Blog perso pour se faire plaisir et communiquer avec les amis qui sont loin, et tous les autres : visites, impressions, découvertes...
Les humeurs quotidiennes ont été reléguées sur Facebook. J'ai dû désactiver les commentaires à cause des spams, désolé.


lundi 6 juin 2011

Midnight in Paris ou l'art du cliché


Cela faisait longtemps, très longtemps. Très longtemps que je n'avais fréquenté le grand écran. Le bruit des téléphones portables en pleine séance (voire de conversations téléphoniques racontant le film à mesure de son déroulement à son copain ou copine), celui des pop-corn avalés à grandes poignées avec bruits de bouche en correspondance et toutes ces micro-contrariétés de tous les instants ruinaient le plaisir de la séance... par ailleurs payée assez cher, de plus en plus cher. En bref, le cinéma était rayé pour longtemps et depuis longtemps des divertissements possibles.

Et puis il faut bien des exceptions : ce week-end en fut une, et un public bien élevé, cette fois, a permis d'apprécier sereinement la dernière proposition de Woody Allen, Midnight in Paris. Not bad, actually. Et une belle affiche en plus.

La base contractuelle de l'oeuvre occupe les premières minutes : une belle série de clichés genre Paris-Ville-lumière-que-le-monde-entier-nous-envie. Et l'on comprend du coup pourquoi Carla Bruni, qui apparaît en effet quelques minutes, réparties sur trois apparitions, figure au casting : cette femme, au passé photographique évidemment très chargé compte tenu de son ancien métier, est un cliché à elle toute seule.

On ne racontera pas l'histoire, ce serait dommage pour tous ceux qui n'ont pas vu le film. Disons qu'elle est originale et qu'au cliché géographique se superpose vite le cliché historique. En somme, nous vivons en clichés dit Woody Allen, mais il s'agit d'un constat, pas d'un jugement. Et les clichés aident à vivre, à espérer, à admirer, à dépasser la trivialité du quotidien. Bref, à vivre mieux. Truffaut ne disait pas autre chose dans sa Nuit américaine, qui reste sans doute une des meilleures leçons de cinéma jamais tournées. Peut-être une affinité secrète entre les deux films ?

Soit. Alors assumons nos idées toutes faites, mais n'en soyons pas tout à fait dupes. L'humour est là aussi. En somme, un bon moment, mais qui passe un peu vite et que l'on pourrait souhaiter un tout petit plus dense. Mais passons, c'est bien du cinéma, et du bon, qui joue avec les images et nous apprend aussi à nous en jouer.

jeudi 2 juin 2011

Frontière




Le blog a déjà fait état d'un goût immodéré pour les zones frontières, les marges et les marches.

A l'approche d'un nouveau voyage transatlantique, une expérience toute particulière de 2003 mérite sans doute quelques mots ici.

Voiture immatriculée dans la Belle Province Je me souviens - Québec, direction les Etats Unis entre lac Erié et Ontario. L'ambiance entre les Etats Unis et la France n'est pas bonne. Le Président Bush incrimine le gouvernement français pour son non engagement en Irak à longueur de médias. Des chicayas de la part des autorités d'immigration à la frontière US sont à craindre : ce n'était pas rare dans l'ambiance de l'époque, plusieurs incidents avaient été rapportés.



La voiture s'arrête à la grande barrière autoroutière qui filtre le trafic entre les deux pays, mais hélas, en mordant largement sur la bande blanche. Un agent d'immigration sort de sa boite : Monsieur, aux Etats-Unis, nous avons l'habitude de nous arrêter au STOP, en américain évidemment. Bingo, ça commence bien. Arrêtez vous un peu plus loin à droite, entrez dans les locaux et attendez, on vous appellera. Mais donnez-moi votre passeport en attendant.

OOups ! Privé de passeport à la frontière d'un pays qui se considère en état de siège, c'est comme être tout nu dans un immense terrain vague sans pouvoir en sortir.

On gare, on entre, on attend dans une petite pièce glauque au mobilier rare et avachi, par ailleurs mobilisé par  toute l'Afrique : Mozambicains, Marocains, Guinéens... et même Allemands en vadrouille.



Une porte vitrée vers l'intérieur laisse voir trois officiers d'immigration en grand uniforme assis à leur bureau, occupés à consulter de volumineux listings informatiques, à pianoter sur leurs ordinateurs, sans aucun contact visuel avec les pauvres humains non-US coincés dans le sas d'accès. Une grande mention sérigraphiée sur la porte prévient : Attendez qu'on vous appelle pour entrer. OK, on va attendre qu'on appelle.

L'Allemagne est délivrée, puis le Maroc - un gars sympa, francophone évidemment, avec lequel on a pu tuer quelques minutes en échangeant ses impressions : compte tenu de son origine, il craignait d'être refoulé, tout simplement - puis la Guinée, et pour finir même le Mozambique, remplacés bien sûr au fur et à mesure par des homologues tout aussi lointains. Quelques quarts d'heures s'empilent. Inquiétude pour la France, que j'avais l'honneur de représenter dans ce cagibi ce jour-là.

Tendant le cou pour observer l'intérieur au delà de la porte vitrée, on observe un passeport européen stagnant au coin du bureau de l'officier manifestement le plus gradé, donc le chef, tronant au milieu des autres.

Re-OOuppps Que se passe-t-il ? Est-ce au discours de M de Villepin à l'ONU contre la guerre d'Irak que je vais devoir de honteusement faire demi-tour vers mes pénates provisoires des Laurentides, après tout bien plus hospitalières pour les Frenchies dans la période.

