part, on peut citer le très jeune américain Caspar Griffiths, qui joue le fils du principal personnage, et qui compose à l'occasion un rôle très attachant d'enfant sérieux, à l'image de sa dizaine d'années.
On retrouve dans The Essex Serpent les ingrédients des thrillers de ce type : réticence des autochtones, persistance des superstitions, rôle prépondérant de la religion... Et sur cet arrière-fond, un récit bien découpé se développe tout au long des 6 épisodes, tortueux comme le corps du mythique serpent de l'Essex.
The Undeclared War est une série toute récente, et son propos est d'une actualité incandescente : la cyberguerre.
Au moins l'ennemi est parfaitement désigné : la Russie. Etonnant, non ? Le pays attaqué est le Royaume Uni. Et celui-ci à des moyens pour se défendre. Quand on aime la géopolitique, l'informatique et les réseaux, on est aux anges..
Manifestement, la série puise directement dans l'activité réelle du
Government Communications Headquarters (GCHQ), une des principales institutions gouvernementales du Royaume Uni traitant de renseignement. Autrement dit les grandes oreilles de Londres.
On notera au passage que le GCHQ, actif dès la première guerre mondiale, n'a été reconnu officiellement qu'en 1983, à la faveur de la guerres des Malouines. Et c'était aussi le service dans lequel
Alan Turing était actif lors de la deuxième guerre mondiale. Mais c'est une autre histoire.
La série a le mérite de mettre au grand jour les missions et les activités du GCHQ. De même, elle nous renseigne assez bien apparemment sur les pratiques et les méthodes de la guerre cybernétique.
Elle montre par exemple dans le détail ce qu'est une
usine à trolls, dont on ne pouvait pas imaginer l'existence il y a si peu.
Le contenu nous intéresse aussi quand la série touche aux relations particulières et ambivalentes entre le Royaume Uni et les Etats Unis, les deux Etats étant fortement liés en matière de renseignement.
Sur la forme, la série est de facture très classique, et les acteurs peuvent apparaitre un peu falots.
Mais le choix était sans aucun doute de mettre en avant l'existence de cette guerre non déclarée. Passionnant au final. Et parfaitement crédible et même prophétique, après l'agression russe sur l'Ukraine. Cette série fait déjà partie du monde d'après.
Nous sommes, à nouveau, dans une triple excellence avec cette série produite par la BBC One.
Excellence des intrigues : nous sommes dans une série policière, cela compte, et il faut suivre car les auteurs se sont bien amusés à emmêler plusieurs fils narratifs. Mais quand on aime, on apprécie, car on peut quelquefois être déçu par certaines séries, à mesure que le spectateur de thriller gagne en compétence... et ce niveau moyen de compétence parait augmenter de manière indéfinie, compte tenu du nombre de séries produites et présentés au public !
Excellence des acteurs, dont l'accent écossais est à couper au couteau : nous sommes dans l'archipel des Shetland, qui fait partie de l'Ecosse.
Et excellence des paysages déchiquetés de l'archipel des Shetland, bien exploités par la caméra. Nous sommes en plein océan, loin de tout entre Mer du Nord et Mer de Norvège. De quoi se dépayser.
Ces séries territoriales proposent chacune un microcosme à observer de manière quasi conviviale, et dont les particularismes touchent au final l'universalité. Ou, au moins, une certaine universalité. On aime, et on peut passer du temps sur les Shetland.