Toujours aucun contact visuel possible avec le patron de l'immigration locale. Prenant mon courage à deux mains, je passe la porte lentement, m'approche de son bureau à pas comptés en me courbant au moins autant que devant l'Empereur de Chine, balbutiant, tremblant, Excusez moi de m'excuser, j'ai peut être été appelé, mais peut-être je ne l'ai pas entendu. Gasp.


Pas de réaction immédiate du colosse. C'est costaud, un américain en grand uniforme. Après trois secondes d'éternité, toujours sans aucun contact visuel, il attrape ce qui était bien mon passeport au coin de son bureau, l'ouvre lentement, et commence à pianoter sur son ordinateur pour y entrer je suppose mes humbles coordonnées françaises.

Enfin une question sort de sa bouche, et enfin ses yeux - par définition suspicieux - se fixent dans les miens. En américain :
Monsieur, vous êtes bien né à Vitry-le-François, France ? 
- Oui, Monsieur, je suis bien né à Vitry le François, France.
- (Toujours en américain) Monsieur, me croiriez vous si je vous dis que moi-aussi, je suis né à Vitry-le-François ?
- (En pauvre américain pour moi) Non, Monsieur, je ne vous croirais pas, personne ici ne connaît Vitry-le-François, c'est une petite ville de 18 000 habitants dans l'est de la France.



Et notre chef  local de l'immigration de passer alors dans un français parfait : Monsieur, je suis né à Vitry-le-François dix-huit mois après vous !

 Éclat de rire général, Bienvenue aux Etats Unis d'Amérique, je vous présente à mes collègues, je vous offre le café... Ouf !

Mon interlocuteur était bien né dans la même ville que moi, à 6 182 km de là, d'un père GI et d'une mère française, parlant parfaitement le français, jusque dans les noms de tous les patelins alentours de mon petit coin de Champagne, donc certains ont des prononciations fort différentes de leur graphie. Nous avons causé du pays, échangé les adresses, et voilà.

Bien sûr tout ce qui précède est authentique. Comprenne qui pourra, mais hasard et raison ne jouent pas dans la même cour.

samedi 28 mai 2011

Mémoires d'Europe (1) : lettre à mes amis finlandais/kirjeen minun suomalaisia ​​ystäviä


Bien chers Amis finlandais,

Vous êtes les plus nordiques de mes amis : il était donc naturel de commencer ce cycle de Mémoires d'Europe par vous. Et il faut bien commencer quelque part.

Sans vouloir vous vexer, vous étiez très exotiques, car nous ne vous connaissions pas très bien avant que l'Union européenne ne nous rapproche tant et d'un seul coup. A l'ombre de l'ours soviétique qui a bien failli vous manger tout crus en 1945, vous vous teniez à carreau pour ne pas réveiller l'animal. Même rhumatisant, il pouvait encore faire beaucoup de mal, quand on était à portée immédiate de sa griffe. Jusqu'à faire de la Finlandisation un concept en soi. Il faut dire que tous les siècles passés d'hégémonie suédoise ou russe alternativement vous avaient déjà donné une rude expérience de la domination culturelle.

Street art à Helsinki

Cette situation frontalière extrême - politiquement et géographiquement - vous a sans aucun doute donné ce sens de l'humour grinçant, dérisoire et désabusé dont vous étiez les maîtres et qui nous rapprochait beaucoup, car vos voisins scandinaves étaient nettement moins marrants. 

En matière de relations internationales, l'humour est essentiel et pouvoir le manier ensemble est crucial, puisqu'il met à distance nos cultures respectives et crée de ce fait un champ de communication possible à investir ensemble. On pourra se souvenir de longues plaisanteries sur l'art d'occuper les longues, longues, longues, et si sombres journées d'hiver de Laponie finlandaise. Lumineux pays du Père Noël quelques jours de décembre, les autres jours d'hiver y sont glacés par le froid et la nuit polaire.

Curieusement, votre étrange langue n'était pas un obstacle car l'anglais et la liberté du ton étaient suffisants. Elle est dite finno-ougrienne ou ouralienne. Même le polyglotte européen n'arrive à y capter que très peu de sens, puisque ses racines, qu'elle partage de manière très lointaine avec celles du Hongrois, n'ont rien à voir ni avec les langues slaves, ni avec les langues germaniques ni encore moins avec les langues latines. Tout comme notre langue basque.

Vous aviez aussi la santé. Oh là là ! Dans nos stages et séminaires internationaux, toutes les journées de travail se prolongeaient avec vous par de longues soirées interminables et souvent... bien arrosées, mais c'est une autre histoire. Normal, quand on habite autant au Nord, il faut savoir vivre la nuit, sinon, on reste au lit 20 heures sur 24 six mois dans l'année. Mais, Chapeau, cela ne vous empêchait pas, dès qu'il fallait se lever le lendemain, d'investir joyeusement les salles de bain et d'être impeccablement dispos aussi tôt qu'il le fallait pour le travail.

J'ai aimé aller vous retrouver dans votre beau pays naturel pour lequel très peu de Français avaient la moindre considération : 5 millions d'habitants, pour la populeuse et glorieuse France, cela compte à peine. Mais on y vivait bien, paisiblement et solidairement. D'ailleurs dans certaines enquêtes, il paraît que vous êtes le deuxième peuple le plus heureux du Monde, carrément.

Bon XXI° siècle à vous, l'Euro en plus. Et l'on terminera par un des hélas rares mots mémorisés de votre langue suite à tant de rencontres, mais qui n'est pas utilisé ici que pour la forme : kiitos






Bande annonce proprement lunaire
 de l'initiative finlandaise  http://www.ironsky.net/
à voir absolument : chef d'oeuvre d'humour grinçant très noir 
et très décalé